Magazine Le Mensuel

Nº 3070 du vendredi 7 octobre 2016

Banque

Pas de crainte de blanchiment de l’argent du terrorisme

L’amalgame entre islam et terrorisme dessert-il les banques islamiques?
Les clients, les correspondants, les autorités ainsi que les contreparties locales et internationales des banques islamiques ne font pas d’amalgame entre islam et terrorisme. Je ne pense donc pas que les banques islamiques ont rencontré des difficultés particulières.

Quelle est votre évaluation de cette industrie sur le double plan local et international?
Les banques islamiques font partie intégrante de l’économie des pays où elles opèrent et de l’économie mondiale. Plusieurs banques internationales ont des filiales ou des guichets islamiques ou encore des produits en accord avec la Charia. Le développement des banques islamiques est dû au fait qu’un grand nombre de musulmans croient à une interprétation de la Charia, qui leur interdit certains aspects de la finance conventionnelle (recevoir ou payer des intérêts), ce qui exclut quasiment tous les produits de finance conventionnelle. Le but premier des banques islamiques est donc de leur permettre de bénéficier d’opportunités d’investissement, de placements ou de financement, sans avoir à contrevenir à leur croyance. Ce rôle d’intégration au système financier est primordial. Ceci permet à ces personnes d’obtenir un rendement sur leurs dépôts et d’augmenter leur capacité de consommation à travers les financements divers, notamment de logement, de voitures…, mais aussi leurs capacités d’investissement à travers le financement de la construction, de l’industrie, du commerce. Ce qui est bénéfique à toute l’économie sans distinction religieuse. Au Liban, malgré le bon taux de croissance de notre filiale islamique, la Blom Development Bank, la part des banques islamiques sur le marché bancaire reste presque négligeable, en raison de:
● La rentrée tardive des banques islamiques dans le marché bancaire, qui était déjà mature et développé.
● La Législation libanaise n’est toujours pas adaptée à certains produits de financement islamique, ce qui rend certains produits des banques islamiques moins compétitifs.
● La possibilité d’investissement et de financement offerte aux banques islamiques au Liban est réduite à cause notamment de l’accès restreint aux prêts subventionnés, bons de trésors, certificats de dépôts, et nul n’ignore l’importance de ces produits sur le marché libanais.
Sur le plan international, je ne vois pas de liens particuliers entre l’évolution des banques islamiques et «la montée de l’islam extrémiste».
La croissance plus ou moins forte des banques islamiques tout comme des banques conventionnelles est directement liée à la croissance des pays où elles opèrent et à leurs situations économiques.  
 

Quelles sont les limites des prérogatives du Conseil de Charia ou du Conseil des Sages? Ce Conseil peut-il donner une interprétation extensive des versets du Coran de manière à couvrir, sans le vouloir, une opération de blanchiment d’argent?      
Le Conseil de Charia est choisi par la banque parmi des experts de la Charia reconnus et respectés sur le plan local ou international. Le but de ce Conseil est de s’assurer que la banque opère en accord avec les préceptes de la Charia et, pour ce, il doit revoir et approuver les produits et la méthodologie des opérations de la banque. Le Conseil de Charia ne peut nullement donner des interprétations pour couvrir une opération illégale. La banque est sujette à la même réglementation anti-blanchiment que tous les autres établissements bancaires, et ceci est sous le contrôle du comité de conformité anti-blanchiment de la banque et régulé par la BDL (Banque du Liban) et la commission spéciale d’investigation (Sic). Aucune crainte donc à ce niveau.

Pourriez-vous nous parler d’un ou de deux projets phares imaginés par votre banque selon les préceptes de l’islam?
Nous avons financé plusieurs projets industriels, commerciaux et résidentiels. Notre préférence va pour les projets de petite et moyenne taille. Un autre rôle important pour les banques islamiques au Liban est d’être un pont et une plateforme pour les grands investisseurs de pays musulmans qui, pour certains, ne traiteraient qu’avec des banques islamiques.
 

Amro Azhari
directeur général de la Blom Bank s.a.l. et P.-D.G. de la Blom Development Bank

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