Magazine Le Mensuel

Nº 3048 du vendredi 8 avril 2016

Economie & Finances

Entre la France et le Liban. Coopération effective entre les entités de contrôle bancaire

Le contrôle des banques par l’autorité monétaire compétente a un double objectif: veiller à la solidité de la situation financière des banques, d’une part, et protéger les clients et bénéficiaires des entités soumises à son contrôle.
Dans ce cadre général de l’action des autorités monétaires de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, Violaine Clerc, directrice dans l’Association de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en France, a qualifié d’«effective» la coopération qui lie l’ACPR à la Commission de contrôle des banques au Liban (CCBL), présidée par Samir Hammoud. Celle-ci est matérialisée par un accord sous forme d’échange de lettres signé en 2003 entre les deux entités. Cette prise de contact régulière – dont la dernière réunion en date a eu lieu en novembre 2015 – est d’autant plus importante qu’il existe cinq entités implantées en France appartenant à des groupes bancaires libanais (trois filiales et deux succursales), représentant plus de 4 milliards d’euros et employant 400 salariés.
Dans une rencontre-débat tenue à Paris et initiée par le Forum des experts libanais présidé par Nada Chéhab sur le thème de la relation de coopération entre l’ACPR et la CCBL, Mme Clerc a insisté sur l’importance de la tenue de réunions régulières entre les deux entités française et libanaise permettant l’échange sur le respect des règles de gestion et de conformité par les établissements et la définition de manière concertée des actions correctrices appropriées à mettre en place, le cas échéant, par les établissements contrevenants. Pour l’ACPR, la coopération avec la Banque du Liban (BDL) permet d’avoir une meilleure compréhension du groupe: stratégie, situation financière et organisation. Du côté de la BDL, la coopération avec l’ACPR permet une meilleure compréhension de la situation des entités installées à l’étranger appartenant au groupe dont il est le superviseur, au niveau consolidé, de la réglementation qui leur est applicable.
De son côté, Samir Hammoud a abordé, entre autres thèmes, celui de l’application de la bonne gouvernance aux banques libanaises. C’est que le contrôle bancaire s’associe à la bonne gouvernance à travers un dispositif de contrôle interne et externe efficace. Pour lui, la bonne gouvernance est synonyme d’une bonne gestion des risques, que ce risque soit un risque de crédit, de change ou de taux d’intérêt. De nombreuses circulaires de la BDL ont encadré un dispositif réglementaire de respect des exigences de bonne gouvernance. Le président de la CCBL a évoqué l’obligation pour chaque banque de créer quatre comités de supervision des risques, des rémunérations, de l’audit et de la conformité aux normes internationales bancaires, dont les présidents sont autonomes n’ayant aucune relation avec les actionnaires et l’autorité exécutive au sein de l’établissement de crédit. Il a souligné, par ailleurs, l’encouragement et le soutien de la BDL à l’expansion outre-mer des banques libanaises, dont l’excès de liquidité constitue, aujourd’hui, une pression sur l’économie nationale. S’il a reconnu la difficulté rencontrée par les banques libanaises pour pénétrer les marchés développés sous une forme universelle, Samir Hammoud a insisté sur le fait que le contrôle sur place des branches et des filiales se fait en harmonie avec les autorités du pays d’accueil. En réponse à une question, il a fait état d’une plus grande difficulté à traiter avec les banques européennes qu’américaines, les premières prenant en considération le facteur de «de-risk», ou l’amenuisement des risques. Dans une projection dans le futur pour un contrôle bancaire externe plus efficient, Hammoud a évoqué l’importance d’une mutation vers un accès en temps réel aux données, ainsi que le renforcement du capital et l’accroissement des coussins de capitaux, assurant ainsi une couverture des risques opérationnels souverains et d’outre-mer.
Prenant la parole à son tour, le directeur général à Byblos Bank Europe, Fouad N. Trad, s’est appuyé sur une citation de Jean-Paul Sartre, soulignant que «la confiance se remplit par gouttes et se déverse par litres». Ainsi, il a mis en exergue l’importance d’une action permanente pour le maintien et la préservation d’une confiance intacte dans les banques.
Concernant Byblos Bank Europe, dont le siège est à Bruxelles avec des branches à Paris et Londres, il a cité «les gendarmes», soit les multi-régulations auxquelles est soumise cette filiale de la Byblos Bank spécialisée en Trade finance, à savoir la Banque nationale de Belgique (BNB) et l’Autorité des services et marchés financiers (FSMA), la Banque de France et l’ACPR à Paris, la Bank of England et la Financial Conduct Authority (FCA) à Londres, mais aussi la BDL et sa Commission de contrôle des banques au Liban (CCBL).
Il a, par ailleurs, mis l’accent sur la diffusion de Byblos Bank Europe, qui fête cette année ses 40 ans, d’une nouvelle culture de risques à tous ses collaborateurs, une culture de gestion des risques par pays et conformité, pour cette banque leader dans le financement du commerce international à partir de l’Europe, couvrant les pays arabes et africains. A cet égard, il a rappelé une déclaration de John Bowden Connally, qui remonte à 1971 alors qu’il était secrétaire au Trésor, affirmant que «le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème». Sachant qu’au Liban (et auprès des filiales européennes) le taux de dollarisation des dépôts bancaires est de 65%, des crédits octroyés de 80%, et de rapatriement d’argent de 90%.
Fouad N. Trad conclut son intervention en se référant aux propos de Sigrid Kaag, coordinatrice spéciale de l’Onu pour le Liban, tenus le 17 mars dernier devant le Conseil de sécurité: «Le Liban est l’un des derniers joyaux du Moyen-Orient. Son épine dorsale, son secteur bancaire, est une pierre précieuse à polir et à surveiller en permanence».

 

Liliane Mokbel, Paris

ACPR: rôle et compétences
L’ACPR est l’Autorité administrative française indépendante, entité homologue ou symétrique de la Commission bancaire de contrôle des banques au Liban (CCBL). Elle contrôle la situation financière – solvabilité, liquidité, rentabilité – ainsi que la qualité du dispositif de gestion des risques (gouvernance) des banques et des assurances selon les normes françaises et européennes. Depuis 2013, elle veille à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires (cf. directive européenne sur le redressement et la résolution des crises bancaires). Elle prend des mesures de police administrative et de sanction en cas de manquements aux dispositions législatives et réglementaires.

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