Le musée privé d’art moderne et contemporain (MACAM) présente une sélection d’œuvres produites par des nationaux sur 20 000 m2 installés à Alita, sur les hauteurs de Qartaba. Une belle manière de découvrir ou redécouvrir le patrimoine artistique libanais.
César Nammour, ancien industriel et collectionneur d’art choisit de transformer des usines désaffectées depuis vingt ans en lieu de conservation de la mémoire et du patrimoine artistique libanais. C’est ce qu’il a envie de liguer et de transmettre, cette passion pour l’art du pays. Nammour avait ouvert la Contact Art Gallery dans le Hamra d’avant-guerre, en 1972, avant de la fermer en 1978. Il contribua également longtemps au supplément culturel du Nahar, écrivant sur la peinture et la sculpture. Aujourd’hui, à plus de 70 ans, il a décidé de partager sa passion avec le public. Le MACAM a ouvert ses portes à Alita sur les hauteurs de Qartaba, Nammour pariant aussi sur la décentralisation de la culture. L’espace, constitué de 4 000 m2 à l’intérieur et de 20 000 m2 à l’extérieur, accueille quelque 450 pièces collectées depuis les années 50 jusqu’à ce jour, ainsi que des installations plus récentes.
Trois grandes lignes directrices sont à l’origine de la stratégie de ce musée: l’archivage et la documentation, l’éducation et l’exposition et la préservation de l’art. Sur place, on découvre la grande productivité et le rayonnement des artistes d’avant-guerre ainsi que des talents plus récents. Déambuler dans ces pièces thématisées en fonction du matériau — pierre, bronze, métal, bois —s’apparente à une déambulation dans l’histoire artistique et sociale du pays. Zaven Hadichian, Raffi Tokatelian, Raffi Yedalian, Ginane Bacho, Nour Kouri, Wajih Nahlé, Nada Raad, Boulos Richa, Mario Saba et Ghassan Saba, Rudy Rahmé, etc.
Dès l’entrée, un grand banc blanc sculpté par Alfred Basbous accueille les visiteurs dans le jardin. Une salle entière est dédiée au sculpteur dont la famille a hérité du savoir-faire. D’autres membres de la famille, Michel et Youssef, y sont exposés. Une autre sculptrice, Muazzez Rawdah est aussi massivement représentée. Cette artiste a donné au musée toutes ses œuvres. Avec Hussein Madi, elle représente l’une des plus grandes donations. Les femmes ont la part belle dans le musée: on retrouve des œuvres de Sabine Karam, Nour Kouri, Nada Raad, Nadine Abou Zaki…
Le MACAM est aussi l’occasion de faire la connaissance d’une des pionnières de la céramique moderne au Liban, Dorothy Salhab Kazemi. Diplômée de la School of Arts and Crafts de Copenhague, elle étudia auprès de céramistes européens de renom, pour enseigner à son tour, à Glasgow puis à la LAU au Liban. Elle doit à son affinité pour l’art islamique, sa participation à l’excavation franco-syrienne du site archéologique de Mayadeen en Syrie.
La céramique prend une place importante dans le musée. Feu Samir Muller y est représenté de même que des céramistes plus actuels comme Maha Nasrallah, récipiendaire du premier prix du concours annuel du musée dans cette catégorie.
Le MACAM a d’ailleurs lancé un concours annuel pour chacune des catégories dans l’objectif de stimuler la création artistique. César Nammour et sa compagne Gabi Schaub n’épargnent pas leurs efforts pour encourager la création et démocratiser l’accès à l’art et à la culture. C’est d’ailleurs dans cet esprit que les tarifs d’entrée du musée restent très abordables ( 10 $, 15$ avec le déjeuner), même si cela ne permet de couvrir que 30% des coûts de fonctionnement de la structure. Le but initial de MACAM est d’attirer les scolaires et les jeunes. Des activités, des ateliers et des évènements culturels sont ainsi organisés à leur intention tout au long de l’année. Le but est d’engager la communauté. Le théâtre, la musique, les performances, trouvent leur place aussi dans cet espace qui se veut lieu d’accueil et de brassage. Des artistes étrangers y sont reçus en résidence. Cinq chambres d’hôtes sont en passe d’être achevées. Des étudiants étrangers viennent aussi effectuer des recherches sur l’art libanais, car le musée dispose d’un centre de documentation et d’une base de données exceptionnellement fournie.
Les expositions thématiques attirent beaucoup de monde. La dernière en date a été consacrée aux travaux artistiques de la célèbre cinéaste Jocelyne Saab. Elle fut précédée par différentes rétrospectives: Dorothy Salhab Kazimi, Zaven Hadichian, Boulos Richa, Youssef Basbous mais aussi une exposition dédiée à Chouchou, le fameux personnage de télé. Début décembre, MACAM a annoncé un appel à projets Graffitis, à l’occasion du 70ème anniversaire des Droits de l’homme qui sera célébré l’année prochaine. Le musée sélectionnera avec un jury international douze artistes qui seront invités à travailler sur un mur long de 60 mètres. Par le passé, un concours au sujet du recyclage de l’art avait été lancé. De nombreuses installations en correspondance avec les débats de société actuels ont trouvé domicile à MACAM comme celles de Nada Sehnaoui, Ghassan Ghazal, Mario Saba et Ghassan Saba, Adnan Haqqani, etc.
Depuis son ouverture, ont visité le musée a accueilli 17 500 personnes et le meilleur est à venir. Dans cet esprit d’ouverture et de générosité qui le caractérise, le MACAM appuie avec le musée national et le musée Sursock l’audacieuse et noble initiative de Nadine Abou Zaki, professeur de philosophie et sculptrice, qui ambitionne de mettre des œuvres à disposition des non et mal voyants. Cette entreprise est le fruit d’une collaboration avec le musée tactile d’Omero à Ancona (Italie). Certaines sculptures, mosaïques, pièces archéologiques pourront ainsi être visitées, touchées avec les mains, permettant aux non-voyants de reconnaître et ressentir les œuvres grâce à une méthode basée sur leurs facultés
multi-sensorielles.
Nicole Hamouche