Magazine Le Mensuel

Nº 3069 du vendredi 2 septembre 2016

ACTUALITIÉS

Syrie. Des progrès mais toujours pas d’accord

La Syrie est, une nouvelle fois, au cœur de l’actualité sur les fronts diplomatiques et militaires. Tandis que l’Américain John Kerry et son homologue russe, Sergueï Lavrov, tentaient de trouver une issue au conflit depuis Genève, la Turquie poursuit son offensive.

Des progrès mais toujours pas d’accord. C’est ainsi qu’on pourrait résumer la dernière rencontre entre le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, le 26 août dernier, à Genève. Une réunion marathon qui aurait, à défaut de déboucher sur un accord, été marquée par des progrès significatifs entre les deux puissances. Si un nouveau cessez-le-feu n’est pas encore à l’ordre du jour en Syrie, malheureusement pour les civils qui continuent d’en payer le prix, John Kerry a toutefois affirmé être «parvenu», avec Sergueï Lavrov, «à clarifier la voie» menant à une cessation des combats. De son côté, le chef de la diplomatie russe a tenu des propos plus optimistes, faisant état de «pas très importants en avant», malgré «encore quelques points, parmi lesquels l’accès humanitaire aux civils en danger en Syrie, notamment dans la région d’Alep».
Alep qui fait toujours l’objet de combats intenses à son ouest et à son sud-ouest, entre l’armée syrienne au sol, soutenue par l’aviation russe, et un regroupement de jihadistes et d’islamistes. A Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie, huit groupes armés basés dans les quartiers est d’Alep ont répondu qu’ils s’opposaient à l’utilisation du passage du Castello, au nord de la ville, pour l’acheminement de l’aide. Cela, alors que le gouvernement syrien et la Russie avaient donné leur accord. Pour justifier leur refus, les combattants jihadistes ont exprimé des craintes que les Russes utilisent cette opération humanitaire pour introduire des troupes à Alep. Ils ont donc proposé que l’aide humanitaire transite par la brèche de Ramoussa, au sud-ouest de la ville, une route ouverte par les rebelles vers les quartiers est, le 6 août dernier. Selon RFI, «en proposant Ramoussa, les groupes armés espèrent imposer un cessez-le-feu dans une région où ils sont soumis à de fortes pressions militaires. Les raids aériens syriens et russes, ainsi que les bombardements sont quotidiens dans ce secteur pour tenter de refermer la brèche».
 

Le facteur turc
Depuis Genève, et malgré les progrès annoncés sur un accord sur le processus de transition politique en Syrie, John Kerry a martelé: «Nous ne voulons pas d’un accord pour simplement dire que nous avons un accord». De nombreux points techniques achoppent encore. Un espoir avait émergé, en mi-journée vendredi 26 août, quand les deux chefs de la diplomatie avaient été rejoints par l’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura. Finalement, cette réunion aura permis d’éclaircir la répartition des rôles de chaque partie. «Nous avons convenu de domaines spécifiques sur lesquels nous travaillerons avec les parties (du conflit). La Russie (travaillera) avec le gouvernement syrien, les Etats-Unis avec l’opposition», a expliqué Sergueï Lavrov. Des experts américains et russes continueront de travailler dans les jours à venir pour régler les points non résolus. «Dès qu’il y aura suffisamment de bonne volonté pour organiser des négociations productives», Staffan de Mistura «nous aidera à revenir à la table des négociations pour parvenir à un accord sur une transition politique», a-t-il encore assuré.
Cette énième session de négociations aura été compliquée par l’intervention militaire de la Turquie dans le nord de la Syrie. Cette opération, entamée le 24 août dernier et baptisée Bouclier de l’Euphrate, a pour objectif officiel de combattre les jihadistes de l’Etat islamique, mais aussi les forces kurdes des YPG.
Quelques jours plus tard, samedi 27 août, des affrontements ont éclaté entre des combattants soutenus par les forces kurdes et des chars turcs, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). L’agence de presse turque, Anadolu, rapportait, de son côté, un premier décès d’un soldat turc, tandis que des blindés auraient été touchés dans la région de Jarablos. Une autre source, le conseil militaire de Jarablos, composé de combattants liés aux Forces démocratiques syriennes (comprenant des milices arabes et kurdes, dont les YPG, soutenus par les Américains), a, quant à elle, accusé Ankara d’avoir attaqué leurs positions et des habitations civiles dans le village d’al-Amarna, à 10 km au sud de Jarablos. Le village aurait été la cible de bombardements aériens de la chasse turque.
L’implication turque au nord de la Syrie semble d’ailleurs s’intensifier. Selon le quotidien turc Hürriyet, la Turquie maintiendrait désormais 50 chars et 380 soldats en Syrie, les derniers chars étant entrés en territoire syrien, samedi dernier, dans le village de Karkamis, à la frontière syro-turque. Dans le même temps, des rebelles syriens soutenus par Ankara seraient en train de détruire les explosifs laissés par les combattants de Daech à Jarablos.

