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Nº 3060 du vendredi 1er juillet 2016

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Roger Melki, consultant économiste. «L’Europe des nations est envisageable»

Enseignant à la Faculté de sciences économiques de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, consultant économiste, conseiller auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et ancien conseiller des ministres des Finances et de l’Economie et du Commerce entre 2005 et 2014, Roger Melki se prononce sur le Brexit.

Qu’est-ce qui a été réellement à l’origine du Brexit?
Si on revient à l’historique de ce référendum, ce ne sont pas les enjeux réels de l’union économique et politique qui ont mené au Brexit mais plutôt un vote populaire, voire populiste, qui demeure quand même très légitime. On n’y croyait pas, certes, parce que tout l’establishment politique se positionnait pour et, même en Angleterre, les résultats des votes ont différé selon les régions. Ce vote politique de refus a effectivement été alimenté aussi bien par des inégalités internes que par une appréhension des flux migratoires qui, en réalité, n’ont pas touché la Grande-Bretagne autant que l’Europe des nationalistes. Plus encore, l’argument avancé par les «Brexiters» et qui se rapporte aux paiements effectués pour faire partie de l’Union ne tient pas réellement, les montants déclarés ne correspondant pas tout à fait à la réalité. D’autres facteurs ont contribué à cette prise de décision, à savoir les inégalités au niveau de l’Europe, puisque le développement se fait dans le monde avec beaucoup d’écarts de richesse, les déficits du secteur public désormais pointé du doigt, la fragilisation de l’emploi et des programmes publics, etc.

Qu’en est-il de l’après-vote?
Plusieurs alternatives s’avèrent possibles, surtout qu’il existe beaucoup de pays qui ne font pas partie de l’Union européenne. L’accord de libre-échange sera certainement maintenu, comme c’est le cas pour la Norvège, l’Islande, etc. Sur le plan culturel, l’anglais demeurera la langue parlée par le reste des vingt-sept pays. Le problème majeur se pose au niveau de l’emploi. Ainsi, les «quatre libertés» seront préservées: la liberté de la circulation des marchandises, la liberté de la circulation des capitaux, la liberté de la circulation des personnes et la liberté de s’installer professionnellement là où on veut. Des permis de travail et de séjour pourraient être nécessaires et des restrictions pourraient se faire, mais cela est possible des deux côtés. Globalement, ce n’est pas extrêmement traumatisant, c’est surtout au niveau micro que le Brexit va se répercuter. L’Europe ne coupera pas complètement avec la Grande-Bretagne pour préserver les secteurs et les industries, surtout si l’Angleterre se rapproche des Etats-Unis.

L’Europe ne risque-t-elle pas une fragmentation?
L’Europe des nations est envisageable. Il y a certainement un malaise social qui explique ce Brexit et ce malaise doit être pris en compte, parce qu’on le retrouve dans plusieurs pays européens qui sont tentés d’amener au pouvoir des nationalistes. Plus encore, une crise économique majeure risquerait d’emballer la machine, surtout lorsqu’on s’aperçoit que le président français, François Hollande, cherche à rebondir sur la vague anti-anglaise.
 

Propos recueillis par Natasha Metni
 

Répercussions sur le Liban
Le Liban sera affecté indirectement par le Brexit, puisqu’il s’agit d’un facteur qui joue en faveur de la récession. Les transferts seront légèrement touchés, les aides au développement allouées par le gouvernement britannique aussi. La Grande-Bretagne étant la deuxième puissance économique européenne et la cinquième puissance mondiale, les marchés mondiaux ont été inéluctablement affectés. D’où l’effondrement des places boursières et la reprise n’est pas pour demain.

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