Magazine Le Mensuel

Nº 3093 du vendredi 7 septembre 2018

general Musique

Ziad Rahbani on Broadway. Seul maître à bord

Les 2 et 3 août, l’espace déteint aux tentures rouges de l’Aresco Palace, à Hamra, a accueilli Ziad Rahbani, pour deux soirées consécutives, placées sous le signe de la convivialité et de la musique; deux soirées presque privées dans une ambiance très Broadway.

Durant plus de trois heures, Ziad Rahbani a fait son show. Véritable et seul maître à bord, il a tenu son public en haleine, le menant tout au long d’une carrière riche de plus de 40 ans. Tonnant comme un spectacle-rétrospective, il a déroulé, dans un ordre qui relève de son génie et d’une tension en crescendo, les différents mondes qui composent son univers si particulier: des compositions des frères Rahbani, des chansons écrites pour Feyrouz, des morceaux de ses pièces, des titres de Monodose, un hommage à Joseph Sakr, des airs jazz et bossa nova… Les clins d’œil étaient nombreux, et nombreuses aussi les jouissances qu’a ressenti son public, trié sur le vif. Ziad Rahbani au mieux de sa forme, dans son élément, un élément qu’il a tenu lui-même à composer loin du tohu-bohu d’une foule éclectique, attirée par l’idée d’assister à un concert de Ziad Rahbani. Et il y fera allusion dans son spectacle, à travers une espèce de pop-up comédie, qui replace Ziad Rahbani au cœur de notre époque, loin de toute image nostalgique à laquelle certains pourraient l’associer. Sur le devant du podium, trois femmes, trois spectatrices, selfies et minauderies à l’appui, gesticulent et se débattent dans leurs futilités d’un soir, ne se souciant de la scène qu’au moment des applaudissements, y allant alors de leur bravo et de leurs appréciations musicales.

Spectacle pop-up
C’est à l’Aresco Palace, à Hamra-Clémenceau, que s’est déroulée la soirée, ajoutant à l’ensemble une touche circa, un peu vintage, un peu Broadway, en couleurs et en paillettes, en danse et en déhanchements féminins, exploitant tous les potentiels de l’espace, de la scène jusqu’à la salle, en passant par la balustrade des coulisses où une danseuse fera vibrer la musique au rythme des froufrous swinguant de sa robe pailletée, avant de se diriger vers la scène puis vers la salle. Rien n’est laissé au hasard, tout est étudié dans ses moindres détails, chaque note, chaque mot, chaque mouvement, chaque tableau. Un jouissif travail de composition.
Décontracté, plaisantant de temps en temps, lançant une tirade ou un sketch live, Ziad Rahbani a rendu, ce soir-là, un vibrant hommage à la musique, la sienne propre et celle qui l’a influencé. Passant de ses propres compositions à des standards de bossa nova, Astrud Gilberto et Jobim, jusqu’au mythique «Hit the road Jack», interprété par Lara Rain, avec Ziad Rahbani la musique retrouve son horizon illimité, ouvert à toutes les surprises et les jubilations.

Un bœuf entre amis
Et les jubilations furent nombreuses, toujours dans la retenue, cette retenue inhérente à un concert qu’on sent hors de l’ordinaire, un concert concocté avec passion et amour, l’amour de la musique bien faite, de la musique au-delà de tout, et du bon vouloir de Ziad Rahbani. Même durant l’entracte, il est toujours présent, à travers des extraits lus de ses articles, sur support CD et qui étaient à la portée du spectateur à l’entrée.
Accompagné d’une dizaine de musiciens, dirigé par Hani Siblini au synthétiseur, Ziad Rahbabi quittera rarement son piano, le délaissant parfois, le temps d’une chanson, le temps de quelques accords sur ses claviers synthétiques. Ce soir-là, il n’y a nulle place aux attentes d’un public éclectique, qui ne pourrait s’empêcher d’y aller de ses avis et contre-avis face à la figure publique que représente Ziad Rahbani, à toute cette passion qu’il véhicule. Ce soir-là, Ziad Rahbani a même orchestré son public, ses invités qui l’accompagneront lors de ce concert qui tonne comme un bœuf entre amis où tout pourtant est étudié, peaufiné, dosé, analysé, laissant libre cours à la liberté de la musique. A chaque note, c’est un bouquet de souvenirs et de sensations qui s’embrasent. Et c’est une clôture toute en beauté, avec la mythique composition Ateba clamée dans de nouvelles strophes, toutes en rimes, en jeux de mots et en humour ironique, celui qui constitue la marque de Ziad Rahbani. On en sort avec cette magnifique impression d’une soirée pop-up qu’on aimerait vivre et revivre, jusqu’à l’immortaliser.

Nayla Rached

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