Une activité tous azimuts. C’est peut-être ainsi qu’on pourrait décrire l’activité dans tous les sens du patriarche Béchara Raï. Il y a quelques jours, il a rencontré, à Paris, le président français, François Hollande. Il y a deux semaines, il était à Bruxelles où il s’est réuni avec de hauts responsables et a prononcé un discours devant le Parlement européen.
Déçu par la classe politique libanaise, le patriarche Raï a décidé de concentrer ses efforts sur les diplomates. Il a ainsi rencontré successivement des ambassadeurs européens et arabes. La vacance présidentielle est devenue son souci majeur et elle figure au cœur de toutes ses rencontres. Mais son discours actuel porte sur une politique libano-régionale qui dépasse la présidentielle et pose le problème de l’existence même des chrétiens en Orient, avec tous ses dangers et ses défis. Il évoque le terrorisme, la propagation des organisations extrémistes et appelle à la nécessité de trouver une solution politique aux crises actuelles.
Pour le patriarche maronite, personne ne peut nier les pertes que les chrétiens ont subies: la mort, l’exil, l’émigration, la destruction de leurs maisons, de leurs églises et de leurs couvents. Mais la plus grosse perte serait celle de leur influence sur la culture, dans les sociétés dans lesquelles ils se trouvent à cause des conflits et des guerres. Le Liban est le seul pays dans le monde arabe où il existe une séparation entre la religion et l’Etat. Il applique le régime démocratique et reconnaît l’égalité entre chrétiens et musulmans sur la base de la citoyenneté. Il se distingue également par le fait que le président est un chrétien maronite, en fonction du pacte national de 1943. C’est pour cette raison que le Liban est le point de mire de tous les chrétiens du Moyen-Orient. Sa valeur géopolitique réside dans le fait qu’il est la porte d’entrée de l’Europe et de l’Occident vers le Proche-Orient et le monde arabe. Il est aussi le lieu de rencontre des civilisations et le pays du dialogue entre les religions. Et pour que le Liban garde cette vocation et demeure un lieu de dialogue et de paix, il faut que la communauté internationale déclare la neutralité du pays.
Le Liban ploie sous le poids de la présence de deux millions de réfugiés et de déplacés palestiniens et syriens. Cette situation représente un grand danger pour le pays du Cèdre, ses institutions, son existence et son peuple. Le cardinal Raï estime que la fin de la guerre et une solution politique sont les conditions nécessaires et impératives pour le retour des déplacés syriens et des réfugiés palestiniens.
La communauté internationale, selon le prélat maronite, devrait respecter les valeurs religieuses, morales et sociales de l’islam et l’aider à agir de la même manière que les chrétiens, en séparant la religion de l’Etat. Le Liban constitue un exemple dans ce domaine où cette séparation existe.
La communauté internationale est appelée à utiliser tous les moyens pour arrêter le conflit syrien et développer le dialogue entre les parties concernées, en vue d’assurer la stabilité et le respect de la liberté de pensée et de religion de l’être humain dans toute la région. Une paix durable pourrait garantir ces libertés et offrir aux chrétiens d’Orient l’espoir d’un avenir meilleur. Ceci pourrait aussi les encourager à rester sur leurs terres. Il faudrait éviter, selon le patriarche maronite, que la partition ne soit la solution au Moyen-Orient, alors que le monde entier se dirige vers la globalisation. Il faut instaurer l’Etat de droit, ainsi que des institutions gouvernementales et civiles, garantissant la pluralité et jouissant d’une véritable démocratie. C’est là où réside la solution. Ces pays pourront collaborer entre eux, à travers un développement économique et social, pour former des individus capables de devenir des faiseurs de paix dans la région.
Le cardinal Raï appelle à l’application des décisions du Conseil de sécurité et des accords bilatéraux, en vue de régler le conflit israélo-palestinien par le biais de la création d’un Etat palestinien qui vivrait côte à côte auprès de l’Etat israélien.
Joëlle Seif
Réconcilier l’Iran et l’Arabie
Selon le patriarche maronite, il faudrait travailler sérieusement dans le but de rapprocher l’Arabie saoudite et l’Iran pour faciliter la réconciliation entre sunnites et chiites dans tous les pays du Moyen-Orient. Il est clair que les guerres qui secouent la région ont pour source le conflit qui oppose l’Arabie à l’Iran. Chacune de ces deux puissances régionales possède ses intérêts confessionnels, économiques et stratégiques. De même, chacune d’elles a des alliés en Orient et en Occident et le Liban souffre des conséquences de ce conflit. En réalité, la vacance présidentielle depuis deux ans est le résultat de la lutte entre sunnites et chiites.