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Nº 3066 du vendredi 12 août 2016

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15e anniversaire de la réconciliation. Maronites et druzes, un même combat

Ce n’est pas une coïncidence si l’inauguration de l’église Notre-Dame de Moukhtara par le patriarche Béchara Raï et Walid Joumblatt a eu lieu le samedi 6 août, 15 ans, jour pour jour, après le fameux processus de réconciliation de la Montagne, enclenché, en 2001, par le cardinal Mar Nasrallah Boutros Sfeir et le leader druze.

Ce qui aurait pu être une simple manifestation sociale ou religieuse s’est vite transformé en événement politique national. Cette 15e commémoration de la réconciliation pouvait se dérouler en silence, comme les quatorze années qui l’ont précédée. Mais, cette fois, le leader de la Montagne a intentionnellement voulu donner une autre dimension à ce souvenir, en choisissant cette date pour inaugurer l’église Notre-Dame. Cette manifestation dénote une volonté claire de rapprochement chez Joumblatt avec des chrétiens, à un moment où le pays traverse une crise sans précédent.
L’accueil réservé au prélat maronite a été très chaleureux. De Damour à Moukhtara, des portraits du patriarche, des drapeaux libanais et d’autres à l’effigie du patriarcat étaient accrochés et des banderoles souhaitant la bienvenue au prélat maronite levées. La messe a eu lieu dans l’église Notre-Dame de Moukhtara, fraîchement rénovée. Bâtie au XIXe siècle par Bachir Joumblatt, aïeul de Walid Joumblatt, cette église était construite pour que la famille Khazen puisse y célébrer la messe lors de ses passages dans le village. C’est pourquoi l’ancien député du Kesrouan, Farid Haykal el-Khazen, a fait le déplacement, ce jour-là, à la tête d’une importante délégation de sa famille.
Après l’office religieux, des personnalités religieuses chrétiennes, musulmanes et druzes se sont réunies au palais des Joumblatt. A cette occasion, Walid Bey a rendu, dans un discours, un vibrant hommage au cardinal Sfeir, dans lequel il a affirmé que la guerre de la Montagne était révolue à jamais.
De tout temps, la relation de Walid Joumblatt avec les leaders maronites a été caractérisée par la tension et l’instabilité. Ceci est dû notamment à des raisons historiques, liées à la lutte pour le pouvoir et à l’influence au Mont-Liban et sur les terres communes. De même, le seigneur de Moukhtara a toujours estimé que son intérêt politique résidait dans son rapport à ses deux alliés sunnite et chiite, dans le cadre du trio Berry-Hariri-Joumblatt.
Le rapport de Joumblatt aux leaders maronites, représentés aujourd’hui par le duo Michel Aoun et Samir Geagea, n’a jamais connu la compréhension et l’harmonie qui le caractérisent actuellement. Des raisons tactiques et stratégiques dicteraient cette situation. La position chrétienne envers Joumblatt est positive et compréhensive; elle se veut tolérante envers le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) dans sa spécificité et ses intérêts. Ce comportement a trouvé un écho positif auprès du leader druze. Il s’est traduit dans les élections municipales et dans son engagement dans la poursuite du processus de la réconciliation historique de la Montagne, dont les bases avaient été jetées par le cardinal Nasrallah Sfeir. Cet esprit positif se manifeste également dans la loi électorale. Le tandem chrétien Aoun-Geagea appuie la demande de Joumblatt, qui réclame que les cazas du Chouf et de Aley fassent partie d’une même circonscription électorale, quelle que soit la division des circonscriptions. Les chrétiens appuient aussi implicitement la création d’un sénat dont la présidence devrait revenir à la communauté druze. Ainsi serait créée une quatrième présidence dans le régime confessionnel libanais.

 

Convergence sur la présidentielle
On note un rapprochement dans la position du duo maronite Aoun-Geagea avec Joumblatt concernant la présidence. Il existe une harmonie entre eux sur la priorité à combler la vacance et à mettre en avant la position de la présidence plutôt que la personne du président. Le leader druze accepte désormais l’idée que Michel Aoun soit élu et n’y oppose aucun refus ou veto. Il est, en outre, convaincu que le pays ne peut tolérer le vide présidentiel plus longtemps et ne peut plus conserver sa stabilité sécuritaire et économique. Les deux parties sont conscientes du danger de la situation si celle-ci devait se prolonger, surtout à l’ombre des développements internationaux et régionaux. Si Nabih Berry et Saad Hariri maintiennent toujours la candidature de Sleiman Frangié, Joumblatt, quant à lui, s’est montré prêt à renoncer à cette candidature et a vite fait de revoir ses comptes et de réviser ses options.

Joëlle Seif

Un facteur d’équilibre
Les similitudes entre les communautés chrétienne et druze sont nombreuses, surtout concernant la nature des menaces et des dangers dont elles font l’objet. Toutes deux sont des minorités dans la région et font face aux pressions du conflit sunnite-chiite. Elles craignent de payer le prix de ce conflit et d’être atteintes par ses éclats. Mais, à leur tour, ces deux communautés représentent un tampon et un facteur d’équilibre entre sunnites et chiites.

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