Magazine Le Mensuel

Nº 3075 du vendredi 3 mars 2017

Temps fort

Tendance. Quand l’arak prend un coup de jeune

Depuis quelques années, la boisson nationale libanaise connaît une seconde jeunesse. Boostée par une tendance mondiale du retour aux sources et aux produits du terroir, l’arak séduit désormais aussi les jeunes. Explications.

Dans le quartier de Mar Mikhael, un nouveau bar baptisé Anise a décidé de mettre en vedette l’arak libanais. Ici, le concept est clair: comme son nom l’indique, Anise propose de faire découvrir aux aficionados une large gamme d’arak issue de tout le territoire libanais, ainsi que des cocktails en tous genres.
Car la boisson nationale libanaise est plus que jamais tendance et débarque aujourd’hui dans la nightlife libanaise. «Les jeunes veulent redécouvrir la richesse culinaire de leur pays, note Sélim Wardy, propriétaire et PDG du Domaine Wardy. Il y a dix ans, les consommateurs d’arak étaient âgés de 50 ans et plus. Depuis quelques années, les jeunes, (les 25/30 ans) redécouvrent cette boisson historique et ils aiment cela!»
Cette tendance s’inscrit dans un état d’esprit plus général de retour aux sources, à la culture organique et au terroir. «Même quand les Libanais sortent dîner, ils recherchent des restaurant «bio», où les plats sont cuisinés «comme à la maison»… Cela ne concerne pas seulement la nourriture et les boissons, c’est une tendance globale vers une meilleure qualité de vie.  Regardez la mode de la randonnée, ou celle de la découverte des petits villages libanais…», ajoute Wardy.

Une croissance prometteuse
Résultat : la demande d’arak a augmenté au cours de ces dernières années. Sélim Wardy a constaté, pour ses produits, une hausse de la consommation de 5 à 7 % depuis deux ans. «Nous avons ainsi augmenté notre production d’environ 10% pour nous adapter à cette demande supplémentaire. Ce n’est pas tout, nous travaillons actuellement sur un nouveau produit à base d’arak qui allierait la modernité d’un packaging plus jeune, tout en conservant la qualité des produits haut de gamme libanais.»
C’est également ce que constate Emile Issa el-Khoury, copropriétaire du Domaine des Tourelles. «Nous produisons aujourd’hui 350 000 bouteilles d’arak par an, soit une croissance de 10% l’année dernière et ce, malgré les obstacles qui demeurent sur le marché local: la crise économique et surtout la prolifération chaotique de l’arak estampillé «baladi». Ce dernier, produit par des amateurs, sans aucune étiquette commerciale peut contenir des substances nocives pour la santé. «Nous faisons face à une concurrence malsaine, pour ne pas dire illicite, car ces producteurs vendent leurs boissons à des prix très bas et ne se contentent pas d’une consommation privée, comme ils le devraient».
El-Khoury estime que «les organismes publics devraient s’empresser d’établir une loi qui organise la production de l’arak destiné à la commercialisation. C’est une étape décisive pour assainir le marché de la compétition déloyale et surtout protéger le consommateur de tout danger sanitaire».
Ramy Ghosn, producteur d’arak à Massaya, attribue, de son côté, la «hausse» de la demande ces dernières années à un éveil de la part du consommateur concernant l’arak «baladi». «Les Libanais commencent à faire un peu plus attention à ce qu’ils consomment et préfèrent ainsi se tourner vers des productions de qualité plutôt que des boissons qui n’ont été soumises à aucun contrôle. Il faut, cela dit, relativiser la hausse de la demande d’arak. Même si nous avons également augmenté notre production de 5 à 10% ces dernières années, la consommation de notre boisson nationale est toujours bien inférieure à ce qu’elle était il y a dix ans. A cette époque, tous ces restaurants européens, américains, asiatiques n’existaient pas! Nous mangions libanais tous les jours et jamais sans l’arak. Aujourd’hui, les Libanais préfèrent savourer des sushis un soir, une pizza le lendemain et une ou deux fois par semaine seulement, ils optent pour du libanais!».

L’arak libanais en chiffres
Selon un rapport de la BlomInvest sur la production d’arak au Liban, 20 à 25% de la production nationale est exportée dans le monde. Ces exportations sont principalement boostées par la demande des expatriés. Ainsi, 23,95% des exportations d’arak libanais sont destinées aux Etats-Unis, suivis par les Emirats arabes unis, avec 19,47% et l’Irak avec 12,39%. Le pays a produit 433 tonnes d’arak à 3,72 millions de dollars en 2015 contre 3,6 millions de dollars en 2014.

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