Magazine Le Mensuel

Nº 3063 du vendredi 22 juillet 2016

ECONOMIE

Siniora-Khalil. Derrière la guerre des Finances

Tandis que les relations s’améliorent entre Nabih Berry et Michel Aoun, elles se détériorent entre le président du Parlement et l’ancien Premier ministre Fouad Siniora. En revanche, les rapports semblent être au mieux entre Berry et Saad Hariri dans le cadre du dialogue à Aïn el-Tiné entre le Moustaqbal et le Hezbollah.   

Le bras de fer financier, des dernières années, entre le Courant patriotique libre (CPL) et le Courant du futur oppose actuellement le Moustaqbal et le mouvement Amal, dont un ministre est aux Finances. Le communiqué diffusé par le Bloc du Futur a surpris les milieux politiques. De fait, il ne s’est pas limité aux critiques et accusations adressées au Hezbollah, mais a englobé Ali Hassan Khalil, ministre des Finances. «Celui-ci ne chercherait en aucune façon, selon le communiqué, à remédier à la situation financière et à trouver les ressources susceptibles de renforcer le Trésor. Il ne met pas de l’ordre dans la gestion des finances publiques et ne contrôle pas la corruption, les pots-de-vin et le gaspillage».
 

Magouilles en cascade
La riposte prenant Fouad Siniora pour cible n’a pas tardé et fut dure. «Nous ne savons pas, dit le ministre Khalil, si une étude financière peut libérer l’ancien ministre des Finances (Siniora) de ses responsabilités». Raillant la réunion du Bloc du Futur, qui a pris la défense des actions illégales dans les dépenses publiques, «le ministère des Finances, dit Khalil, n’a pas besoin du témoignage de celui qui se trouve en position d’accusé et qui a réussi à gérer l’anarchie des 11 milliards de dollars que l’opinion publique n’a pas oubliés». A cela, Khalil a ajouté que son ministère était fier d’avoir préparé le budget dans les délais constitutionnels, contrairement à ce qui se faisait à l’époque de Siniora. «Nous le mettons au défi de nous retrouver devant la justice pour corruption et pots-de-vin».
Ce bras de fer s’est répercuté sur le rapport des finances publiques, établi par Khalil, qui revient sur les comptes en suspens de 1993 à 2010. Cette annexe que le ministre a fait passer en Conseil des ministres sans entraîner un débat a provoqué la colère de Siniora, principal responsable du ministère des Finances et des politiques financières de l’époque. Elle a fait allusion à des magouilles, des pots-de-vin et de la corruption.
Pour des milieux informés, ce bras de fer financier a des dessous politiques et reflète la tension qui règne dans les relations entre Berry et Siniora depuis un mois. Tension due à l’opposition de Siniora à l’initiative de Berry et à l’appel de ce dernier à un dialogue sur la base d’un package deal. Toutefois, on ne sait pas si cette position est personnelle à Siniora ou si elle traduit celles du Futur et de son président Saad Hariri.
Il est clair que Siniora est le premier opposant à cette initiative à l’intérieur du Courant du futur. Il a entamé une campagne de contacts et de mobilisation politique pour la bloquer et torpiller les réunions ouvertes du dialogue auxquelles Berry a convié les 2, 3 et 4 août prochain… Siniora ne cache pas son opposition, il en a parlé autour de la table du dialogue national en déclarant au président Berry qu’il ne voulait pas de ces réunions et préférait que les choses se déroulent normalement: que le dialogue reste limité à la présidentielle.

 

Lobbying de Siniora
Depuis que Berry a lancé son initiative, Siniora s’est acharné à former une force de pression parlementaire à l’intérieur du 14 mars pour y faire échec, mettant en garde contre un fait accompli qui nous «entraînerait à des accords dont nous ne voulons pas et qui ne seraient pas conformes à nos thèses. On arriverait à des élections législatives avant la présidentielle».
A Aïn el-Tiné, le message d’opposition que fait passer le président Siniora est celui du Courant du futur, qui ne voit dans le dialogue national qu’un chemin vers le vide, histoire de faire passer le temps en attendant de nouvelles conditions régionales. Que sa préférence va à la poursuite du dialogue national en attendant des changements qui commenceraient après l’élection du nouveau président américain… Les milieux de Aïn el-Tiné sont particulièrement mécontents du torpillage politique mené par Siniora, mais continuent à penser qu’entre ce dernier et le président Saad Hariri, les positions ne sont pas tout à fait les mêmes.

Chaouki Achkouti

Présidentielle: le Futur divisé
Il existe deux avis au sein du Courant du futur concernant l’élection du général Michel Aoun à la présidence. Pour le premier, représenté par Fouad Siniora et le député Ahmad Fatfat, il n’est pas question d’élire Aoun auquel ils ne font pas confiance… Le second, plus modéré, réclame des garanties. Ils sont perplexes au sujet de Aoun vu les expériences passées. Il serait imprudent de renoncer à Sleiman Frangié avant d’être sûrs d’un compromis avec Aoun que le Hezbollah accepterait.

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