Magazine Le Mensuel

Nº 3049 du vendredi 15 avril 2016

Confidences Liban

Confidences Liban

Aoun tire la sonnette d’alarme
Le général Michel Aoun aborde, pour la première fois, le dossier des déplacés syriens en soutenant les positions du ministre Gebran Bassil qui ont fait l’objet d’une campagne de dénigrement pour avoir exagéré le danger de l’implantation syrienne au Liban, selon certains. «La façon dont la communauté internationale et l’Onu traitent ce dossier n’est pas claire», a dit le général de Rabié, soulignant que le Conseil de sécurité avait déjà évoqué «un retour volontaire des déplacés». De plus, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, a donné plus d’un signal dans ce sens. «Ce qui est inquiétant, ajoute le leader du Courant patriotique libre (CPL), c’est le processus adopté pour l’installation des réfugiés au Liban, en assurant à leurs enfants une scolarisation à long terme sur place, sans qu’aucun effort réel ne soit déployé pour les encourager à retourner dans leur pays. La majorité des régions habitées en Syrie sont aujourd’hui sécurisées, pourquoi ne pas utiliser les aides allouées aux familles déplacées pour faciliter leur retour sur leur propre terre?

 

L’Armée libanaise à la 9e place
Le ministre Samir Mokbel s’apprête à se rendre à Moscou les 25, 26 et 27 avril pour participer à un congrès sécuritaire. Ce sera l’occasion pour relancer les aides russes à l’armée et s’informer de la tranche liée au milliard saoudien. A Londres, il emportera le même dossier à l’expo sur la Sécurité qui doit s’y tenir à la mi-avril. Une récente étude des Global Files, portant sur les armées du monde, classe l’institution militaire libanaise à la 9e place parmi celles des pays arabes, dépassant ainsi, entre autres, l’Irak qui occupe la 11e place, malgré l’énorme décalage entre les deux armées en termes d’armements et de capacités humaines.

Les chrétiens boycottent la Chambre
Le Moustaqbal compte participer à la séance législative prévue, même si la loi électorale n’est pas inscrite à l’ordre du jour, contrairement aux promesses qu’il avait faites par le passé, selon les tendances captées par les analystes.
Bien qu’on ignore encore l’agenda et la date fixée de cette séance qui doit se tenir en mai, en attendant le round du dialogue prévu pour le 20 avril, les milieux du Moustaqbal parlent d’une ferme volonté de participation. Une participation qui se distinguera par la présence de l’ex-président Saad Hariri et l’absence des composantes chrétiennes essentielles (Courant patriotique libre – Forces libanaises et Kataëb). Une démarche qui alimentera encore plus le manque de confiance qui régit la relation du Courant du futur avec les partis chrétiens.

L’union des chrétiens
Le président Nabih Berry et d’autres leaders des communautés musulmanes n’ont pas encore réalisé le changement, récemment opéré, dans les mentalités politiques chrétiennes, particulièrement après les accords historiques de Maarab, estiment des milieux chrétiens. Cette entente a donné le coup d’envoi à une nouvelle étape, ouvrant la voie, pour la première fois, à l’application des accords de Taëf de façon équitable, via une attaque menée sur plusieurs fronts pour récupérer les droits des chrétiens progressivement spoliés. La composante chrétienne ne se résume plus à des forces antagonistes liées chacune à un axe local et régional, cet accord a créé comme une onde de choc chez cette communauté qui jalousait l’union politique des autres communautés.

Deux institutions intouchables
Deux institutions libanaises sont intouchables, de l’avis d’un diplomate: l’armée et la Banque centrale. Elles occupent le haut de l’échelle des priorités pour la communauté internationale. L’armée, pour son implication dans la guerre antiterroriste contre Daech et parce qu’elle représente le ciment qui unit encore toutes les forces politiques, Hezbollah inclus. La Banque du Liban (BDL), pour sa contribution à la stabilité sécuritaire du pays, en ce sens que l’effondrement des finances libanaises peut exposer la sécurité à de dangereuses perturbations et faciliter l’infiltration des organisations terroristes dans le tissu libanais, par la voie de l’argent. Au chapitre de l’échéance présidentielle, nul ne semble pressé, au plan régional ou international, de prendre une initiative pour mettre fin à la vacance du pouvoir.

