Cité 96 fois dans la Bible, le Liban apparaît comme une terre bénie des dieux en matière de tourisme religieux. Les sites d’intérêt y foisonnent, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou druzes, et peuvent intéresser tout le monde, que l’on soit pieux ou pas.
Avis aux amateurs, le Liban n’est pas uniquement ce pays baigné de lumière, où l’on peut skier le matin et se baigner l’après-midi. Non, le pays du Cèdre est aussi une terre qui se découvre par ses lieux de culte, que l’on soit croyant ou pas, pieux ou pas. Les Libanais le savent bien, eux qui vivent leur foi – chrétienne, musulmane ou druze –, de la manière la plus naturelle possible. Qu’on se le dise, les religions sont indissociables de la culture, voire de l’identité libanaise. Nour Farra-Haddad, docteure en anthropologie religieuse et consultante en matière de tourisme religieux pour le ministère du Tourisme, en connaît un rayon sur le sujet. «Au Liban, explique-t-elle, le culte des saints draine de nos jours, comme depuis des siècles, l’essentiel des dévotions aussi bien chrétiennes que musulmanes». Les milliers de lieux de culte, éparpillés sur le territoire, en sont bien la preuve. Oratoires, chapelles, monastères, mosquées, maqâms et mazars témoignent de l’importance du culte dans la culture libanaise. Nour Farra-Haddad note, par ailleurs, que «les Libanais ont toujours été des gens très pieux et le tourisme religieux interne a toujours été très important».
D’ailleurs, souligne-t-elle, «en 2008, une association réunissant l’ensemble des cultes chrétiens au Liban a été créée, afin de développer le tourisme religieux, ainsi que les pèlerinages, qui sont deux choses différentes». Le projet prend de l’importance jusqu’en 2010 où est ébauché un Centre pour le tourisme religieux (CRT) et culturel, à vocation pastorale et touristique. L’objectif étant d’attirer autant les touristes intéressés par la culture religieuse que ceux animés d’une motivation spirituelle. Mis en sommeil entre-temps, l’idée du CRT a été réanimée par l’actuel ministre du Tourisme, Michel Pharaon, qui s’est fixé pour objectif de développer le tourisme religieux. Mais aussi, de replacer le Liban sur la carte internationale de la Terre sainte, une appellation qui avait été, jusque-là, exclusivement réservée à la Palestine et à la Jordanie, surtout après la création de l’Etat d’Israël. Conscients du potentiel libanais en la matière, deux ordres religieux ont créé des agences de voyages spécialisées en pèlerinage et tourisme religieux (Lebanon roots pour l’Ordre libanais maronite et Your ticket pour l’Ordre antonin).
«Il faut savoir que le territoire libanais compte des milliers de sites cultuels chrétiens et musulmans sur l’ensemble du pays», rappelle Nour Farra-Haddad. Selon la consultante et directrice gérante de l’agence NEOS, on peut distinguer plusieurs axes de visite autour de cette thématique.
«Nous pouvons explorer par exemple le Liban, terre sainte», explique-t-elle. Cité 96 fois dans la Bible, le pays apparaît clairement dans les textes sacrés, au même titre que ses villes, comme Sidon ou Tyr. «Le Christ lui-même fut son premier évangélisateur et foula son sol», souligne l’anthropologue. «Les Ecritures saintes nous révèlent que Jésus entreprit plus d’une prédication et opéra plus d’un miracle entre Tyr et Sidon (Matthieu 14, 21-28 et Marc 7, 24-31…). Le premier fut celui de l’eau transformée en vin à Cana. Jésus aurait loué la foi des habitants de Tyr et de Sidon et rappelé aux pharisiens un épisode de la vie du prophète Elie qui, lors d’une famine, avait été nourri par une veuve de Sarepta (devenu Sarafand au sud de Sidon)», précise-t-elle. Par ailleurs, c’est «au sommet du mont Hermon que le Christ se serait transfiguré». Le Liban-Sud, par exemple, est jalonné de lieux saints chrétiens autant que musulmans, avec le village de Cana, le sanctuaire de Notre-Dame de l’Attente à Maghdouché, le maqâm de Nabi Omran (le père de la Vierge), à Qleilé, et le maqâm de Cham’oun el-Safa à Chamaa, au sud-est de Tyr, qui abrite des tombes. Et ce n’est qu’un exemple.
Autre axe de visite, le Liban terre de sainteté. La Vallée de la Qadisha en est un magnifique exemple, haut lieu de sainteté pour la chrétienté et classé par l’Unesco. «Il y a une quantité de lieux de culte éparpillés sur tout le territoire, dédiés aux saints libanais, comme mar Charbel, mar Maroun, sainte Rafqa, sans compter les milliers de lieux dédiés spécifiquement à la Vierge et au Christ», précise Nour Farra-Haddad. «Nous avons aussi par exemple 370 lieux de culte dédiés à saint Georges, plus de 270 pour saint Elie (Nabi Elia chez les musulmans).
