Au Liban, les risques de traitement de l’infertilité sont importants. Magazine s’est faufilé dans les coulisses des cabines et des centres de fertilité. Eclairage.
Avec un chiffre d’affaires qui s’élève à des dizaines de milliers de dollars par jour et par clinique, la pratique de la fécondation in vitro (FIV) est très bénéfique pour les gynécologues et les propriétaires de centres de fertilité au Liban. Mais à quel prix et aux dépens de qui?
A une certaine époque, et jusqu’à nos jours, le recours à la FIV se heurte au problème de l’anonymat des donneurs. Il s’agit de personnes dont seuls les médecins connaissent l’identité et qui ont, toutes, été «utilisées» de manière abusive pour fertiliser 300 à 400 autres. Un chiffre qui aurait fait scandale dans les pays développés, où les prélèvements sont limités à cinq ou six enfants par donneur. Non seulement les donneurs ne sont pas connus, ils ne sont, non plus, ni testés, ni répertoriés. Par conséquent, aucune garantie, aucun document n’est susceptible de prouver si les prélèvements (qui ne proviennent d’aucune banque de spermes accréditée) sont atteints ou non de maladies infectieuses ou sexuellement transmissibles (MST). Le marchandage ne s’arrête pas là, explique le Dr Paul Nasr. Souvent, les hommes se rendent dans des laboratoires de fertilité pour réaliser un spermogramme (examen médical destiné à analyser les différentes caractéristiques du sperme d’un homme, généralement dans le cadre d’un bilan d’infertilité d’un couple). Le sperme prélevé est alors, à l’insu du patient, utilisé pour féconder les ovocytes d’une patiente X. C’est ainsi que des dons de spermes sont proposés par les gynécologues à tout acheteur, sans qu’il n’y ait véritablement de donneur. Le trafic ne s’entreprend pas uniquement chez les hommes.
Vol d’ovocytes
Lorsqu’une femme se rend chez un gynécologue (les endocrinologues de la reproduction n’existant pas au Liban) pour une FIV, les dérapages sont constatés à trois niveaux. D’abord, s’il s’agit d’une FIV classique, la femme est stimulée plus qu’il ne le faut. Le nombre exact d’ovocytes prélevés ne lui est pas communiqué et ceux non déclarés sont utilisés pour des donations, sans aucun consentement de la patiente. Cet acte sournois n’est autre que la conséquence de trois faits: la demande énorme, émise surtout par des patientes âgées ou étrangères, le manque de ressources et l’absence de banque d’ovocytes.
«Il est plus facile et plus accessible de voler les ovocytes d’une patiente et de prétendre qu’il s’agit d’un don», atteste le Dr Nasr. Une pratique purement commerciale, qui s’étend pour atteindre les ovocytes fertilisés ou les embryons d’un couple lambda. Ces derniers sont ainsi transférés d’un couple à un autre. Comment? S’ils ne sont pas vendus, les ovocytes prélevés et non déclarés sont fertilisés au lieu d’être détruits et donnent lieu à des embryons. Ces mêmes embryons grandissent pour devenir les enfants de parents qui ne sont pas les leurs.
Le recours aux mères porteuses n’est pas non plus sécurisé. Ce sont, la plupart du temps, des Sri-Lankaises et des Egyptiennes, vivant surtout du côté de la Békaa, qui se font mères porteuses mais qui, finalement, prennent la fuite avec l’enfant qu’elles portent. Ainsi, avec un personnel et des techniciens non adéquatement formés et très mal payés, une mauvaise prise en charge, des prix qui font le double et parfois le triple de la marge fixée par les pays européens et par les Etats-Unis (le prix d’ovocyte ou d’embryon au Liban varie entre 1 000 et 3 000 $ et celui d’un don de spermes entre 50 et 300 $), même le meilleur et le plus éthique des médecins ne dispose pas d’une infrastructure propice à des pratiques de FIV correctes.
Natasha Metni