«Si nous n’arrivons pas à nous entendre, eh bien, ce sont toutes les forces politiques qui devraient être mises dans cette décharge». Dans une interview recueillie par Magazine, Salim Sayegh considère que les politiciens sont tous responsables de l’affaire de la décharge de Bourj Hammoud, assurant que Sukleen se présente en victime dans cette affaire.
Pourquoi avez-vous décidé de faire de la décharge de Bourj Hammoud votre cause?
Depuis notre sortie du gouvernement, nous avions signalé que la question de la décharge de Bourj Hammoud est une catastrophe sanitaire, écologique, démographique et sociale. C’est d’ailleurs la goutte qui a fait déborder le vase et qui nous a poussés à quitter le gouvernement. Notre décision prise, nous avons mis les ambassades au courant des comportements de plus en plus irresponsables du cabinet. La décharge est une atteinte flagrante aux accords de la Méditerranée, une violation des conventions internationales à l’heure où les regards des donateurs se tournent vers le Liban pour voir comment le soutenir dans cette phase difficile. Nous considérons notre cause si juste que nous pensons qu’elle devrait être internationalisée. La décharge touche de plein fouet presque un quart de la population dynamique qui paie la plus grande partie des impôts. L’Etat leur doit réciprocité, d’autant plus qu’il s’agit d’une cause juste et vitale. La situation est catastrophique à un tel point que nous ne devons plus être dans les compromis ou dans des approches de concessions. Il est inenvisageable de changer la nature de toute une région.
Pourquoi les autres partis ne vous soutiennent-ils pas ouvertement?
Nous nous posons la même question. Avant notre démission du gouvernement, nous avons visité le général Michel Aoun pour lui expliquer le projet de la décharge. Il nous a manifesté un soutien encourageant. Mais il semble que le Courant patriotique libre (CPL) se soit rétracté pour des raisons que nous ignorons. Les Forces libanaises (FL), elles, ne se sont pas manifestées du tout. Elles ont leurs considérations. Soyons clairs: notre bataille ne consiste pas actuellement à lutter contre la corruption même si ses effets vont certainement toucher les corrompus, c’est une question de survie. Le cœur de notre action est de préserver la vie. L’affaire du dépotoir est un purgatoire pour expier tous les péchés. Il faut nous mobiliser tous pour soutenir cette cause, pour avoir une lecture commune sur ce qui est considéré comme une question vitale. Si nous n’arrivons pas à nous entendre, eh bien, ce sont toutes les forces politiques qui devraient être mises dans cette décharge.
Est-il vrai que Sukleen menace le chef des Kataëb, Samy Gemayel, de poursuites judiciaires?
Nous sommes dans un pays où les normes sont inversées. Le bourreau s’est transformé en victime. Samy Gemayel n’est pas une personne dans cette affaire, mais une conscience. Il est temps que le bourreau se fasse plus modeste et trouve un moyen de sortir du filet qui se resserre autour de son cou.
Ce regain d’activités auquel nous assistons actuellement au sein du parti est-il dû à la nouvelle équipe jeune, dynamique et moderne formée autour de Samy Gemayel?
A un moment donné, il faut savoir sortir de la petite histoire pour entrer dans l’Histoire. Il est temps de prendre du recul vis-à-vis de la politique politicienne et de ne plus se satisfaire des petits pouvoirs et des privilèges ponctuels. Sinon, nous creusons notre propre tombe. Cette démarche des Kataëb est une volonté non seulement de renouvellement du parti, mais une volonté de faire de la politique autrement. Le pays n’est plus seulement en crise, il est menacé d’une réelle implosion. Si, aujourd’hui, les Kataëb n’initient pas ce sursaut, elles n’ont plus de raison d’être. Nous avons la ferme détermination de faire face à tous les dangers qui guettent le Liban et ses citoyens et nous ne reculerons pas.
Propos recueillis par Danièle Gergès