Par ailleurs, souligne l’anthropologue, le Liban se distingue par rapport à d’autres pays par le fait qu’il dispose d’une cartographie sacrée non figée.
Une terre de saints. «On parle même de la fabrication de nouveaux saints, figures nationales tantôt, ou encore martyrs de nombreux conflits de la région», avance-t-elle. Les bienheureux Abouna Yaacoub, Estéphan Nehmé, le vénérable Abouna Mrad, le patriarche Estéphan Doueihy et le frère Estéphan Nehmé sont en attente de béatification. Cette cartographie est très active et évolue. «On continue à construire des couvents», ce qui n’est plus le cas dans de nombreux pays.
Le Liban religieux peut aussi se visiter sous l’angle d’une «terre de dialogue et de vivre-ensemble». Le Liban est un message, avait rappelé le pape Jean-Paul II. Et de fait, avec ses dix-huit communautés religieuses installées sur un même sol, le pays du Cèdre apparaît comme un sanctuaire du dialogue interreligieux.
De plus, observe Nour Farra-Haddad, plusieurs saints sont vénérés par toutes les communautés. Saint Georges, alias mar Jeriès ou al-Khodr, est l’un d’entre eux, tout comme saint Pierre (mar Boutros, Chamoun, Semaan). Sans oublier, bien évidemment, le consensus religieux autour de la Vierge. Le plus visité reste Notre-Dame du Liban, à Harissa, le symbole de la coexistence, où l’on croise autant de visiteurs musulmans que chrétiens, libanais ou étrangers.
Jenny Saleh
Pour aller plus loin
♦ Site du ministère du Tourisme: www.destinationlebanon.gov.org
♦ Lebanon roots: lebanonroots.com
♦ Sur les pas de la Vierge et du Christ au Liban (tome I: Le Christ – tome II: La Vierge), de Victor Sauma. Disponible en librairies.
♦ Sur les pas des saints au Liban, de Victor Sauma. Disponible en librairies.
Quelques idées de week-end
La consultante Nour Farra-Haddad nous a livré quelques idées de circuits à réaliser en un week-end. Certains lieux de culte dispensent également des hébergements aux visiteurs.
Hauts lieux de culte orthodoxes au Liban-Nord
Jour 1: visite du monastère orthodoxe de Saydet el-Nourié (Notre-Dame des Lumières), visite d’Enfé avec ses églises et du couvent de Saydet el-Natour avec ses marais salants, visite de Notre-Dame de Kaftoun, ainsi que du couvent de SS Serge et Bacchus et ses fresques murales médiévales.
Nuitée à Batroun.
Jour 2: visite de Batroun, de ses églises, son souk, le mur phénicien…
Sur les pas des saints au Liban
Jour 1: visite de Smar Jbeil avec l’église de Mar Nohra, l’église de Notre-Dame du Perpétuel secours (Saydet el-ma’ounat) et sa forteresse, continuation vers Kfifane et visite du couvent de SS Cyprien et Justine (sanctuaire de saint Hardini et du béatifié Estéphan Nehmé) et, enfin, visite du couvent de St Joseph (sanctuaire de Ste Rafqa).
Nuitée au centre d’accueil du couvent de Saint-Maron de Annaya, l’Oasis.
Jour 2: visite du couvent de Saint-Maron à Annaya et de l’ermitage de SS Pierre et Paul, continuation vers Lehfed et visite de la maison natale du béatifié Estéphan Nehmé.
Sur les pas du Christ et de la Vierge au Liban
Jour 1: visite de Saïda avec ses souks, ses églises, ses mosquées, le château de la mer, le caravansérail des Français…. Continuation vers Maghdouché et visite du sanctuaire de Notre-Dame de l’Attente.
Nuitée à Tyr.
Jour 2: visite de Tyr avec son quartier chrétien et ses églises, ses souks, ses mosquées et ses deux sites archéologiques. Dans l’après-midi, visite du village de Cana avec ses deux sites de jarres et des statuaires.
A la découverte de lieux de culte druzes du Mont-Liban et de la Békaa
Jour 1: route vers Sharon, visite du maqâm de Sitt Sara et puis du maqâm de Nabi Bahaeddine.
Continuation vers la plaine de la Békaa et visite à Ammiq de Sitt Shaawana.
Nuitée à Chtoura.
Jour 2: route vers Aley, puis vers Abey et visite du maqâm de Sayyed Abdallah el-Tannoukhi, route vers la côte et visite au retour de l’oratoire de Saydet Khaldé avec sa grotte miraculeuse.
Photos: Nour Farra-Haddad – Phonearena