Adnan, agent de voyage dans un petit village libanais, réalise enfin son rêve: voyager, et à Paris. Al-mousafer (sortie le 6 juillet) est le premier long-métrage de Hadi Ghandour, réalisateur d’origine libanaise installé à Paris, et lui aussi adepte des voyages… Entretien.
Le film est centré sur l’amour. Pourquoi ce sujet?
Nos plus grands conflits intérieurs sont généralement guidés par l’amour. Ou par son absence. Une émotion puissante, délicate, insaisissable à tel point qu’elle conditionne notre comportement, pour le meilleur ou pour le pire. L’amour nous perturbe, nous inspire, nous déprime, et souvent nous rend fous. Il peut nous emmener dans un chemin aussi bon que mauvais. Ce conflit intérieur m’a de tout temps fasciné. Adnan voyage peut-être pour la première fois de sa vie, mais l’histoire porte en réalité sur les voyages qu’il entreprend intérieurement.
La famille est aussi un sujet central du film…
Oui, et au Liban, c’est le pilier essentiel de notre société. Mais pouvoir maintenir une unité familiale harmonieuse est souvent un défi. Tous les personnages du film sont d’une manière ou d’une autre déconnectés de leur famille, mais n’en sont pas conscients. Ce désengagement alimente le mécontentement, et éloigne les gens les uns des autres. Ce n’est qu’en l’affrontant, qu’en étant honnête avec soi et avec les autres, qu’on peut le surmonter.
Comment avez-vous choisi vos protagonistes, Rodrigue Sleiman et Aida Sabra?
Pour Adnan, je voulais un acteur qui, non seulement, avait la sensibilité que je recherchais, mais qui parlait couramment l’arabe et le français. Après une longue année de recherche, j’ai trouvé Rodrigue Sleiman. Il a lu le scénario et a immédiatement senti une connexion avec le personnage. Je l’ai rencontré et en deux minutes, j’ai su que c’était lui. Il était un peu plus jeune que ce que j’imaginais pour Adnan, ce qui s’est révélé être finalement bénéfique, en ajoutant plus de nuances au personnage. Acteur exceptionnel et âme sensible, Rodrigue a à la fois la fragilité et la vulnérabilité du rôle.
Quant à Aida Sabra, je la connaissais depuis longtemps, et j’ai écrit le rôle d’Insaf en pensant à elle. Je suis un très grand fan de son travail, c’est une merveilleuse actrice, très drôle et versatile. Développer ce personnage a été un vrai plaisir, parce que dès le départ je pouvais voir et entendre Aida.
Parlez-nous de la genèse du film.
Quand j’ai eu l’idée du film, je me suis installé à Paris, et j’ai écrit une première version du scénario en l’espace de 3 jours. L’histoire était enfouie en moi depuis si longtemps qu’elle est sortie d’un jet. Ensuite, durant deux ans, j’ai développé le film. C’est alors que j’ai rencontré deux jeunes producteurs, Stevan Lee Mraovitch et Romain Richard, qui se sont passionnés pour l’histoire tout comme ils le sont pour l’esprit cinématographique indépendant. Financer un film «indé» est difficile. Cela nous a pris beaucoup de temps, mais nous avons pu finalement rassembler assez d’argent, et une équipe de jeunes gens talentueux et motivés. Le film a été tourné durant 5 semaines entre Paris et Beyrouth. Avec un petit budget, les difficultés sont nombreuses, mais nous avons pu les surmonter grâce à notre passion. Après des mois de post-production, la première mondiale du film a eu lieu à A-list Tallinn Black Nights Film Festival, en Estonie, et au Dubaï Film Festival pour le Moyen-Orient.
Quel public ciblez-vous? Quelle importance accordez-vous à la projection au Liban?
Je crois que tout le monde pourra se sentir concerné par un aspect du film, un personnage, les émotions ressenties, les conflits vécus. La projection au Liban m’est très importante; même si l’histoire est universelle, elle est particulièrement libanaise, et je crois qu’ils seront nombreux au pays à s’y identifier.
Vous planchez déjà sur votre deuxième long-métrage. Un aperçu?
Je suis actuellement en phase d’écriture. Sans entrer dans les détails, c’est une comédie autour de deux sœurs âgées, à Beyrouth, influencée par les classiques de Hollywood dans les années 30.
Nayla Rached