L’ancien ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui, affirme à Magazine que le CPL n’a aucun doute que le «Hezbollah est sincère dans son soutien au général Michel Aoun et qu’il mettra toute son énergie, le moment venu, pour le faire arriver à la présidence». Le vice-président du Courant patriotique libre (CPL) revient aussi sur l’affaire Ziad Abs, radié du parti pour des raisons qu’il explique.
Comment évaluez-vous les élections au Courant patriotique libre?
Je pense que nous avons le droit d’être fiers de nous. Ces primaires organisées à la manière des plus vieux partis européens ont prouvé que le CPL entend institutionnaliser les pratiques démocratiques en interne et donner l’exemple en espérant que les autres partis politiques libanais le suivront. Il est notoire que dans cette sombre période, où la démocratie a régressé au Moyen-Orient et au Liban en particulier (annulation des élections parlementaires en 2013 et 2014), le CPL est devenu le seul espace démocratique où les échéances électorales se succèdent et sont suivies avec intérêt et curiosité par tous les Libanais, par ailleurs privés de leurs droits sur le plan national.
Comment expliquez-vous le fait que Ziad Abs ait obtenu autant de voix aux primaires?
Ziad et moi avons fait équipe durant les dix dernières années. Pendant les années où j’ai été ministre, c’est lui qui gérait le terrain. Il est donc naturel qu’il ait acquis une certaine popularité auprès des membres du parti à Achrafié. Le conflit n’est pas personnel. Il a refusé de se plier à certaines règles et décisions du parti en ce qui concerne les élections des moukhtars aux dernières élections municipales. Les procédures internes du parti ont été actionnées et ont abouti, après une enquête approfondie, à sa radiation par le comité de sages qui tranche ces questions.
Pour en revenir à la présidentielle, quand Samir Geagea dit «notre candidat est Michel Aoun», le croyez-vous sincère?
Oui. Le rapprochement avec les Forces libanaises (FL) est solide et durable. C’est un rapprochement stratégique et non tactique. J’espère et je pense qu’il va aller bien au-delà de la présidentielle et couvrir d’autres sujets importants comme la loi électorale.
Le Hezbollah dit soutenir Michel Aoun, mais ne pèse pas sur ses alliés pour qu’ils en fassent de même. Pourquoi?
En politique, tout est question de timing. Les meilleures intentions du monde et les meilleurs plans échouent à cause d’une erreur de timing. Nous n’avons aucun doute que le Hezbollah est sincère dans son soutien au général et qu’il mettra toute son énergie, le moment venu, pour le faire accéder à la présidence. En attendant, l’obstacle déclaré vient du Courant du futur, la composante sunnite de la mosaïque libanaise. C’est d’ailleurs cette même composante qui, pour les mêmes raisons, refuse de modifier la loi électorale pour permettre une meilleure représentation des chrétiens au Parlement.
Le risque du fédéralisme au Liban est-il sérieux?
Je ne crois pas que le Liban risque la fédération si le Moyen-Orient ne s’oriente pas vers elle dans son ensemble. Si, un jour, tel est le cas, le Liban sera le dernier pays à l’adopter. Le CPL, quant à lui, est pour la décentralisation élargie mais non pour le fédéralisme.
Comment sortir de l’impasse? Par un remaniement des accords de Taëf?
Commençons par appliquer les accords de Taëf avant de les remanier. Ceux-ci prévoient notamment l’adoption de la décentralisation et, ensuite, une loi électorale à la proportionnelle. L’accord de Taëf n’est pas un menu dans lequel chaque parti politique choisit ce qui lui convient.
Le sort du Liban restera-t-il tributaire des développements en Syrie ou peut-il sortir de sa crise indépendamment de ce qui se passe dans la région? Que faut-il faire pour cela?
Durant les deux dernières années, la communauté internationale s’est arrangée pour exclure le Liban de la guerre qui bat son plein en Syrie. En même temps, elle a dit aux dirigeants libanais: si vous pouvez trouver un arrangement interne pour réactiver vos institutions, nous n’y voyons pas d’inconvénient. Il aurait suffi pour cela d’accepter l’élection du candidat soutenu par la majorité des chrétiens. Dommage pour toutes ces années perdues, mais il n’est jamais trop tard.
Propos recueillis par Danièle Gergès