Lequel d’entre nous, homme ou femme, néglige encore sa tenue vestimentaire? Se perdre dans les méandres d’une telle formation peut équivaloir à se lancer dans un monde de liberté et d’opportunités sans fin. Rencontre avec Nicole Massoud, Directrice de ESMOD Beyrouth.
Comment a évolué la mode après les années 2000?
Nous vivons une époque très intéressante de liberté et d’opportunités créatives inédites sans aucun interdit. On a l’impression qu’il y a une remise en cause de la définition du beau, en partie liée aux nouveaux moyens de communication. En effet, par le biais des réseaux sociaux, de nouvelles voix s’imposent et mettent en avant leur singularité, leurs codes parfois très personnels pour définir le beau. C’est le cas des blogueurs et influenceurs. L’approche n’est plus verticale (des autorités supérieures édictant des règles) mais horizontale, permettant à chacun de s’autoproclamer «juge de la mode». En effet, le consommateur d’aujourd’hui fait sa propre recherche et veut être libre de s’habiller comme il le souhaite, de mélanger les pièces comme il l’aime, quitte à être surpris par certaines associations entre matières, styles et couleurs.
Quel est l’impact des réseaux sociaux sur l’industrie de la mode?
Les réseaux sociaux ont changé la façon de penser, de concevoir et de vendre des marques. Ils sont devenus incontournables dans le quotidien des professionnels de la mode. Ils sont peu coûteux, faciles à mettre en œuvre et à utiliser, et sont d’une portée internationale immédiate. Pour nos jeunes diplômés, c’est un passage obligé pour se faire connaître du grand public et des professionnels. Pour d’autres, anciens, plus établis dans la profession, c’est l’outil principal de vente. En effet, malgré l’importance de la rencontre physique avec un créateur, avec un style, avec un produit, un travail en amont doit être effectué pour mieux comprendre le parcours de la marque sur les réseaux sociaux.
L’intelligence artificielle va-t-elle contribuer à révolutionner l’industrie de la mode?
Il est clair que l’intelligence artificielle nourrit l’inspiration des stylistes en leur donnant accès à des sources intarissables de créativité. Par exemple, avec le lancement de la fonctionnalité Style Ideas dans Google Images, il suffit de taper quelques mots séparés du signe + pour disposer de toutes les occurrences du web contenant exclusivement les critères sélectionnés. Une autre application toute récente de l’analyse des données Google par l’intelligence artificielle: WeWearCulture. Il s’agit d’un projet à but non lucratif de Google Arts & Culture. Plus de 180 partenaires à travers le monde (principalement des musées de la mode et fondations) ont participé à la mise en ligne de contenus et d’archives de la mode. Grâce à cette application, il est possible de faire des recherches par couleur ou trouver toutes les œuvres d’art du catalogue autour d’un thème. Tout ceci est extraordinaire (sans compter les avancées dans le domaine de la production et de la distribution) mais le souci que nous avons sur le plan académique est le risque pour l’étudiant de se perdre dans toutes ses recherches et inspirations au détriment de sa créativité personnelle et de son identité. L’idéal serait d’intégrer toutes ces données, les nouvelles technologies (impression 3D, «lazer cutting», vêtements connectés etc.) et d’ajouter son grain de folie, ses émotions, ses sentiments…
Quelles sont les qualités à avoir pour intégrer cette profession?
Il faut être motivé, curieux, patient, très patient et travailleur. Le talent aide mais n’est absolument pas suffisant. Pour se distinguer des autres, il faut développer sa créativité, son imagination et son identité personnelle. En fait, nous pensons qu’être créatif n’est pas le plus dur dans notre métier. Ce qui l’est, c’est d’être en accord avec sa personnalité, de concevoir un produit techniquement faisable et de le proposer au bon moment. Ceci fait l’objet de tout un processus de collection qui consiste à faire mûrir les idées. Cette partie est décrite dans un de nos manuels: Étapes de mode N°4, Processus de collection. Nous estimons que la créativité est une discipline et qu’elle s’enseigne par des techniques. Notre principal moteur de création est la technique ou plutôt les techniques telles que le modélisme créatif et le travail sur ordinateur. Il peut aussi s’agir de techniques artisanales.
Quels sont les débouchés après la formation?
Les débouchés dans l’industrie de la mode sont très variés, permettant ainsi à chaque étudiant de trouver un métier qui corresponde à ses talents. Les diplômés peuvent aspirer à être directeur artistique ou de style; directeur de collection; chef de groupe/responsable développement; chef de produit; acheteur/de produits finis; styliste; modéliste; styliste photo; infographiste; coordinateur de collection; responsable de production; responsable du merchandising visuel; attaché(e) de presse etc. En fonction du métier souhaité, il est recommandé de poursuivre des études et de faire un Master pour se spécialiser et acquérir une connaissance plus approfondie dans ce domaine précis.Dans l’industrie de la mode, les processus sont longs mais les échéances bien courtes, donc une bonne gestion du temps est cruciale.
Natasha Metni Torbey