Magazine Le Mensuel

Nº 3081 du vendredi 1er septembre 2017

Point final

Il n’y a pas assez de guerres…

L'information n’est ni savoir, ni culture, ni connaissance. Instaurée en produit de consommation «à gogo», en commodité offerte en promotions, elle prend des allures exhibitionnistes. Les publics, audiences et autres dénominations sont des «consommateurs» et les médias sont atteints par la fièvre du jeu: imiter les uns les autres, s’ériger en fournisseurs exclusifs de conseils en tous genres et en agoras pour voix débraillées, en manque de défoulement. Ce trop-plein de soi-disant information fait sombrer individus, peuples et sociétés dans la confusion, dans l’ignorance. Résultat: soumission et dictature.  
La communication, de plus en plus à la mode, gagne les faveurs des «élites» politiques et économiques, soucieuses de promouvoir une image ou de polir une illusion, en vue de s’arroger une place dans une arène publique quelconque et, pourquoi pas, gagner un flirt avec «les plus grands». Elle n’est donc ni dialogue, ni échange, ni compréhension. Mais un leurre, et encore, une soumission et une dictature.   
L’information et la communication ne sont pas mauvaises en soi. Elles dérivent lorsqu’elles sont exploitées en deçà de leurs fonctions primaires, lorsqu’elles servent de permis de conduire les êtres humains, tels des moutons de Panurge, dans les méandres des finances, d’abuser de leurs besoins, désirs et préférences comme monnaies d’échanges, de les exploiter en vue de profits mercantiles. Les thèses de fiabilité de l’information, de démocratisation des sociétés… semblent si loin!
A se croire dans une Tour de Babel, nouvelle édition! Signes supplémentaires de cette fin des temps – le terme fin pouvant être pris aussi au sens éludé de but, d’objectif: les frénésies de «fake news», de désinformation, de propagande, de robotisation de la production de l’information, de post-vérité… –, l’humanité aurait-elle atteint la Vérité?! L’aurait-elle dépassée?!
Autant d’aliénations qui prennent le pas sur les usages éthiques et professionnels de l’information et de la communication. Ceux-ci sont périmés. Les êtres humains sont «déshumanisés».
Faut-il inventer des moteurs de recherche qui placent l’éthique, le bonheur, en tête des pages électroniques? Devons-nous nous lancer dans une nouvelle épopée qui assure des profits effectifs, non en termes de calculs politiques et économiques, mais de «causes justes», d’avancées spirituelles et culturelles, de conquêtes de nouveaux espaces moraux?
Encore un paradoxe! Dans ce monde où les guerres priment, une guerre manque. Une guerre dont le point de mire est précis: la rectification des stratégies de l’information et de la communication dans le sens de la promotion de l’authenticité humaine.
En effet, aux dires des psychologues, la guerre fournit aux gens un semblant de positivité psychologique dans les sociétés opprimées, où les débouchés manquent. Elle érige un sentiment de cohésion et d’unité face à une menace collective. Elle assure le «sentiment d’être plus vivant», donc plus humain. Alors, face aux dangers de formatage de la pensée humaine, faisons la guerre!

 

Nidal Ayoub
Journaliste. Présidente de l’Afej –Association francophone de journalisme

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