Où s’arrêtera Achraf Rifi?
Le ministre Achraf Rifi ne se contente pas du leadership acquis à Tripoli par le biais des municipales, il a rapidement dépassé cette étape en annonçant sa volonté d’obtenir un bloc parlementaire solide lors des législatives prochaines. Le ministre démissionnaire a même dévoilé son projet visant à mettre sur pied un courant politique, consacrant ainsi son désengagement du Moustaqbal, tout en affirmant représenter le «haririsme politique». Rifi semble confiant et son ambition n’a pas de limites. Il aurait dit devant ses visiteurs: «Saad Hariri doit réviser sa politique, surtout l’appui accordé à la candidature de Sleiman Frangié. Il doit, par ailleurs, reconsidérer son équipe et ses conseillers…». Allant encore plus loin, il a adressé un conseil au président de la Chambre, Nabih Berry, sur la nécessité de réexaminer la représentation de Tripoli autour de la table du dialogue.
Crises indissociables
Depuis l’engagement du Hezbollah en Syrie, ses relations avec la Jamaa islamia sont officiellement rompues, mises à part quelques rencontres modestes qui n’influent pas sur le cours des choses, révèle le secrétaire général de la Jamaa, Azzam Ayoubi. Ayoubi considère que la crise «structurelle» libanaise, dont découlent la vacance présidentielle et l’immobilisme à tous les niveaux, ne pourra pas être réglée à l’ombre du problème des armes. «Au Liban, il y aura, dit-il, l’avant et l’après solution de la crise. Il est impératif d’encadrer la question des armes pour apaiser la scène interne».
Le hic, c’est que l’équation régionale s’est engouffrée dans le dossier local et que le règlement de la crise libanaise ne peut être dissocié du dossier syrien, conclut Ayoubi.
Prochaine rencontre Aoun-Geagea?
Une rencontre entre Michel Aoun et Samir Geagea serait à l’ordre du jour. Au menu: les perspectives incluant la présidentielle et la loi électorale. La rencontre se déroulera sur fond de débat politique et d’évaluation de cet accord autour duquel les avis sont partagés:
n Selon les défenseurs de cette alliance, même si l’expérience des municipales était difficile, elle a été un succès. Le bilan est positif pour le tandem chrétien si on ne s’attache pas au plafond des 86% et on considère comment les adversaires ont été contraints à défendre leurs acquis de peur d’être balayés par les listes soutenues par le CPL et les FL.
n Selon les détracteurs, l’accord de Maarab n’a accompli aucun miracle. Et les interrogations en coulisse se multiplient sur les engagements futurs de ce tandem, surtout qu’au plan des municipales, le partenariat a fonctionné en certains points seulement.
Les limites d’une victoire
La victoire de la liste soutenue par Achraf Rifi ne signifie pas que les Tripolitains se soient retirés des rangs haririens. Il s’agit plutôt de l’expression de leur opposition à certaines options politiques de Saad Hariri, selon des sources du Futur. «Rifi tente de faire payer au leader du Moustaqbal le prix de sa politique d’ouverture qui a mis le Liban à l’abri de nombreuses tensions». Les limites de la victoire du ministre de la Justice démissionnaire ne dépassent pas Tripoli, précisément Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen. Sa victoire, loin d’avoir une envergure régionale, reste cantonnée à sa dimension locale. «Il est enfantin de croire que les gens sont capables de laisser tomber la maison Hariri pour suivre Rifi», disent-elles.
Les conseils de Bogdanov
Décrivant le climat de la rencontre entre le député élu, Amal Abou Zeid, et le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, à Moscou, une source informée indique que le responsable russe était à l’écoute de son interlocuteur, évitant de se prononcer officiellement sur les candidats à la présidentielle. Il a focalisé sur la nécessité d’en finir avec la vacance au pouvoir, indiquant que son pays ne se mêle pas des détails du processus «une affaire strictement interne».
