L’un des défis majeurs du nouveau gouvernement, et pas des moindres, est le dossier du pétrole et du gaz.
Le premier pas vers l’exploitation des ressources offshores en hydrocarbures a été fait le 9 février dernier avec la signature des contrats d’exploration par un consortium mené par le Français Total et comprenant l’Italien Eni et le Russe Novatek. Le contrat concerne les blocs 4 au centre de la Zone économique exclusive libanaise et le bloc 9, situé au sud.
De nombreux obstacles se dressent cependant devant le Liban, il devra les résoudre un par un pour être en mesure d’avancer sur ce dossier. Le premier et le plus important est la revendication israélienne de 860 km2 du bloc 9, adossé au tracé de la frontière maritime commune. Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Liebermann, avait prétendu que cette zone appartenait à son pays. Washington avait dépêché en urgence à Beyrouth son secrétaire d’Etat adjoint David Satterfield pour tenter une médiation avec Israël.
Beyrouth a rejeté les propositions américaines. Cependant, malgré cet obstacle, le consortium a signé l’accord. Il prépare un premier plan d’exploration qui contient tous les détails concernant ses activités sur les trois prochaines années. Le plan inclut notamment la liste des préparatifs, les études géologiques, l’organisation logistique entre autre pour la construction de deux puits de forage sur les deux blocs concernés.
Pas d'exploration pétrolière avant début 2019
Durant les mois à venir, les étapes seront purement administratives. C’est seulement au début de l’année 2019 que sera donné le coup d’envoi à l’exploration pour une période de trois ans, renouvelable pour deux ans, puis pour une période d’un an, renouvelable elle aussi pour deux ans.
Durant les 3 premières années, les compagnies procèderont au forage de deux puits, un dans chaque bloc. Les deux années suivantes, elles procèderont au forage de deux autres puits. Les opérations d’exploration seront d’abord menées dans le bloc 4. Celles concernant le bloc 9 seront lancées d’ici trois ans. Les investissements seront déterminés en 2020 au regard des gisements.
Avant d’en arriver là, le Liban a parcouru un long chemin. Dès 2001, le gouvernement libanais avait ordonné un balayage sismique des fonds marins. Deux compagnies étrangères, Spectrum et Petroleum GeoServices, avaient procédé alors à des prélèvements, respectivement en 2002 et 2006. Les études avaient révélé la présence possible de gaz et de pétrole.
Toutefois, le dossier a longtemps traîné. Contrairement à Israël, la Syrie ou Chypre, et malgré les espoirs de la présence de pétrole et de gaz consolidés par la découverte d’immenses gisements, le Liban n’avait pu acter l’exploitation d’hydrocarbures offshores.
En août 2010, le Parlement a voté la loi autorisant le forage et l’exploitation des hydrocarbures aux larges des côtes et l’Autorité libanaise du pétrole, placée sous la tutelle du ministère de l’Energie, a vu le jour. Elle a divisé la zone exploitable en dix blocs dont les numéros 1, 4, 8, 9 et 10 devront être explorés en priorité. La surface de chaque bloc varie entre 1259 km² et 2374 km².
Un trésor inexploité en pétrole et en gaz naturel, selon des géologues
Durant cette même période, le Bureau d’Etudes géologiques américain a dévoilé que le Levant recèlerait un trésor en pétrole et gaz naturel, et que le Liban bénéficierait d’une réserve d’environ 96 trillions (milliards de milliards) de m3 de gaz naturel et de 860 millions de barils de pétrole brut. Un rapport consolidé en février 2013 par la société française d’étude Beicip-Franlab, qui a confirmé que des réserves de pétrole ont été découvertes au large du littoral libanais.
Un rapport de l’US Geological Survey (PDF, en anglais) estime le potentiel au large des eaux libanaises à près de 608 millions de barils de pétrole, 44 560 milliards de pieds cubiques de gaz et 1 107 millions de barils de gaz naturel liquide. Il a fallu attendre début 2017, date à laquelle le gouvernement sortant avait adopté des décrets délimitant les blocs de concession. Près d’un an plus tard, il approuvait les offres du trio regroupant le Français Total (opérateur, 40%), l’Italien Eni (40%) et le Russe Novatek (20%). Le défi est d’autant plus grand que les retombées économiques sur le Liban sont énormes. L’engagement de trois grandes compagnies est déjà un signal de taille, ouvrant la voie à des opportunités d’emplois, vu que ces compagnies feront en priorité appel à la main d’œuvre et aux sociétés locales. Selon les conditions des contrats, 80% de la main d’œuvre doit être libanaise.
L'exploitation pétrolière rapporterait 113 milliards de dollars à l'Etat
Tout dépend des premiers résultats de l’exploration. Si le potentiel du Liban se confirme, l’étape suivante ouvrira de nouveaux horizons, et il faudra développer les infrastructures pour commencer la production. Selon les estimations, dès la première année de production, les revenus pétrolifères et gaziers s’élèveraient à huit milliards de dollars. En deux décennies, l’exploitation du pétrole et du gaz libanais pourrait rapporter 113,18 milliards de dollars à l’Etat, si les estimations des ressources potentielles se révèlent correctes.
Trois types de rentrées d’argent sont prévus: le Liban percevra une redevance d’exploitation, payée par les compagnies pétrolières qui exploitent les blocs. Elle représentera 4% de la production de pétrole et de gaz. Il percevra ensuite sa part des revenus de production dont 4% pour les extracteurs de pétrole et entre 5 et 12% pour les producteurs de gaz, puis ponctionnera l’impôt de 15% sur les sociétés.Toutes les études effectuées étaient prometteuses. Il faudra cependant attendre les premiers résultats de l’exploration début 2019. D’ici là, le Liban se doit d’être prêt, en préparant le terrain, et en développant son infrastructure.
Arlette Kassas