Il n’y a plus lieu de se poser la question concernant l’opportunité de se rendre ou pas en Iran pour faire du business, la réponse ayant été donnée par un groupe de consultants libanais qui sont déjà sur place depuis plus d’un an. «Il est même un peu tard», rétorque Elie Srouji, partenaire associé d’Inbex Consultants (Téhéran). Les Français y sont déjà en force, les rues de la capitale iranienne regorgent de Peugeot 206, alors que les Allemands sont présents au niveau des technologies. Néanmoins, il faut que les Libanais étudient soigneusement les secteurs où ils entendent investir. Le marché iranien est suffisamment concurrentiel et il est préférable de s’abstenir de faire des placements dans des domaines où le secteur public est un acteur économique actif tel celui de l’immobilier. Srouji nuance ses propos et recommande aux Libanais de se tourner vers l’investissement dans les actifs doux (soft assets) en termes d’avoirs tangibles telles les ressources humaines, ou intangibles, tels les marques et le savoir-faire. Il considère que la stabilité politique est suffisamment solide dans le pays dans le sens où il n’y aurait pas de prémices de révolution ou de renversement de régime, les tiraillements se font entre gauche et droite dans le cadre d’un jeu politique domestique dont les contours sont définis. «Sur le plan sécuritaire, il est plus sûr de circuler la nuit dans les rues de Téhéran que dans celles de Beyrouth», souligne Ralph Nader, CEO de la société Amber Consultant (Liban-Téhéran), qui fait remarquer que la société iranienne est ouverte, tolérante et évolue d’une manière soutenue, les femmes travaillant aussi bien que les hommes. La demande étant plus forte que l’offre en termes de parcs hôteliers et de restauration, Nader considère que ce secteur est prometteur. D’autant que les enseignes internationales commencent à s’implanter sur le marché, entraînant dans leur sillage la nécessité pour les hôtels existants de se moderniser. Si les nouveaux entrants iraniens sur le marché du travail sont des éléments éduqués, les hauts cadres, notamment les gestionnaires qualifiés, font cependant défaut. «Un créneau à prendre au sérieux par les Libanais désormais réputés pour leur maîtrise de la gestion des affaires», dit-il. Les experts interrogés font état de la présence de restaurants iraniens qui ont copié les concepts de nombreuses enseignes libanaises et internationales sur le double plan de la forme (couleur du logo; formes et couleurs des canapés) et du fond (menu similaire). Toutefois, le produit offert n’a rien de similaire en termes de qualité et de goût à celui disponible dans les maisons mères. Une loi pour la protection des marques commerciales existe, mais son application dépend de la volonté des usurpés de faire valoir leurs droits, l’Iran, rappelle-t-on, étant membre de la Wipo.
Samer Karam, directeur de la start-up Megaphone, qui a effectué une visite de travail en mai accompagné d’une quinzaine de start-up libanaises, affirme que l’une d’elles, travaillant dans la mode, est en passe de signer un contrat à Téhéran. A la question de savoir si certains Libanais pourraient avoir des problèmes d’entrée en Iran, faisant allusion à ceux qui auraient des tampons de visa d’entrée en Arabie saoudite, Karam affirme ne pas avoir eu ce genre de difficultés. Mais «les Libanais sont connus pour aimer renouveler chaque année leurs passeports et la majorité d’entre eux détiennent deux passeports étant des binationaux», souligne-t-il.
Liliane Mokbel