Magazine a rencontré Joslin Kehdy, fondatrice de l’ONG Recycle Lebanon. Son objectif: montrer qu’une vraie solution existe à la crise des déchets et que celle-ci passe par une autre manière de consommer.
Comment est née Recycle Lebanon?
Recycle Lebanon est née au mois d’octobre 2015, en pleine crise des ordures. Je me souviens très bien de cette vidéo qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias. On y voyait des rivières de déchets couler dans les rues de Beyrouth après les premières pluies hivernales. Les Libanais prenaient cela sur le ton de l’humour, car c’est en général le moyen local de résister au chaos. Mais moi j’étais horrifiée. A ce moment-là, j’ai senti que j’avais une mission: je ne pouvais pas rester muette. Il fallait que je passe à l’action. J’ai alors tout quitté: mon emploi de l’époque et mes activités personnelles pour me consacrer entièrement à ce problème et agir pour le Liban. J’ai commencé par contacter toutes les organisations locales qui œuvrent pour l’environnement dans le but de créer un hub qui centralise toute l’information relative au recyclage et rendre leurs actions plus visibles et plus efficaces.
Quelles ont été vos actions?
Nous avons commencé par organiser des «Clean ups beach parties». Dès le mois de janvier, tous les samedis pendant trois mois, nous partions avec des bénévoles à l’assaut du littoral de Nahr el-Kalb et Nahr Ibrahim pour chasser les déchets. Tout ce qui était recyclable était envoyé à l’association arcenciel. Le reste à Cedar Environmental. Nous utilisions ces grandes journées de nettoyage pour sensibiliser la population libanaise à ce qui peut être fait pour améliorer la situation. Comment trier? Comment recycler? Nous avions pour objectif de montrer tout ce qui peut être fait au niveau individuel pour nettoyer le pays et résoudre la crise des déchets. Le but était aussi de montrer qu’on peut commencer avec rien et que c’est un choix personnel. La situation n’est pas inéluctable. Ce n’est pas un problème insoluble. Nous pouvons agir. Nous avons également organisé une journée à Naqoura au Liban-Sud, village, un exemple de préservation de l’environnement afin de montrer qu’une alternative est possible à la situation dans laquelle nous sommes et que c’est faisable.
Les résultats ont-ils été concluants?
A Nahr el-Kalb, nous avons organisé quatorze journées de nettoyage entre les mois de janvier et d’avril. Plus de 2 000 sacs d’ordures recyclables ont été ramassés et réutilisés. Tout ce qui ne pouvait pas être recyclé a été transformé en tableaux écologiques ou utilisé pour isoler le compostage. Les pneus de voitures ont été récupérés par l’ONG (organisation non gouvernementale) Catalytic action pour construire des aires de jeux pour les enfants réfugiés. A Nahr Ibrahim, nous avons ramassé une centaine de sacs de déchets recyclables.
Quels sont vos prochains objectifs?
Nous avons créé une application Cleanuptogether. Chacun peut identifier des endroits au Liban qui doivent être nettoyés et nous y organisons des clean ups. Plusieurs journées sont déjà en cours d’organisation, mais nous ne pouvons pas encore en dire davantage. Nous ciblons également la jeunesse auprès de laquelle il est primordial de communiquer et de sensibiliser à l’environnement. Nous organisons ainsi des ateliers Nature et Science durant lesquels nous expliquons aux enfants ce qu’est l’écologie, la permaculture, ce qui est toxique de ce qui ne l’est pas… Nous souhaitons également développer nos «Ecosouks». Durant la Beirut Design Week, nous avons organisé une exposition collective où uniquement des concepts verts ont été présentés: des murs végétaux, des solutions de compost et d’autres objets fabriqués à partir d’éléments recyclés étaient exposés. Nous voulons montrer qu’une autre consommation est possible, car parler de déchets sans parler de consommation est tout bonnement impossible. Nous avons aussi tous comme responsabilité de réduire nos déchets, consommer autrement, trier, recycler et repenser.
Propos recueillis par Soraya Hamdan