Face aux évolutions accrues de la société, aux développements technologiques et vu les avancées incontestables du monde du numérique, nous assistons à l’émergence de nouveaux métiers et à la disparition de certains autres. Aujourd’hui, les besoins et les demandes du marché changent à une vitesse considérable. Comment parvenir donc à suivre le rythme de ces évolutions?
«Les technologies avancent très vite. Sans curiosité, on recule très vite» (Jacques Froissant). Il est, de nos jours, impératif de se munir d’une bonne connaissance technologique pour avancer dans toute carrière professionnelle. Interrogé à ce sujet, le ministre du Travail, Sejaan Azzi, explique que certains métiers ne vieillissent pas. Ce sont notamment ceux qui relèvent des besoins élémentaires de toute société. Cependant, nous assistons aujourd’hui à un développement accru de métiers spécifiques qui profitent de plus en plus d’un élan important. Ce sont les métiers relatifs aux nouvelles technologies, à l’informatique, aux inventions, aux réseaux sociaux et aux recherches scientifiques. Cet essor diffère pourtant d’une société à l’autre. En d’autres termes, il existe des sociétés qui ont la capacité de «résorber le flux de ces nouveaux métiers parce qu’il s’agit, effectivement, de sociétés industrialisées, modernes, organisées et ayant accompli des études de marché», affirme Azzi.
D’autre part, en revanche,«il y a les sociétés non développées, où ces nouveaux métiers sont en mesure de créer du chômage, l’offre étant plus importante que la demande.Le Liban en est un exemple concret, vu qu, jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’étude du marché du travail, ce qui constitue une lacune importante», poursuit-il.
Vers quels métiers se tourner?
Aujourd’hui, on se tourne surtout vers le monde du commerce et ce qui en dépend (banque, comptabilité, informatique, ressources humaines, graphic design, etc.). Ce sont donc surtout les secteurs de production qui engendrent le plus d’opportunités de travail (commerce, tourisme, industrie, technologie, etc.). «La médecine, le génie, la pharmacie, le droit et l’architecture sont, certes, des métiers intéressants et importants. Souvent, les parents orientent leurs enfants vers ces domaines comme si le fait d’obtenir de tels diplômes est garant de permettre à ces derniers de trouver du travail. Or, en réalité, nous faisons face à une inflation de médecins, de pharmaciens, d’avocats, d’ingénieurs et d’architectes et la plupart d’entre eux sont au chômage», assure Azzi. Le Liban compte actuellement 47 000 ingénieurs, 10 000 avocats, et en février 2015, l’Ordre des pharmaciens s’est réuni avec le ministre du Travail pour lui demander de ne pas autoriser au Conseil des ministres les demandes de certaines universités d’ouvrir des facultés de pharmacie parce qu’il y a un surplus de pharmaciens au Liban. Mary Kawar, spécialiste de l’emploi au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT), confirme les propos du ministre, certifiant que la structure de la population active au Liban a effectivement délaissé les secteurs de l’agriculture et de la fabrication pour se tourner vers le commerce, les services et la construction.
«Le ministère du Travail n’a pas pour fonction d’assurer des emplois, mais de protéger plutôt les métiers existants», souligne Sejaan Azzi. «Nous avons posé des restrictions quant à la livraison des permis de travail aux étrangers pour effectivement protéger la main-d’œuvre libanaise. Cette politique, assez controversée au départ, commence à donner des résultats». Après avoir stipulé, dans son décret, que les métiers faisant partie des domaines de la décoration et de la construction sont uniquement réservés aux Libanais, le Syndicat des architectes a reconnu que, depuis la publication du décret, beaucoup de Libanais ont commencé à occuper ces métiers, là où, auparavant, c’étaient des Syriens qui faisaient le travail.
«Nous ne devons délivrer des permis de travail aux étrangers que lorsque nous ne trouvons pas de Libanais capables de répondre à une spécialisation spécifique.
En Suisse, un industriel, un commerçant, bref, tout employeur ne peut faire travailler un étranger qu’après avoir produit au gouvernement les preuves que, durant six mois, il n’a pu trouver aucun Suisse ou Européen pour le métier en question», confie le ministre.
Faire travailler des étrangers pour des salaires bas et sans leur assurer de couverture sociale est, certes, bénéfique pour les entrepreneurs, mais nuit à la main-d’œuvre libanaise et augmente le pourcentage de chômage et les flux d’immigration.
Le chômage étant un fléau international (surtout avec la récession en Europe et les crises politiques et sécuritaires au Liban et au Moyen-Orient), il est important de le maintenir sous un seuil acceptable.
Actuellement au Liban, sur 25% de chômeurs, 36% sont des jeunes.
Le pays compte 1 800 000 Libanais qui travaillent dont 64% sont des hommes et 36% des femmes. Alors que le Liban a besoin, chaque année, d’au moins 32 000 nouveaux jobs, le marché libanais n’en génère que
3 000 par an.
Ceci est principalement dû à la crise syrienne et à la présence massive des Syriens au Liban.
Selon le ministre du Travail, avant l’arrivée des déplacés syriens (qui ont dépassé les 1 700 000), le taux de chômage au Liban était de 10 à 12%, ce qui permet de constater qu’il a plus que doublé aujourd’hui.
Natasha Metni
Initiatives
Le ministère du Travail a lancé une étude du marché du travail au Liban en coopération avec l’Association des commerçants de Beyrouth et la SGBL. Cette étude se concentre sur les métiers se rapportant au domaine du commerce et aux professions qui en découlent.
Une autre étude est menée avec l’Organisation internationale du travail (OIT) en rapport avec le marché du travail au Liban. Son objectif est d’assurer une meilleure orientation des jeunes vers les métiers nécessaires à la société libanaise, de leur permettre de trouver du travail, mais aussi de limiter le flux d’immigration.
Les conditions de croissance
Selon Mary Kawar, pour assurer une certaine décence concernant le travail au Liban, que ce soit au niveau des métiers qui montent ou au niveau de ceux qui «résistent», il est impératif de garantir l’application des conditions macroéconomiques nécessaires à la croissance. «Ce qui est en effet essentiel, c’est de situer la demande de travail au cœur des politiques de l’emploi, de se centrer sur une gouvernance adéquate et de trouver la bonne combinaison entre le phénomène de migration, le secteur du commerce et les politiques d’investissement industriel qui déplacent l’économie actuelle vers une autre productive fondée sur la connaissance. Pour cela, il faut que:
♦ Les dépenses d’infrastructure publique nécessaires, qui ont diminué en proportion au cours de la dernière décennie, soient renforcées.
♦ La poursuite du développement du marché boursier domestique soit recommandée pour permettre aux petites entreprises d’intégrer et d’avoir accès au financement d’investissement d’un tel marché.
♦ La concurrence soit favorisée par le contrôle de la corruption et la réglementation des activités anticoncurrentielles afin de renforcer la croissance créatrice d’emplois.
♦ Le développement du secteur privé (compte tenu du rôle du secteur public) soit d’une grande valeur ajoutée. Explorer la complémentarité entre les deux secteurs, à travers les partenariats publics et privés, permettrait, en effet, d’augmenter la production et d’assurer de l’emploi.