Elle est belle, intelligente, professionnelle, mais a la réputation d’être capricieuse. En tout cas, la petite cousine de Nabih Berry ne laisse pas indifférent. Magazine l’a rencontrée.
Reporter au Journal télévisé de la NTV (New TV – al-Jadeed), Nawal Berry était sur tous les fronts, couvrant aussi bien l’actualité politique que sociale. La petite protégée de la chaîne a décidé, il y a trois mois, de passer à la MTV, «pour me renouveler», dit-elle, tout en précisant que Mariam el-Bassam, directrice des Nouvelles de la NTV, est son «mentor».
Si elle brille depuis longtemps par son charme et sa détermination à couvrir les événements les plus dangereux, Nawal Berry a fait la Une des médias lorsqu’au courant du mois d’août, harcelée par les manifestants du «hirak», elle les taxe de voyous en direct et quitte l’écran sans regarder derrière elle.
Que s’est-il réellement passé? La reporter est apparentée au président du Parlement, Nabih Berry, chef du mouvement Amal. C’est le cousin germain de son père. Et alors qu’elle couvrait une manifestation au centre-ville de Beyrouth, les protestataires, connaissant ses liens avec «tonton Nabih», qu’elle appelle sur ses pages Facebook et Twitter «kbir el-3aylé» (le grand de la famille), reprennent sa célèbre formule et traitent sur l’écran de la MTV ce «kbir» de tous les noms en la cernant de près. Prise de panique, elle réagit spontanément et quitte les lieux en direct.
«Je ne suis pas capricieuse»
Tollé général sur les réseaux sociaux, où la célèbre journaliste est pourfendue même par des collègues qui lui reprochent son attitude peu professionnelle. «Quand je couvre un événement, confie Nawal Berry à Magazine, je suis dans un tel état d’immersion que j’oublie que je suis devant une caméra. Depuis la naissance du «hirak», j’ai voulu le couvrir et, à plusieurs reprises, j’ai lâché mon micro pour défendre physiquement des jeunes que les agents de sécurité tabassaient. Deux fois, j’ai dû être hospitalisée. J’ai fait fi des conseils de ma famille qui me demandait d’éviter la couverture des manifestations de la société civile, qui s’attaquaient systématiquement dans leurs slogans à Nabih Berry. Mais je n’ai rien voulu entendre. En août dernier, alors que j’étais en direct à la MTV, les voilà qu’ils reprennent leurs attaques contre lui. Je ne bronche pas, jusqu’au moment où ils reprennent ma phrase célèbre sur les réseaux sociaux ‘‘kbir el-3aylé’’, en injuriant et en accablant mon grand oncle de tous les maux. J’ai pris cela comme une attaque personnelle, d’autant plus qu’ils se rapprochaient dangereusement de moi en m’encerclant. Prise de panique, je lâche mon micro et disparaît de l’écran en lançant: ‘‘Ce ne sont pas des manifestants du ‘hirak’ mais une bande de voyous’’». «Non, je ne suis pas capricieuse, affirme-t-elle avec véhémence. Non, je n’ai pas manqué de professionnalisme. J’ai simplement paniqué, attaquée dans ma dignité et ma présence physique. Après tout, le journaliste est un être humain comme les autres. Non?».
Il est vrai qu’il serait injuste de la traiter de capricieuse et d’enfant gâtée, alors qu’elle a réussi, en quelques années seulement, à s’imposer par son courage et son professionnalisme, n’hésitant pas à couvrir des événements risqués. Bien que de confession chiite, elle a insisté pour aller à Aazaz rencontrer les Libanais enlevés par les extrémistes sunnites syriens, jouant de tout son art de persuasion pour convaincre les terroristes de permettre aux détenus de dialoguer avec leurs familles à travers l’écran de la NTV. Elle s’est rendue en Indonésie, sur les lieux où des Libanais ont péri en pleine mer. Elle a voyagé au Mali pour couvrir l’accident d’avion de Burkina-Faso, qui a coûté la vie à des familles libanaises… «Je veux bien qu’on me critique, dit-elle avec assurance; cela me sert à avancer, mais pas sur le plan personnel. D’ailleurs, je ne suis pas engagée politiquement et ma préférence va toujours vers le social. La politique à mes yeux ne sert à rien, alors que le social peut changer le monde. J’aime mon métier, mais je me vois bien un jour faire de l’humanitaire et m’engager auprès des plus démunis. Je suis une femme de paix, qui évite conflits et problèmes. Solitaire, la vie mondaine ne fait pas partie de mes priorités».
Une Libano-Américaine
Comment se fait-il que la fille du Sud, appartenant à la traditionnelle famille Berry, crève l’écran par sa beauté et son apparence un brin sexy? «Mes parents sont ouverts d’esprit. Mon père a vécu aux Etats-Unis et, d’ailleurs, je possède le passeport américain. Ma mère est fière de moi et mon épanouissement est essentiel à ses yeux. J’ai grandi au village de Tebnine et j’ai le caractère de la fille du Sud. Je ne mets jamais de masque. Je suis naturelle et spontanée. Ma spontanéité se traduit, parfois, par des attitudes impulsives… mais je me soigne. Je suis une résistante, une battante, et j’entends le rester».
Présente sur tous les fronts, Nawal Berry n’a pas fini de faire parler d’elle, pour le grand dam de ses consœurs et le bonheur des téléspectateurs.
Danièle Gergès