Mgr Raï fort sollicité
Des tentatives sont menées pour amener le patriarche Béchara Raï à soutenir la tenue de la séance législative, afin d’éviter la prolongation de la paralysie de la Chambre des députés. Une démarche qui viendrait appuyer les parlementaires chrétiens participant à cette séance. La course vers l’obtention de la bénédiction du patriarche a commencé entre le camp chrétien qui boycotte cette réunion et celui – chrétien aussi -, soutenu par le président Nabih Berry, alors que Bkerké n’a pas affiché une position claire à ce sujet. Aujourd’hui, l’image qui se dégage est la suivante: le Bloc de la Fidélité à la Résistance refuse le verrouillage du Parlement, le Bloc de la Rencontre démocratique veut relancer la législation, le Moustaqbal et le Bloc du Développement et de la Libération veulent mettre au point un ordre du jour qui ne provoque personne… Pour les observateurs, Berry convoquera, certainement et de toute façon, les députés à une séance législative.

Discorde à tous les niveaux
Le président Nabih Berry et le général Michel Aoun constituent deux lignes parallèles qui ne se rencontrent que sur une seule intersection: l’adoption du scrutin proportionnel lors des prochaines législatives, c’est ainsi que s’exprime le chef de l’Assemblée. Il ajoute que cela fait longtemps que lui et le général ne sont pas du même avis sur tous les autres dossiers, ni en matière de présidentielle, ni au niveau parlementaire, ni encore au niveau gouvernemental, social ou autres… Pour Berry, cette discorde serait due à «la présence dans l’entourage proche du général de personnes qui manient l’escalade politique et l’incitation confessionnelle».

Joumblatt dénonce
Le député Walid Joumblatt continue à stigmatiser l’armée, soulignant que certains cadres de la troupe sont concernés par le scandale de l’Internet illégal aux côtés d’un grand nombre de responsables politiques et sécuritaires. Le seigneur de Moukhtara explique qu’il ne s’agit pas d’attaquer l’institution militaire, mais de dénoncer la corruption qui y sévit. Il ajoute: «Je réalise que notre crédibilité en tant que politiques est minée, surtout après la crise des déchets. Mais le seul choix qui se présente à moi est de continuer à essayer de pointer les pertes dues à la corruption qui bat son plein, peut-être que je pourrai ainsi limiter les dégâts, tout en ayant conscience de la grave crise de confiance déclarée entre le peuple et la classe politique dont je fais partie». Joumblatt dit avoir des doutes sur l’aboutissement des enquêtes en cours à des résultats tangibles.

Trois rencontres au menu
La visite prévue du président François Hollande à Beyrouth intéresse les observateurs au plus haut point. Il est fort probable que l’agenda de ses rencontres soit limité aux présidents de la Chambre et du Conseil et au patriarche Béchara Raï, en sa qualité de chef de l’Eglise maronite (en l’absence d’un chef d’Etat). A travers son entretien avec le patriarche, le président Hollande cherche, en fait, à mettre en exergue le rôle prépondérant des chrétiens dans l’équation interne. Deux avis s’entrechoquent sur les éventuels résultats de cette visite: certains estiment qu’elle est porteuse d’un message fondamental qui réaffirme le soutien de la France aux Libanais, et rappelle que la stabilité interne est toujours garantie et couverte par un parapluie international. D’autres affichent leur pessimisme, indiquant que les cercles français et libanais de l’Elysée ont demandé à Hollande de retarder sa visite jusqu’à l’élection d’un chef d’Etat, surtout qu’il n’a aucune solution à proposer sur ce dossier. Si jamais il est porteur d’une sortie de crise, il vaut mieux – de l’avis des cercles de l’Elysée – inviter les leaders libanais en France.

Siniora à Washington: pourquoi?
Des proches du Moustaqbal à Saïda s’interrogent sur l’objectif du voyage du président  Fouad Siniora aux Etats-Unis. Nul n’est convaincu par les prétextes d’ordre académique avancés pour justifier cette visite, sachant que Siniora n’est pas un philosophe et que les diplomates américains connaissent bien l’adresse de son domicile. Ces milieux pensent que ce pèlerinage est motivé par l’inquiétude qui turlupine l’ex-Premier ministre sur son avenir politique et par les défis auxquels il doit faire face à Saïda. L’homme veut, pensent les mêmes milieux, réactiver ses relations américaines afin de garantir son statut de candidat permanent à la présidence du Conseil, surtout qu’il n’est plus numéro un dans le cercle rapproché entourant Saad Hariri. Il faudrait, ajoutent-ils, connaître le volume des dons versés par le conférencier Siniora aux instituts de recherches et aux académies américains qui lui ont donné accès à leurs tribunes. Le chef du bloc parlementaire du Moustaqbal avait annoncé sa visite aux Etats-Unis, doublée d’un programme: conférences à l’Institut Carnegie et à l’Université Tufts et des rencontres avec des responsables à la Maison-Blanche et au secrétariat au Trésor.

