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Nº 3058 du vendredi 17 juin 2016

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Jihad Azour, ancien ministre des Finances. Les banques sauront gérer la crise

«Les banques libanaises ont trouvé les moyens de réagir et de se maintenir même dans les pires phases d’instabilité». Interview de Jihad Azour, ancien ministre des Finances, qui précise que «les gens ont tendance à considérer la loi (américaine contre le Hezbollah) comme une affaire interne. Or, elle s’est imposée contre la volonté de tous les acteurs libanais».

Quel sera l’impact sur la situation financière et économique de l’explosion dont la Blom Bank a été la cible?
Il est trop tôt et très difficile de pouvoir mesurer l’impact de cette explosion sur la situation en général. Tout dépend du fait de savoir si cet événement est isolé ou si ce n’est que le début d’une série. Si l’on adopte le scénario 1, on peut dire que cet événement est certes malheureux à plusieurs niveaux, mais il n’est pas fatal: le Liban était à l’abri d’escalades sécuritaires. En ce début d’été, alors qu’on espérait un essor exceptionnel, nous risquons de voir la saison d’été touchée sur le plan touristique. A mon avis, tout événement déstabilisateur a un impact sur la confiance et, donc, sur l’ensemble de la situation financière et économique. Si l’on se dirige vers une escalade au niveau sécuritaire, les choses se gâteront. Je ne l’espère pas. Cet attentat fait suite à une escalade verbale déclenchée par le Hezbollah à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Certains font donc le rapprochement entre cette explosion et le Hezbollah, mais je pense, personnellement, qu’il n’est pas utile de faire des raccourcis sur ce plan.

Pour en revenir à la loi américaine contre le financement du Hezbollah, l’application de ses clauses ne risque-t-elle pas de déstabiliser le secteur bancaire et de faire fuir les capitaux?
Il ne faut pas se tromper de cible. Les gens ont tendance à considérer que cette loi est une affaire interne. Or, elle s’est imposée contre la volonté de tous les acteurs libanais. La loi a été votée il y a plusieurs mois, entérinée par le président des Etats-Unis depuis six mois. Cela m’a surpris que certains Libanais soient pris de court, notamment le Hezbollah. Le Liban, pour sa part, a fait plusieurs tentatives pour assouplir sa mise en œuvre. Je ne comprends donc pas cette escalade actuelle contre le gouverneur et les banques. Cette montée des tensions est inexplicable pour un événement qu’on voyait venir depuis six mois. Il s’agit plutôt de mener aujourd’hui des discussions sur le plan interne pour étudier les moyens d’appliquer cette loi avec le moins de répercussions possibles. Le Hezbollah avait déclaré, il y a six mois, que cette loi ne l’affecte pas et ne le concerne pas. Soit il l’avait mal comprise, soit il avait tablé sur le fait qu’elle ne serait pas appliquée. Il ne faut pas transformer une contrainte imposée par l’extérieur en source de problèmes internes. Cette affaire doit être réglée par la discussion et non par la dissuasion.

Quel est votre message aux Libanais qui craignent actuellement pour leur argent? Le secteur bancaire est-il en danger, comme certains le laissent entendre?
Ce n’est qu’à travers les institutions juridiques et techniques qu’on peut régler cette affaire. L’instabilité financière et économique ne se limite pas à une élite financière ou aux banques. Elle touche tous les citoyens. Il faut donc être vigilant et l’éviter coûte que coûte. Les pays qui nous entourent sont en guerre, la région est à feu et à sang, il n’est pas nécessaire d’en rajouter, il faut, au contraire, préserver le Liban. Rappelons que le pays du Cèdre a déjà traversé plusieurs situations similaires. Nous avons eu toutes sortes de crises et le secteur a trouvé les moyens de se protéger et de s’adapter. N’oublions pas qu’en 2011, par exemple, quand la guerre a été déclenchée en Syrie, un certain nombre de mesures ont été décidées par les Etats-Unis pour arrêter toute transaction entre les deux pays. Les banques libanaises ont trouvé les moyens de réagir et de tenir même dans les pires phases d’instabilité. Soyons clairs: ce ne sont pas les banques libanaises qui ont décidé de clore certains comptes. Elles n’ont fait qu’obéir aux instructions américaines.
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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