Mais au cours de l’entrevue, Bogdanov a avancé une suggestion: «Comme il est difficile de trancher, la meilleure solution est de dissoudre le Parlement, d’organiser des législatives anticipées qui aboutiraient à l’élection d’un chef d’Etat, comme cela se fait dans les pays confrontés à ce genre de situation». «C’est logique, a répondu le député libanais, mais la dissolution de la Chambre doit, selon la Constitution, être validée par le président de la République (!). De plus, cette option ne fait pas l’unanimité».
Elisabeth Richard remplace Jones
Elisabeth Richard, nouvel ambassadeur des Etats-Unis, est attendue à Beyrouth avant la fin du mois. Le chargé d’affaires, Richard Jones, s’apprête à plier bagage après avoir achevé sa tournée d’adieu auprès des hauts responsables politiques et militaires. Le renforcement du soutien américain à l’Armée libanaise et aux forces sécuritaires, en matière d’équipement et d’entraînement, figure au haut de la liste des priorités inscrites sur l’agenda de Mme Richard.
Ce mois-ci, les autorités américaines ont livré à l’institution militaire, à la base aérienne de Beyrouth, deux avions de reconnaissance aux caractéristiques technologiques avancées, dotés d’appareils photos pour le tracé des frontières d’une valeur de 3,6 millions de dollars.
Tony Frangié à Zahlé
L’alliance politique entre les Marada et le Bloc populaire, qui s’inscrit dans la perspective de la création d’un front politique chrétien, se décante progressivement. C’est dans ce but que Tony Sleiman Frangié a pris le chemin de Zahlé, porteur d’un message de son père à Myriam Skaff. Le jeune «héritier» a insisté sur les relations historiques entre les deux familles et félicité la présidente du Bloc pour «son courage et les résultats honorables qu’elle a réussi à recueillir au niveau des municipales, en dépit des grands regroupements partisans qui lui ont fait face». Il a ajouté: «Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un nouveau front politique chrétien qui se dresse face aux tentatives de marginalisation et d’exclusion…».
Présidentielle: deux tendances contradictoires
On dégage deux tendances relatives à l’échéance présidentielle. La première prévoit la prolongation du vide pour une longue période vu l’escalade de la confrontation dans la région, sachant que le Liban est au cœur de cette tempête.
La seconde tendance pense qu’il n’est pas impossible que l’élection ait lieu prochainement, sans doute au mois d’août. Les défenseurs de cette thèse mettent en exergue les facteurs suivants pour la justifier:
♦ La situation épineuse du président Saad Hariri, au double niveau politique et financier, qui le pousserait à finir par accepter l’option Aoun, surtout si celle-ci facilite son retour au Sérail. Au CPL, on pense que Hariri souhaite réintégrer la présidence du Conseil au plus vite afin de rassembler son courant et retrouver sa cote de popularité.
♦ La pression exercée par le Vatican sur Washington et Paris afin d’accélérer le scrutin présidentiel pour qu’il ait lieu avant les élections américaines.
Chéhayeb dans le collimateur du bey?
De hautes instances au sein du camp du 8 mars font des paris sur les futures prises de position de Walid Joumblatt. D’après leur analyse, l’homme n’est pas éloigné de la ligne équidistante de l’Iran et de l’Arabie saoudite. Elles estiment que l’organisation de la maison familiale pour assurer une transition sereine à son fils Taymour est la priorité du moment pour Walid bey. Celui-ci est déterminé à minimiser les rôles d’Akram Chéhayeb et de Ghazi Aridi – afin d’ouvrir la voie devant le jeune héritier – leur reprochant d’être responsables des dégâts collatéraux essuyés par le Parti socialiste progressiste aux municipales. Le chef druze aurait même décidé de les transférer devant l’organe de justice du parti présidé par Nacha’t Hilal, originaire de Aley, soit le village même de Chéhayeb, pour les décrédibiliser moralement et politiquement. Cette «réforme» des rangs du parti est accompagnée d’une absence timide des plateformes politiques pro-saoudiennes. Certaines mauvaises langues du 8 mars expliquent ce repli joumblattiste par la diminution des fonds attribués par le royaume. Or, les rapports mettent en avant l’ouverture de Joumblatt sur le Hezbollah et l’Iran et sa volonté d’empêcher que le Liban se transforme en tribune pour les attaquer. Le député du Chouf est tout à fait conscient des divergences saoudo-américaines sur la Syrie.
