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Nº 3088 du vendredi 6 avril 2018

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Culture

L’art pour tous. Une formation gratuite… Pour qui et pourquoi?

A l’heure où la femme continue de lutter pour des droits (qui, très souvent, lui sont acquis), l’accès au monde audiovisuel est – aussi – «revendiqué». Quel est ce programme qui porte le nom de Girls for change? En quoi consiste-t-il? A qui s’adresse-t-il?

Au Liban, une grande majorité de la population continue de percevoir une certaine inégalité entre les sexes, notamment sur le plan artistique. D’après Sam Lahoud, professeur à Notre-Dame University (NDU) et fondateur du Beirut Film Society, du NDU International Film Festival et du Lebanese Film Festival au Canada, «les femmes, bien que brillantes dans le processus de réalisation de films, continuent de se heurter à maints obstacles». Il considère, en effet, que le chemin que celles-ci doivent emprunter pour se forger une carrière, jalonné de nombreux défis et, parfois, fait l’objet de beaucoup d’abus émotionnels et professionnels. «C’est donc en corrigeant la perception qu’ont les femmes et les hommes du rôle de chacun dans l’industrie cinématographique, que l’on peut contribuer à renforcer le respect mutuel entre eux et à ouvrir la voie au rétablissement de l’équilibre entre les deux sexes», affirme M. Lahoud. A la question de savoir comment une telle «résolution» est en mesure d’être accomplie, la réponse est simple: le programme de formation Girls for change.

Le pouvoir de l’audiovisuel
Il s’agit d’une initiative s’inscrivant dans le cadre du Beirut international women film Festival (BWFF) qui a été lancé en mars dernier. Objectif principal de cet événement: projeter des films pour sensibiliser le public aux questions relevant du sexe féminin. Principalement financé par l’Unicef, soutenu par Canon et par d’autres institutions culturelles et sociales locales qui souhaitent contribuer à la réalisation de ce projet, Girls for change a pour but d’éduquer les jeunes femmes au pouvoir de l’audiovisuel. Cet art leur serait introduit en tant qu’outil leur servant de tremplin dans une société où elles se voient «marginalisées». 
En formant ainsi 80 jeunes femmes libanaises ou réfugiées à l’audiovisuel et à l’art cinématographique, le programme de formation dont M. Lahoud est le directeur, les aide à se focaliser davantage sur leurs problèmes, dans le but de provoquer un changement majeur en leur faveur dans leurs sociétés. Les cours seront assurés dans les quatre coins du Liban: le nord, la Békaa, le sud et Beyrouth, sur une durée de 4 jours pour chaque groupe. A la fin de chaque session, les participantes produiront des courts métrages de 3 à 4 minutes, entièrement réalisés par eux, d’où un total de 16 films. Concilier audiovisuel, art cinématographique et politique s’explique, d’après M. Lahoud, de la manière suivante: «toute personne qui se lance dans le monde du cinéma, du théâtre et des arts, perçoit la politique comme l’art de rendre l’impossible possible, comme la science servant à diriger la société. Nous ne pouvons pas aborder la politique de la même façon que la plupart des politiciens. Ces derniers ont l’art de manipuler le grand public. Un énorme fossé nous sépare d’eux au niveau de la perception du secteur des services publics, ce qui rend très difficile la communication entre nous».

Fenêtre sur la société
Le Beirut international women film Festival est un événement annuel organisé à Beyrouth. Il rassemble des cinéastes et des cinéphiles du monde entier et aborde des problématiques cruciales telles que l’égalité des sexes, l’identité sexuelle, la violence domestique. «Le cinéma se fait à travers le prisme social et, plus particulièrement, sur les femmes dans le cas du BWFF», explique M. Lahoud. Les organisateurs de ce festival croient et œuvrent pour la promotion d’une image positive des femmes qui luttent avec dignité pour changer leur «environnement». S’exprimant sur l’étendue de ce cycle d’événements et d’initiatives, Patricia Jean Elias, avocate en droit international, activiste en faveur des droits de l’homme, de la femme et de l’enfant et candidate aux élections législatives pour le siège maronite du Kesrouan, souligne qu’il est temps de faire comprendre aux femmes qu’elles peuvent et doivent être les auteurs et les actrices de leur propre avenir. «Fini le stéréotype de la femme soumise», martèle-t-elle, mettant l’accent sur son propre parcours pour défendre sa cause. La jeune femme a, dans ce sens, animé deux séminaires, du 14 au 16 mars, l’un portant sur la femme et le leadership et l’autre sur la rupture des stéréotypes. Recourir donc à l’audiovisuel et à l’art cinématographique ne peut que servir cette cause. «La stabilité économique et sociale joue un rôle majeur dans la construction d’un meilleur environnement pour les arts. Tant que nos priorités se limiteront aux éléments basiques, il sera très difficile pour le domaine artistique de se développer.
Tout est question de priorités dans chaque société. Malheureusement, jusqu’à présent, la culture n’en fait pas partie au Liban», conclut M. Lahoud.

Natasha Metni Torbey

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