Magazine Le Mensuel

Nº 3072 du vendredi 2 décembre 2016

general

Trump et le Moyen-Orient. Bye-bye America?

L’élection surprise de l’Ovni politique qu’est Donald Trump à la Maison-Blanche a surpris. Les questions se multiplient autour de sa politique étrangère, particulièrement au Moyen-Orient. Eléments de réponse.

Le 20 janvier 2017, une nouvelle ère s’ouvrira pour l’Amérique et, par effet domino, pour le monde. Ce jour-là, Donald Trump deviendra le 45e président des Etats-Unis. Que fera-t-il de son mandat? Dès son élection surprise face à Hillary Clinton, le 8 novembre dernier, les spéculations se sont multipliées sur ce que sera le monde selon M. Trump qui fera, là, ses premiers pas en politique internationale. Sur le Moyen-Orient, notamment, où les cartes pourraient être rebattues.
Au cours de sa campagne, le candidat républicain a donné quelques grandes lignes sur sa future stratégie moyen-orientale. Donald Trump avait notamment préconisé un plan pour «défaire Daech en 30 jours», se fixant l’objectif de vaincre l’idéologie du terrorisme islamique, de la même manière que les Etats-Unis ont gagné la guerre froide. Concernant la crise syrienne, il n’avait pas caché son souhait de s’allier avec la Russie de Vladimir Poutine – qu’il admire –, afin de vaincre Daech, tout en stoppant la livraison d’armes aux «rebelles» soutenus par les Etats-Unis durant les mandats de Barack Obama. Sa priorité étant la lutte contre Daech et non le départ de Bachar el-Assad. Une idée-force réitérée dans le Wall Street Journal après son élection. Toujours sur la Syrie, M. Trump s’était prononcé pour la création d’une «safe zone» sur le territoire syrien, pour y installer les réfugiés.
Sur le dossier iranien, il n’a pas caché son souhait de démanteler l’accord de Vienne sur le nucléaire, arraché à la force du poignet, en 2015. Toutefois, pourra-t-il risquer de s’aliéner l’ensemble des artisans du deal nucléaire – Russie et Chine comprises – tout comme les milieux d’affaires américains? Rien n’est moins sûr et le pragmatisme pourrait, une fois de plus, prévaloir. En parallèle, il a réitéré le soutien indéfectible à l’Etat d’Israël, «le plus grand allié des Etats-Unis». Il souhaiterait, d’ailleurs, lancer un signe fort en transférant l’ambassade américaine à Jérusalem. Autant dire que la solution des deux Etats pour résoudre le problème israélo-palestinien ne figurera pas dans ses priorités.
M. Trump a également exprimé son opposition aux interventions militaires américaines à l’étranger, lorsque les intérêts vitaux du pays ne sont pas menacés. Pour lui, la guerre par procuration en Syrie, comme l’intervention en Libye, ont semé un chaos dont le duo Obama-Clinton est directement responsable. En décembre 2015 déjà, M. Trump avait affirmé que la région serait beaucoup plus stable si Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi étaient encore en place, regrettant en cela les interventions de 2003 et 2011.

Un réaliste
Les pays du Golfe, en revanche, ne semblent pas placés très haut dans l’estime de M. Trump. Le président-élu avait suggéré de leur faire payer les services rendus par les Américains en termes de sécurité.
Entre des annonces de campagne et ce qu’un dirigeant accomplit réellement, il y a, évidemment, souvent une différence. D’ores et déjà, les connaisseurs du nouveau président américain affirment que M. Trump est un réaliste, un pragmatique. En aucun cas un idéologue, selon les propres mots de Barack Obama. Ceux qui ont travaillé avec «The Donald» dans les affaires, le décrivent, par ailleurs, comme un redoutable négociateur, fin stratège et plutôt ouvert au dialogue.
Les lignes de force lancées durant la campagne pourraient, toutefois, préfigurer un réalignement de la politique étrangère américaine, plus respectueuse de la souveraineté des Etats. Avec, notamment, la fin de la politique du «regime change», adoptée ces dernières années. Tous ces indices laissent entrevoir que le mandat Trump ne souscrira pas à un nouvel aventurisme américain hors de ses frontières. Pas étonnant, dans cette optique, que les présidents égyptien, Abdel-Fattah el-Sissi, et syrien, Bachar el-Assad, aient salué son élection.
Depuis l’élection de M. Trump, les spéculations vont bon train concernant son entourage, ses conseillers et les personnalités qui seront placées aux postes clés de son futur gouvernement. Leur positionnement idéologique sera décisif, car il pourrait influer sur les projets initiaux du président-élu.
Quelques postes sont déjà pourvus. Le patron des républicains, Reince Priebus, a été choisi comme secrétaire général de la Maison-Blanche. A ses côtés, Steve Bannon, qui a orchestré sa campagne présidentielle et qui dirige Breitbart News, officiera comme chef de la Stratégie. Le 18 novembre, le général Michael Flynn, ex-directeur du Renseignement US, fervent détracteur du bilan Obama au Moyen-Orient et ardent partisan d’un rapprochement avec Moscou, a été nommé conseiller à la Sécurité nationale.
La direction de la CIA a échu à Mike Pompeo, opposé à la fermeture de Guantanamo et membre de la commission d’enquête au Congrès sur l’attaque du consulat US de Benghazi, en 2012. Jeff Sessions, un fidèle de la première heure, rafle, quant à lui, le ministère de la Justice.

Soutien à Israël
Pour le poste de secrétaire d’Etat, plusieurs noms circulent. Le New York Times avance le nom de Newt Gingrich, ancien président du Congrès. Il serait, contrairement à Donald Trump, internationaliste et interventionniste sur le plan militaire. Le nom de Bob Corker, sénateur du Tennessee, qui présidait la Commission des Affaires étrangères du Sénat, est aussi évoqué. Foreign Policy avance, de son côté, le nom de John Bolton, faucon parmi les faucons des néo-cons, qui fut conseiller de George W. Bush puis ambassadeur à l’Onu et qui a appelé régulièrement à des frappes préventives contre l’Iran. L’ancien maire de New York, Rudolf Giuliani, serait en lice malgré son inexpérience en la matière. Néo-cons et militariste pur jus, il pourrait être écarté du secrétariat d’Etat pour un portefeuille plus national. Tous ces candidats au poste ont en commun un soutien indéfectible à Israël. Mitt Romney, qui a pourtant eu des mots très durs envers M. Trump durant la campagne, aurait aussi ses chances.
Pour le portefeuille de la Défense, le général retraité James Mattis, ex-chef du Commandement central, connu pour sa défiance vis-à-vis de l’Iran, tiendrait la corde.

Jenny Saleh

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