Emile Lahoud à Dahié
L’arrivée de l’ex-président Emile Lahoud à l’église Mar Mikhayel à Chiyah a provoqué un grand tapage politique dans la région et les citoyens étaient nombreux à vouloir le saluer. La signature du livre Emile Lahoud se souvient s’est transformée en événement populaire national, d’après un participant qui met en exergue la symbolique du lieu. La présence de l’ex-président de la République dans cette église renforce la situation de ce temple de Dieu, pont solide reliant les Libanais de diverses confessions. Chrétiens et musulmans vouent un culte particulier au grand ange saint Michel (Mar Mikhayel).
Le livre rédigé par Ahmad Zeinedine rassemble des interviews et des documents authentiques sur le parcours du président Lahoud dont le mandat a été marqué par deux grands achèvements: la résurrection de l’Armée libanaise et la latitude donnée à la Résistance de libérer le territoire de l’occupation israélienne en 2000. C’est dans cette église que le document d’entente entre le général Michel Aoun et sayyed Hassan Nasrallah avait été signé.
L’EI à Aïn el-Heloué
Il n’est plus possible d’occulter les actes commis par les organisations takfiristes, l’Etat islamique (EI) en particulier, dans le camp de Aïn el-Heloué. Daech perd chaque semaine au moins un des habitants du camp dans les opérations militaires qui se déroulent en Syrie et en Irak, rapporte-t-on de source palestinienne. Le rassemblement des mouvements palestiniens tient à faire le black-out sur cette situation qui montre l’ampleur de l’extension de l’Etat islamique à travers les frontières entre les camps du Liban et de Syrie. Le commandement de Daech, selon des informations sécuritaires, cherche à activer les cellules dormantes et à s’infiltrer dans des environnements qui lui sont favorables, afin de tirer avantage du bouleversement du leadership sunnite traditionnel, comme le Moustaqbal et l’organisation des Ikhwan.
On parle d’une liaison tactique entre les activités de l’EI dans le camp de Yarmouk dans le rif de Damas, et aussi à l’est du Qalamoun avec ses cellules dormantes présentes à Aïn el-Heloué et sur les hauteurs du Akkar.
Plan tripartite de Berry pour une sortie de crise
Le chef de l’Assemblée, Nabih Berry, déploie des efforts pour préserver la formule de Taëf et éviter qu’elle ne s’effondre sur la tête de toutes les composantes locales, souligne un rapport diplomatique, citant des milieux proches du responsable libanais. Selon la thèse développée par Berry, la nouvelle loi électorale est la pierre angulaire de la transformation du dialogue national en nouveau congrès de Doha local, chargé de valider les concessions mutuelles faites par les diverses parties pour sauvegarder l’unité nationale et stopper la dégradation des institutions et la sclérose de la structure sociale. Le président du Parlement a incité des parties locales et internationales à apporter leur soutien à un plan tripartite en cinq étapes qui débute par l’adoption d’une nouvelle loi électorale, suivie de l’abrègement du mandat parlementaire, puis de l’organisation de législatives anticipées. Après quoi, on procèderait à l’élection d’un chef d’Etat et à la formation d’un gouvernement consensuel.
S’agissant de la réaction de Washington à ce plan, elle a été entachée de confusion, malgré les mémos hebdomadaires publiés par l’Administration US soulignant son attachement à la sécurité du Liban. Les Etats-Unis se sont contentés d’annoncer leur appui à l’organisation des législatives. Les hésitations américaines continuent de freiner la réussite du round prévu le 21 juin à l’heure des grands tournants politiques dans le pays.