Avec l’arrivée à terme, au mois de septembre, du mandat du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, les spéculations vont bon train. Certains milieux parlent d’une nouvelle prorogation, alors que d’autres évoquent la nomination d’un successeur à la tête de l’armée. A ce jour, la situation n’est pas tranchée, les tenants de chacune des deux options défendant fermement leur position. Magazine fait le point.
Le camp qui défend une nouvelle prorogation du mandat du général Jean Kahwagi estime que les raisons qui ont justifié la première prorogation sont toujours valables. Selon les défenseurs de cette option, la vacance présidentielle se maintient et il est préférable, dans le contexte actuel, de garder le commandant en chef de l’armée à son poste jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République, pour ne pas imposer à ce dernier une personne qui ne serait pas de son choix à la tête de l’institution militaire. En outre, la guerre contre le terrorisme atteint son paroxysme et a considérablement augmenté le rôle de l’armée sur les frontières et à l’intérieur. Le général Kahwagi a acquis une grande expérience dans ce domaine et connaît parfaitement ce dossier. Avec la tension politique et les tiraillements au sein du gouvernement, un accord sur le nom du futur commandant en chef de l’armée semble difficile et très peu probable. Or, s’il n’y a pas d’entente, ce poste de grande importance risque de se retrouver vacant. Entre la vacance et la prorogation, la deuxième option l’emportera visiblement.
Le camp qui rejette la prorogation avance, de son côté, plusieurs arguments. Pour lui, les élections municipales ont mis un terme à toute forme de prolongation. Plusieurs nominations ont eu lieu, dans l’armée et ailleurs. Un nouveau directeur des Renseignements a été désigné et prochainement ce sera le tour du chef d’état-major. Ce processus devrait se poursuivre et ne pas s’arrêter au commandant en chef de l’armée. De plus, on ne peut lier celui-ci à la vacance présidentielle, car si cette situation n’est pas réglée cet été, elle risque de ne pas l’être de sitôt. De nombreuses forces politiques rejettent une seconde prorogation du mandat du général Kahwagi.
Tous contre la prorogation!
Le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, appuient la prorogation du mandat de Kahwagi afin de préserver la stabilité de l’institution militaire dans le contexte actuel. Walid Joumblatt, quant à lui, est contre la prorogation. Il a déjà formulé de nombreuses critiques à l’encontre du général Kahwagi à travers ses tweets et la relation personnelle entre les deux hommes est presque rompue. Le Hezbollah attend la décision du général Michel Aoun et en tiendra compte. De toute manière, il est favorable à la nomination d’un nouveau commandant. Toutefois, s’il n’y a pas un accord sur un nom, il optera pour la prorogation. Quant au général Michel Aoun, sa position n’est pas claire et n’est pas encore tranchée. Certains estiment pourtant qu’il reste sur sa position initiale. Il réclame la nomination d’un nouveau chef de l’armée et rejette toute prolongation. Ceux-là estiment que le fait d’écarter Kahwagi du commandement de l’armée représente l’élimination d’un concurrent sérieux à la présidence, d’autant que la situation sécuritaire augmente les chances de Kahwagi. D’autres pensent que les circonstances sont différentes aujourd’hui et que le général Aoun est passé du stade de la confrontation à une politique d’ouverture, y compris envers Kahwagi. Il y a deux ans, la bataille avait atteint son paroxysme, car Aoun avait pour candidat le général Chamel Roukoz, passé depuis à la retraite. D’ailleurs, ce rapprochement entre Aoun et Kahwagi s’est manifesté dans la nomination des membres du Conseil militaire, ainsi que dans celle du nouveau directeur des Renseignements, le général Kamil Daher, visiteur régulier de Rabié, intervenu dans le rapprochement entre les deux hommes. Quant à Saad Hariri, sa position aurait changé, dit-on, et il serait prêt à promouvoir la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée, quoique la relation entre lui et Kahwagi soit bonne. Hariri aurait été indisposé par le rôle joué par les services de renseignements de l’armée dans la bataille municipale de Tripoli, d’une part, et il voudrait nommer le général Imad Osman à la tête des FSI après le départ à la retraite du général Ibrahim Basbous, d’autre part.
Joëlle Seif
Un sort lié au compromis global
Aux dernières nouvelles, la situation n’est pas encore tranchée et aucune des deux options (nomination ou prorogation) ne prend le pas sur l’autre, quoique la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée soit sérieuse. Celle-ci devrait normalement avoir lieu après l’élection d’un président de la République. En principe, les deux situations sont liées et on pourrait même avancer que la nomination d’un commandant en chef de l’armée fait partie intégrante du «compromis global».