Les Libanais sont de plus en plus nombreux à oser ce type d’hébergement. Des gîtes qui, pour la plupart, célèbrent le patrimoine et la culture locale.
Elles essaiment un peu partout. La maison d’hôte, ce nouveau modèle de tourisme, connaît une croissance accélérée depuis six ans. On en recense aujourd’hui plus d’une centaine au Liban. Plus petit qu’un hôtel, ce type d’hébergement peut proposer entre deux et dix chambres pour des prix variant entre 50 et 300 dollars la nuitée. Un cadre intimiste qui permet au visiteur de se sentir «presque» chez lui, le service en plus. «Les gens savent qu’ils seront bien reçus. On a un service personnalisé pour chacun, on porte attention au moindre détail», affirme Rita Feghali, propriétaire de la Villa Paradiso, ouverte il y a un an dans le vieux souk «délaissé» de Batroun. Avec son frère, l’architecte Rémi Feghali, ils ont entièrement rénové cette ancienne demeure vieille de 400 ans pour y installer six chambres. «Nous avons utilisé de la chaux hydraulique pour conserver l’héritage et l’environnement libanais. On a aussi utilisé beaucoup de débris d’anciennes portes et fenêtres pour meubler et faire la décoration intérieure des chambres», explique-t-elle. La maison d’hôte comprend également une boutique où sont exposés et mis à la vente les articles d’une vingtaine d’artisans libanais. La grande salle principale, ancien dépôt alimentaire sous le Mandat français, accueille régulièrement des manifestations, concerts, expositions, événements culinaires.
Palais ancestral
A la limite entre le Chouf et le Liban-sud, dans le village de Bater, Nana Hamdan a ouvert l’été dernier les portes de la maison familiale aux visiteurs. «C’est une maison à laquelle nous tenons beaucoup. Malheureusement, mes trois enfants vivent à l’étranger et ne rentrent qu’un mois pendant l’été. J’avais envie de continuer à la faire vivre, mes amis m’ont encouragée. Ça me permet de connaître des gens qui apprécient ce genre de choses, les vieilles pierres et les arbres», confie-t-elle. C’est dans ce petit palais que Cheikh Saïd, un notable druze, ancêtre de la famille, recevait les visiteurs. 300 ans plus tard, son descendant Nabil, et sa femme, ont décidé d’en faire un gîte. A l’intérieur, le couple a conservé plusieurs éléments du mobilier, comme ces portraits des arrières-grands-pères réalisés par le peintre libanais Moustapha Farroukh.
La demeure, qui peut accueillir 12 personnes, se loue en entier, pour un minimum de deux nuits. Un petit déjeuner de produits du terroir est servi le matin.
Pour la grande majorité des propriétaires, l’ouverture d’une maison d’hôte s’accompagne d’un désir de préservation du patrimoine. Un combat mené depuis plusieurs années par Kamal Mouzawak, fondateur de l’association de producteurs locaux Souk el-Tayyeb. L’entrepreneur a ouvert quatre guest-houses à Douma, Ammiq, Deir el-Qamar et, plus récemment, à Beyrouth. Baptisé Beit Tawlet, le dernier gîte en date a été aménagé au dessus du restaurant éponyme, dans un immeuble des années 1970, «plutôt moche à première vue», confie-t-il. «On a justement voulu jouer là-dessus. On n’essaie pas de faire de faux semblant», assure-t-il. Pari réussi. A l’intérieur, le décor, typique des années 70, fourmille de détails évocateurs de cette période: foisonnement de plantes d’intérieur, imprimés floraux ou à rayures, psychédéliques, œuvres pop art de l’artiste Rana Salam accrochées au mur.
Créé en 2011, l’Hôte libanais rassemble quant à lui un réseau de 22 maisons d’hôtes. «L’objectif est de créer un modèle de voyage respectueux des principes du développement durable, ayant un impact positif sur les femmes, les hommes et l’environnement. Au-delà d’être des hébergements, les maisons d’hôtes sont le fer de lance de cette vision; elles permettent à ce tourisme responsable de pouvoir exister», explique son fondateur Orphée Haddad. S’il y a dix ans le concept attirait surtout des touristes occidentaux, un nombre croissant de Libanais tend à s’approprier ce nouveau modèle d’hébergement, déjà établi depuis longtemps en Europe. «Aujourd’hui, la moitié de nos clients sont des personnes résidant au Liban – des Libanais ou des expatriés étrangers – signe que le phénomène a pris racine», se réjouit Orphée Haddad. «On a aussi de plus en plus de gens vivant à l’étranger et ayant des origines libanaises, parfois de la deuxième ou troisième génération, qui trouvent dans les maisons d’hôtes l’occasion d’un authentique retour aux sources».
Philippine de Clermont-Tonnerre