Les élections législatives! Les Libanais ne croyaient plus à ce miracle après deux prolongations successives qui nous ont plongés dans une forme inédite de gouvernance à la libanaise: une «dictature parlementaire».
Jusqu’à récemment, les rumeurs et les théories de complots dont sont très friands les citoyens libanais désabusés, évoquaient une troisième prolongation infondée mais «officiellement légitimée». Il est vrai que l’éventualité a été évoquée, mais il était impossible de rééditer encore dans une situation constitutionnellement récusable, alors que tous les régimes de la région sont mis au pilori. En plus de l’incompétence et de l’avidité apparentes de nos dirigeants, nous ne pouvions pas décrédibiliser notre régime auprès des quelques pays qui soutiennent encore la pérennité de la nation libanaise; ceux-là même qui refusent que le Liban redevienne un terrain d’expérimentation pour les conflits régionaux. Notre fragilité face aux ingérences étrangères engendre le besoin constant de recours à des alliés internationaux capables d’intercéder en notre faveur. Et pour preuve, l’intervention salvatrice du président Français Emmanuel Macron, qui a aidé à désamorcer la crise générée par la démission du Premier ministre Saad Hariri, piégé par l’Arabie saoudite. Ceci, indépendamment de la gestion magistrale de la crise interne orchestrée par le président Michel Aoun.
Dans le cadre de la préservation de l’entité libanaise, de nombreux efforts sont fournis par les nations amies, tant sur le plan de l’aide fournie pour supporter le poids des Syriens qu’il a accueillis, que sur le plan de l’assistance à l’armée libanaise et aux forces de sécurité dont le rôle est vital vu les menaces qui nous entourent. Mais ces aides ne couvrent pas toutes les charges financières, économiques, écologiques, sécuritaires, éducatives, sociologiques, et autres, que le Liban assume. D’où le recours à des donateurs internationaux pour pourvoir au manque et manquements.
Mis à part les conférences de Rome et de Paris, ce ne sont pas des aides accordées au Liban qu’il s’agit mais aux déplacés, pour différer l'explosion d’une bombe à retardement qui menace tout autant l’Orient que l’Occident. Mais certains pays donateurs formulent directement ou indirectement une requête impossible: désarmer le Hezbollah ou du moins l’empêcher d’intervenir dans les conflits régionaux. Nous espérons que cette sollicitation restera dans le cadre d’une recommandation ou un souhait, que nous partageons d’ailleurs, car l’enjeu est bien plus grand que la déstabilisation du Liban, ou l’adoption d’une «stratégie défensive» illusoire. Le seul facteur de l’endoctrinement d’enfants sur notre sol suffit à mesurer la pléthore de dégâts envisageables à l’échelle planétaire à moyen terme si nous n’agissons pas immédiatement.
Il est grand temps pour le monde de sortir du politiquement correct ou de la politique de l’autruche, et d’envisager sérieusement le retour des déplacés en Syrie là où cela est possible. Car il est plus judicieux de les aider à se reconstruire chez eux, plutôt que de continuer à en faire des assistés ailleurs.
Joe Moukarzel
Doyen de la faculté d’Infocom de l’Université Antonine