 

Les Kurdes se retirent
Si, selon le Premier ministre turc, Binali Yildirim, l’opération entamée en Syrie a pour objectif de «sécuriser les frontières avec la Syrie et d’empêcher les terroristes de s’en approcher», il semble que ce soient surtout les combattants kurdes, soutenus par les Etats-Unis, qui en fassent les frais. Pourtant, du côté de Washington, c’est à une politique de «laisser faire» que semblent se heurter les forces kurdes. La Russie ne pipe pas mot non plus. Par ailleurs, le bombardement à la mi-août, par l’aviation syrienne, de positions kurdes à Hassaké, pourrait passer comme une sorte de blanc-seing a minima donné par le régime syrien à Ankara, de frapper les Kurdes.
Lundi 29 août, un haut responsable américain affirmait que les milices kurdes YPG soutenues par Washington étaient revenues à l’est de l’Euphrate en Syrie, conformément à ce que demandait la Turquie. Un fait confirmé par le Conseil militaire de Jarablos, qui a annoncé dans un communiqué que ses forces s’étaient retirées au sud de la rivière Sajur, soit à une vingtaine de kilomètres au sud de Jarablos. Ce retrait constituait l’une des demandes les plus express d’Ankara, qui avait prévenu qu’il continuerait de frapper les combattants kurdes syriens tant qu’ils ne seraient pas revenus à l’est du fleuve. L’objectif étant de les empêcher coûte que coûte de former une frontière continue le long de l’actuelle frontière syro-turque pour créer le Rojava.

Jenny Saleh

Des troupes russes à Alep?
Selon Gulf News, la Russie aurait, pour la première fois, proposé d’envoyer des troupes au sol, en Syrie. Cette offre, soumise aux Nations unies pour approbation, constituerait le premier déploiement de personnel militaire russe en dehors de la base militaire de Hmaymim, sur la côte syrienne. Selon les informations de Gulf News, ces troupes seraient utilisées en soutien des soldats du régime dans la région d’Alep, pour certaines missions de surveillance ou de renseignements, notamment sur la route du Castello, à l’entrée de la ville.
L’objectif étant de contrôler les corridors humanitaires permettant d’acheminer l’aide de l’Onu dans les quartiers assiégés.

Reddition des rebelles à Daraya
Depuis samedi 27 août, le régime syrien a repris le contrôle de Daraya, ex-fief rebelle près de Damas, après la sortie de l’ensemble des insurgés et des civils de la ville soumise à quatre ans de siège. «L’armée syrienne contrôle totalement Daraya et est entrée dans toute la ville. Il n’y a plus un seul homme armé», a affirmé une source militaire. Conformément à l’accord signé le 25 août, et qui s’apparente à celui signé à Homs en 2014, ce sont près de 700 combattants et 4 000 civils qui ont quitté la ville, symbole de la révolte syrienne lancée en 2011 contre le régime de Bachar el-Assad. L’évacuation a débuté vendredi dernier pour s’achever dimanche. Les combattants devaient déposer leurs armes lourdes et de moyen calibre, avant de rejoindre dans des bus affrétés spécialement, la région d’Idlib, un fief de l’opposition contrôlé par la coalition de Jaïch el-Fateh. Les civils, eux, devaient rejoindre les régions de Damas contrôlées par le gouvernement. Détruite à 90% par les pilonnages du régime et soumise à quatre années d’un siège dévastateur pour les civils, Daraya devrait désormais devenir une zone militaire. La reddition de la ville devrait permettre au régime de sécuriser l’aéroport militaire de Mazzé.

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