L’islam est-il soluble dans la République? Alain Gresh, auteur de L’islam, la République et le monde (Fayard), traduit en arabe, et fondateur du site contre-attaques.org, revient sur cette actualité, à la veille du Salon du livre, où il est attendu.
Votre livre reste brûlant d’actualité, alors que le «spectre de l’islam» s’invite dans la campagne présidentielle en France…
Il y a une surenchère sur l’islam, de la part des médias et des politiques, notamment à droite. Le comble du ridicule a été atteint avec l’histoire du burkini.
Ceci dit, je ne pense pas que cette agitation reflète ce que pensent les Français, dont la préoccupation essentielle reste le chômage. Les médias portent une responsabilité énorme, de par les mots qu’ils emploient, à la va-vite, sans en comprendre le sens, comme Charia, fatwa, etc.
Les attentats en France ont favorisé ce climat de suspicion envers les musulmans…
Bien sûr, les attentats ont favorisé cela. Mais quand on étudie le profil du tueur de Nice, on voit bien qu’il s’agit d’un pseudo-islamiste. Depuis la guerre en Irak et les discours de George W. Bush, on a voulu faire croire que nous sommes dans une guerre mondiale qui sera longue et que les groupes comme al-Qaïda ou Daech nous haïssent à cause de ce que nous sommes. C’est le comble de l’absurde. Cela crée un climat anxiogène.
Quels sont les risques de cette islamophobie latente?
Celui de donner aux musulmans l’impression qu’ils ne sont pas français et, quelque part, de les jeter dans les bras d’extrémistes. Surtout que les premières victimes d’agressions islamophobes sont les femmes. Elles savent, si elles sont voilées, qu’elles ne trouveront pas de travail, en tout cas, pas en dehors de l’économie islamique.
Votre livre interroge la place de l’islam dans la République. Quelle réponse donnez-vous aujourd’hui?
Il faut d’abord savoir que l’écrasante majorité des musulmans appliquent les lois de la République. La laïcité, ce sont des lois, celles de 1905, qu’il suffit d’appliquer.
La gauche semble confrontée à un malaise profond sur ce sujet. Pourquoi?
On a vu les candidats de droite très actifs là-dessus, Marine Le Pen n’étant pas, étonnamment, la plus hystérique sur le sujet. A gauche, on ne mène plus le combat, on a capitulé. Les dernières déclarations de François Hollande, notamment sur les réfugiés et les musulmans, tiennent du délire, alors que la France a accueilli très peu de réfugiés par rapport à l’Allemagne par exemple. Le plus délirant à ce sujet restant Manuel Valls, clairement.
Pourquoi ce débat est-il si haineux en France?
Notre pays a une histoire différente des autres avec son immigration. La guerre d’Algérie continue de peser sur les consciences. Il y a eu beaucoup de vagues d’immigration, italienne, polonaise, portugaise, etc., qui ont toutes provoqué un certain racisme à l’époque. Racisme qui a pu être surmonté via des combats communs de personnes qui partageaient les mêmes intérêts socioéconomiques.
Jenny Saleh