Son livre The literature of the lebanese diaspora: representations of place and transnational identity (La littérature de la diaspora libanaise: représentations de la place et de l’identité transnationale) révolutionne le monde des études sur les migrations et la littérature en provenance du Moyen-Orient. Jumana Bayeh explique davantage cet outil, indispensable pour décortiquer la culture, l’histoire et la politique de la région.
Dans son livre, Jumana Bayeh n’a pas traité les choses à moitié. Elle a mis des années avant de décider du roman paru après la guerre civile entre 1975 et 1990 sur lequel elle devait se pencher. Elle explore avec brio les relations complexes entre le lieu, le déplacement et l’appartenance pour éclairer la manière avec laquelle ces écrits ont façonné une identité libanaise mondiale.
Une identité non homogène
Grâce à son étude, on plonge dans les romans d’Amin Maalouf, Rawi Hage, Toni Hanania, Nada Awar Jarrar et Alia Yunis. Si le livre de Bayeh, publié aux éditions L.B.Tauris, a été salué par les critiques, l’auteure a eu beaucoup de difficultés dans sa rédaction. Elle revient, dans un entretien, sur les problèmes rencontrés. «La première difficulté, dit-elle, est liée aux théories mêmes portant sur la diaspora. Même si les communautés diasporiques sont très anciennes, les recherches sur la diaspora libanaise sont beaucoup plus récentes. La majeure partie des pensées analytiques diasporiques se déroule dans les sciences sociales. Je devais, quant à moi, les appliquer à la littérature. En outre, la diaspora a été plus largement théorisée par rapport aux «diasporas classiques» (grecques et surtout juives). Ces exemples sont spécifiques mais considérés universels. Or, ils ne correspondent pas nécessairement à tous les aspects de l’expérience diasporique libanaise. La deuxième difficulté que j’ai rencontrée est la manière de réduire mon étude et de la structurer». Malgré ces obstacles, Bayeh a réussi à décrire avec virtuosité comment les écrits ont façonné une identité libanaise mondiale. «Le livre prouve l’existence d’une identité libanaise diasporique que nous pouvons retracer à travers les romans d’écrivains migrants libanais. La découverte importante que j’ai faite est que cette identité, même si nous disons qu’elle est globale, n’est très certainement pas homogène».
Au-delà de cette réalité intéressante sur la diaspora, l’auteure nous révèle des faits réels, certifiant à quel point ses connaissances de la communauté diasporique libanaise sont profondes. Inspirée par son père et son oncle, elle note comment leurs points de vue sur le monde sont sous-tendus et façonnés par leur migration et le fait qu’ils ont passé la majeure partie de leur vie en dehors de leur pays d’origine. «Toute ma vie, j’ai été profondément convaincue que notre vie en Australie est marquée par un ‘‘ailleurs’’ qui fait son chemin dans notre quotidien. Cet ailleurs qui laisse mon père et mon oncle interpréter des événements politiques se déroulant au Liban ou au Moyen-Orient d’une manière tellement différente de l’interprétation des médias traditionnels australiens». Elle ajoute que cela lui permet de réaliser deux choses sur la diaspora libanaise. «En premier, qu’être libanais c’est être ‘‘global’’ ou conscient du reste du monde et, en second, que l’identité de la diaspora libanaise est non conformiste et abrasive. Elle n’accepte pas facilement le statu quo et le défi».
Pauline Mouhanna, Nashville, Tennessee
Bio en bref
Jumana Bayeh est chercheuse auprès du département d’histoire moderne, de politique et de relations internationales à l’université Macquarie en Australie. Elle a été également chercheuse, invitée à l’Institut universitaire d’Edimbourg, pour les études avancées en sciences humaines, et a obtenu des bourses de l’Université de Copenhague et de l’Université américaine de Beyrouth.