Magazine Le Mensuel

Nº 3071 du vendredi 4 novembre 2016

Immobilier

Rénover les anciennes bâtisses. Une solution à la crise du logement

La demande de logement ne rencontre pas une offre adaptée à ses besoins à Beyrouth. La rénovation d’immeubles anciens pourrait être la solution à la cherté des appartements.

Et s’il était possible de concilier promotion immobilière et conservation du patrimoine libanais? Et si les agents immobiliers n’étaient plus les ennemis jurés des anciennes bâtisses? C’est exactement ce que prône Joe Kanaan, président de l’agence Sodeco Gestion. Selon lui, il existe bien un marché pour la restauration d’immeubles anciens à Beyrouth. Ce marché pourrait même être une solution à la cherté des logements dans la capitale pour les acquéreurs, tout en présentant des avantages financiers pour le promoteur.
«Il existe plusieurs façons de travailler sur des immeubles anciens, détaille le professionnel. Il est possible de construire un immeuble neuf tout en préservant la façade ou une partie de l’immeuble ancien, comme nous l’avons fait avec notre projet Michel Ange à Mar Mikhaël, où nous avons construit de nouveaux appartements à taille humaine, tout en préservant le cachet de la façade de l’ancien immeuble. Il est aussi tout à fait possible de conserver complètement un ancien immeuble et de le rénover pour le revendre ensuite».
Après la crise financière aux Etats-Unis en 2009, le marché de l’immobilier mondial stagne. «Si, au Liban, nous avons été moins affectés qu’ailleurs à l’époque, c’est aujourd’hui que nous ressentons les effets de la crise immobilière, avec le retrait des Arabes du Golfe et l’absence d’expatriés, explique
M. Kanaan. Il existe un fort déséquilibre entre l’offre, qui concerne des biens de trop grande surface et coûteux, et la demande, aujourd’hui locale et dont les budgets oscillent autour de 200 000 dollars».

Moins coûteux que la construction
Dans ce contexte, la rénovation d’immeubles anciens peut apparaître comme une opportunité pour les promoteurs immobiliers de trouver des acheteurs. «L’avantage de l’ancien est que les immeubles des années 50-60 sont de plus petites tailles et correspondent à ce que les ménages libanais recherchent aujourd’hui, poursuit Joe Kanaan. Il s’agit d’appartements entre 50 et 120 m2».
Pour le promoteur, la rénovation est moins coûteuse que la construction d’un immeuble neuf, car il suffit de rénover les parties communes, la façade et les canalisations. Pour les acquéreurs, cela revient à des appartements largement en dessous des prix du marché, comme c’est le cas avec un immeuble rénové par M. Kaanan à Furn el-Chebbak.
«Sur ce bien, nous avions des surfaces de 90 à 130 m2. Après rénovation, nous avons revendu ces appartements en grande majorité aux habitants, qui étaient d’anciens locataires. Ces derniers ont pu acheter leur appartement à 1 000 dollars le mètre carré, soit deux fois moins cher que les prix du marché. Ceux qui n’étaient pas d’anciens locataires ont pu acheter à 1 300 dollars le mètre carré, soit un appartement à 130 000 dollars en plein cœur de Beyrouth».
Joe Kanaan en est persuadé: la rénovation d’immeubles anciens est la solution à la crise de l’immobilier au Liban. «Aujourd’hui, s’il n’y a plus de terrains à Beyrouth, les anciens immeubles peuvent être considérés des terrains et il y a des centaines d’opportunités. Sioufi, Gemmayzé, Mar Mikhaël sont des quartiers qui regorgent de ce type d’occasions. Cela dit, le défi est qu’il faut maîtriser un certain savoir-faire pour s’aventurer dans ce type de projets: en particulier un savoir-faire juridique quant à la procédure à adopter avec les anciens locataires. Si cela est bien fait, 70 à 80% des anciens locataires acceptent de devenir acquéreurs de leurs biens», ajoute M. Kanaan.
La vague de démolition qui touche la capitale s’explique en grande partie par la lacune juridique qui n’assure pas la protection des anciennes bâtisses, comme l’explique Pascal Haddad, président et membre fondateur de l’APLH (l’Association pour la préservation de l’héritage libanais). «Il existe bien une loi, mais elle attend toujours d’être votée au Parlement, précise-t-il. Seul un texte de 1933, datant du mandat français, protège les bâtiments construits avant 1700.
Par ailleurs, pour le propriétaire d’une ancienne bâtisse, il est souvent plus rentable de la vendre à un promoteur que d’entretenir et de rénover lui-même les lieux. Il est difficile de résister à des sommes très alléchantes. Il faut absolument voter la loi pour la protection du patrimoine et encourager les municipalités à valoriser leurs immeubles traditionnels, en instaurant, par exemple, une taxe sur l’immobilier, qui pourra être utilisée pour rénover les anciennes bâtisses».

Soraya Hamdan

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