Il serait peut-être encore prématuré de parler de la période postélectorale, alors que la page des municipales n’est pas encore véritablement tournée. Mais en réalité, les élections se sont bien achevées avec celles du Mont-Liban puisque le scrutin du Liban-Sud n’a pas apporté de véritables surprises et celles prévues ce dimanche au Liban-Nord sont appelées à connaître le même sort.
A la suite de l’entente qui a eu lieu entre les anciens Premiers ministres Najib Mikati et Saad Hariri à Tripoli, les municipales du Liban-Nord ne sont pas appelées à susciter de réelles surprises. Idem pour les élections du Liban-Sud qui ont été dominées par l’entente du tandem chiite Amal-Hezbollah. Il était donc clair, depuis le début, que les véritables batailles municipales seraient limitées à la scène chrétienne, qui se caractérise par une pluralité et un réel dynamisme. Ces batailles portent en elles du suspense et des surprises. Les municipales de Zahlé et de Jounié resteront encore pour longtemps dans les annales comme le symbole de cette vive compétition électorale. Elles ont mis en évidence de nouveaux facteurs et indiqué la tendance de l’opinion publique, ainsi que l’écart entre la société civile et la classe politique. Zahlé et Jounié ont également montré le fossé qui se creuse entre les partis politiques et le peuple, ainsi que le recul de la popularité des partis et leur influence sur la base, à des degrés différents d’un parti à l’autre.
Mais l’élément le plus important à retenir de ces élections, c’est qu’elles ont brisé le statu quo qui prévalait depuis deux ans. Elles ont mis un terme à la situation de prorogation, de stagnation et d’enlisement qui caractérisait la vie politique libanaise. Les élections municipales ont eu le mérite de créer une nouvelle situation et de provoquer une réelle dynamique politique qui auront certainement des retombées à plus d’un niveau.
Remise en question
En premier lieu, les partis politiques devront procéder à une rapide et profonde remise en question. Ils devront examiner de nouveau leur organisation intérieure et leur relation avec la base, à l’ombre des diverses failles dévoilées par les élections municipales. De cette manière, ils pourront se préparer pour les prochaines élections législatives qui seront déterminantes pour définir l’identité de la nouvelle classe politique, délimiter sa dimension et son poids et préciser qui gouvernera le Liban dans les prochaines années. On estime que les partis, en occurrence chrétiens, procèderont à des changements et des permutations au niveau des sièges et des cadres dans les régions où des erreurs, des manquements et des échecs ont été enregistrés.
En second lieu, une nouvelle carte politique se dessinerait avec un changement prévisible dans les alliances. Celui-ci a commencé à prendre forme avec l’évolution du dossier de la présidentielle et s’est consacré dans les élections municipales, à l’ombre de l’effritement qui a lieu à l’intérieur du 8 et du 14 mars. Ces élections portent en elles l’indice d’une transformation dans les alliances du Courant du futur. Celui-ci pourrait procéder à une révision de ses alliances chrétiennes, à l’ombre de la campagne qu’il orchestre contre l’entente de Maarab, entre le général Michel Aoun et Samir Geagea et les faibles résultats qu’elle a enregistrés au Mont-Liban. Le Courant du futur s’est senti rassuré, estimant qu’il existe une autre alternative à laquelle il pourrait avoir recours sur la scène chrétienne. Outre son nouvel allié Sleiman Frangié, il pourrait envisager une alliance avec Michel Murr, les Kataëb, le parti Tachnag et le Bloc populaire de Myriam Skaff, à Zahlé.
Législatives incontournables
En troisième lieu, l’achèvement du chapitre des élections municipales va aussitôt ouvrir la porte aux élections législatives. Les propositions d’une nouvelle loi électorale sont en train d’être étudiées sans pour autant enregistrer de succès jusqu’à présent. La certitude que les élections législatives vont bel et bien avoir lieu dans un an tout au plus s’impose de plus en plus. Il n’existe plus aucune possibilité d’une nouvelle prorogation. Même si une nouvelle loi électorale ne voit pas le jour d’ici là, ces élections auront lieu à l’ombre de la loi de 1960 et aucun report ne sera possible. En fait, d’ores et déjà, les chefs des partis font leurs calculs sur le principe que les élections auront lieu sur la base de la loi de 1960.
Retour à l’option d’un président consensuel?
Sur le plan de la présidentielle, le résultat des élections municipales a renforcé l’idée d’un président consensuel, qui fait son chemin. Les résultats obtenus par le tandem chrétien CPL/FL sont utilisés par leurs détracteurs à un double niveau: détruire l’idée du «président fort» et affaiblir la position chrétienne. Désormais, les élections législatives prennent la priorité sur l’élection présidentielle. Dans les milieux politiques, on parle de procéder à des élections législatives et de réduire le mandat prorogé de la Chambre après que les élections municipales ont rendu caduques toutes les raisons avancées pour justifier une telle prorogation. Ainsi, le Parlement nouvellement élu, recouvert de légitimité populaire et politique, pourrait, sans aucun retard, élire un nouveau président de la République. Entre l’élection d’un président consensuel par la Chambre actuelle et celle d’un président par un nouveau Parlement, reste la possibilité d’une solution provisoire avec l’élection d’un président pour une période transitoire.
Joëlle Seif