Magazine Le Mensuel

Nº 3071 du vendredi 4 novembre 2016

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Leila Seurat. Voyage dans le monde secret du Hamas

Par une fine analyse de la politique étrangère du Hamas, Leila Seurat propose des clés inattendues pour explorer la «boîte noire» de l’organisation islamiste dans Le Hamas et le monde, qu’elle présentera au Salon du livre.

Vous dites que le Hamas, bien que surmédiatisé, demeure méconnu…
Outre les militants pro-palestiniens familiers du conflit avec Israël, le grand public méconnaît ce mouvement politique, confondu le plus souvent avec le Hezbollah. Plusieurs éléments ont pu faciliter cette confusion: l’alliance entre les deux mouvements dans le cadre du «front du refus», le soutien iranien au Hamas, l’inscription des deux groupes par les Etats-Unis et l’Union européenne sur la liste des organisations terroristes.

Qu’est-ce que la culture du secret, pièce maîtresse de la géopolitique au Moyen-Orient et brandon de discorde entre musulmans?
Le «front de refus», axe de solidarité régional réunissant l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas, s’est vu fortement déstabilisé par le déclenchement des soulèvements dans le monde arabe: pris en tenaille entre sa solidarité affichée avec les précédentes révoltes tunisienne et égyptienne et sa volonté  de demeurer en Syrie, où le pôle extérieur du mouvement était installé depuis 2000, le Hamas finit par quitter Damas au risque d’y perdre son précieux allié iranien. Depuis 2012, il tente de regagner les faveurs de la République islamique. Le Hamas est plus que jamais isolé depuis l’été 2013: il n’a pas su anticiper le retour à l’ordre ancien en Egypte et a anticipé la chute du régime syrien, qui n’est jamais survenue. Cette rupture avec le régime syrien ouvre, pour le mouvement, une période de grandes difficultés, ce dernier devant trouver un nouveau pays d’accueil susceptible de le recevoir.
 

Comment entrevoyez-vous la nature du couple intérêt/idéologie dans la politique étrangère du Hamas?
L’idéologie peut accompagner les intérêts du Hamas ou parfois s’y opposer. Dans ce cas de figure, le Hamas tente de présenter son idéologie de façon à ce que celle-ci coïncide avec ses priorités politiques contingentes. Le succès de ces reformulations est souvent à relativiser. La période qui s’ouvre, à la suite de la prise par la force de Gaza par le Hamas, en juin 2007, renforce les contradictions. Cherchant à conforter son autorité sur ce territoire, le Hamas ne cesse de maintenir le calme, empêchant systématiquement les autres factions armées de Gaza, comme le Jihad islamique ou les groupes jihadistes, de lancer des roquettes. Pour tenter de faire accepter la trêve avec Israël (hudna), imposée par la force aux autres factions, le Hamas la présente comme une forme de «résistance». Les mouvements concurrents à Gaza n’acceptent pas ces reformulations et en profitent pour décrédibiliser le Hamas.

 

Comment définissez-vous la véritable identité du Hamas?
Le Hamas est la branche palestinienne des Frères musulmans, fondés en 1928 par Hassan el-Banna en Egypte. Présents à Jérusalem dès 1945, ils participent aux combats contre les organisations sionistes durant la Ière guerre israélo-arabe en 1947. Le Hamas est donc l’héritier des Frères qui ont privilégié l’islamisation de la société à la lutte armée. Puis, poussé par le contexte du soulèvement de 1987, c’est devenu un mouvement de résistance à Israël sous le label Hamas.

Natasha Metni

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