 

Aide aux réfugiés: le Liban ignoré
Certains pays européens ne font pas cas de la requête du gouvernement libanais qui les exhorte à lui confier la distribution des fonds attribués au programme d’aide humanitaire en faveur des déplacés syriens. Ils se contentent d’acheminer directement ces fonds aux ONG européennes présentes au Liban, comme le rapportent des activistes dans le domaine. Ceux-ci révèlent, par ailleurs, que ces organisations ont recours à une supercherie juridique pour constituer des filiales locales qui leur servent de façade afin d’être à même de recueillir les subventions. Le stratagème consistant à créer des filiales permet à ces organisations d’échapper aux mesures juridiques que pourrait prendre le gouvernement libanais contre elles. Les sources révèlent qu’un grand pays européen a octroyé à cette cause quelque 10 millions de dollars et fait la promesse d’en allouer prochainement le double en faisant fi des directives libanaises officielles. Parallèlement, une délégation parlementaire hollandaise vient d’effectuer une tournée dans les camps de réfugiés de la Békaa-Ouest, promettant d’apporter de l’aide aux déplacés dans le cadre du programme de l’Onu, comme l’a dit son porte-parole qui a, par ailleurs, démenti que le but de la visite soit lié à un quelconque recensement des réfugiés syriens en vue de leur implantation sur place.

 

La troisième voix chiite
Saoudiens et Américains mettent toujours leur espoir dans ce qu’on appelle la troisième voix chiite. Le congrès organisé par le Centre libanais pour les études et la recherche sous l’intitulé Le rôle des Arabes chiites face aux plans subversifs en est une preuve, selon une source de la communauté qui a relevé le retour du cheikh Sobhi Toufayli sur le petit écran pour qualifier ses anciens camarades de «daechistes chiites». Simultanément, plusieurs organes de presse du Golfe ont publié les interviews des dignitaires chiites libanais et arabes dont l’influence sur le public chiite est nulle. Dénonçant l’insistance de la troisième voix à monopoliser l’arabité chiite dans le but de provoquer une confrontation avec le «nationalisme» iranien, la source souligne que le nationalisme chiite ne peut pas être dissocié du patriotisme libanais, ni de l’identité arabe du Liban inscrite dans les accords de Taëf, et rappelle la solidité des relations entre les chiites libanais et les pays arabes, de la Syrie à la Palestine, en passant par l’Irak, l’Egypte, l’Algérie, le Yémen et même la Tunisie… La troisième voix veut «offrir» les chiites à l’arabisme, alors que Nabih Berry préside la réunion parlementaire arabe au Caire et détient une invitation ouverte à Riyad, conclut cette même source.

 

Fatca et souveraineté
Un expert en économie parle «d’occupation financière du Liban» par les Américains. De nouvelles mesures administratives, prises par les banques locales, prennent l’allure d’une enquête détaillée sur les clients, leurs affaires, leurs intérêts et leur situation sociale. «Il s’agit tout simplement, dit-il, d’une violation de la vie privée des citoyens, ce qui est contraire aux principes des droits humains et au droit souverain de l’Etat libanais sur son économie». Tout a commencé par une contrainte, obligeant les institutions bancaires à appliquer la loi américaine Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act), transformant le secteur bancaire en factionnaire qui traque les contribuables américains à l’étranger au profit du système fiscal fédéral. Selon les prévisions de cet expert, le secret et l’indépendance bancaires vont disparaître parce que les nouvelles dispositions prises mettent tous les dossiers à découvert devant les commissions fédérales américaines, ce qui équivaut concrètement à l’accession d’Israël aux données sur la sécurité financière et bancaire du Liban. La lutte contre le terrorisme, le blanchiment d’argent ou encore contre le crime organisé n’est qu’un prétexte pour dissimuler la volonté de contrôler les charnières de l’économie nationale.

 

 

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