L’empire financier de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri n’existe plus. Les héritiers cherchent à liquider leurs parts dans l’héritage commun des holdings, sociétés, banques, assurances et compagnies d’entrepreneuriat et de télécoms. Bankmed n’échappe pas à la règle.
Bahaa Hariri, l’aîné de la famille, a été le premier à se retirer des sociétés familiales en vendant ses parts peu de temps après l’assassinat de son père. Il s’est lancé dans l’entrepreneuriat et la promotion immobilière en montant sa propre société, exécutant des projets de grande envergure, seul ou en partenariat avec des associés de parcours. Sur la liste Forbes des Arabes les plus fortunés, il figure en première position parmi les autres membres de la famille. La valeur de sa fortune est inférieure à celle qu’il détenait en 2005 mais le secteur de l’immobilier dans la région du Proche-Orient et en Afrique du Nord connaît des fluctuations importantes depuis le déclenchement du «printemps arabe». Selon le classement Forbes de 2017, la fortune de Bahaa Hariri est estimée à 2,2 milliards $. Fahd Hariri occupe la deuxième position avec une fortune estimée à 1,3 milliard $, suivi par Ayman Hariri, 1,2 milliard $ et Saad Hariri en quatrième position avec 1 milliard $. Ce n’est plus un secret qu’entre les frères et les demi-frères héritiers de Rafic Hariri, le torchon brûle. Les trois enfants de l’ancien Premier ministre issus de son mariage avec Nazek Hariri (Ayman, Fahd et Hind) ne sont plus venus au Liban depuis 2005. Ils vivent entre l’Arabie saoudite, Paris et Monte Carlo.
Ayman Hariri se retire
Aujourd’hui, c’est la vente par Ayman Hariri de sa part de 42,22% au sein de la BankMed qui suscite la curiosité des observateurs et de la communauté des affaires. L’établissement de crédits, qui figure parmi les cinq premières banques Alpha ayant un total de dépôts de plus de 2 milliards $, était détenu entièrement par la famille Hariri via GroupMed SAL Holding. Au sein de cette holding, les parts étaient réparties comme suit: Nazek Hariri (15,51%); Saad Hariri (42,24%); et Ayman Hariri (42,24%). Les cartes ont été redistribuées avec la cession de la totalité de la part d’Ayman Hariri à OLT Holding SAL, appartenant au Jordanien Alaa al-Khawaja. Le prix total de la transaction de vente correspondrait à une évaluation totale du GroupMed Holding SAL à 1,266 milliards $, selon un communiqué rendu public par BankMed.
Avant de prendre sa décision de vendre ses actions, des tiraillements et de fortes tensions avaient marqué les relations d’Ayman avec son demi-frère Saad et les administrateurs de l’établissement, selon une source proche du dossier. Le quatrième fils de Rafic Hariri aurait exprimé une vive réprobation de la politique un peu trop conservatrice suivie, qui servirait davantage les intérêts du Premier ministre, lequel traverse une période difficile sur le plan financier. Des réserves et des provisions auraient été engrangées aux dépens de la distribution de dividendes aux actionnaires. Selon la même source, Ayman aurait été persuadé d’un retrait sans tapage. Dans ses cercles intimes, il fait valoir l’investissement plus lucratif de son plus jeune frère, Fahd, au sein de Bank Audi. Celui-ci détient, à travers FRH Investment Holding sal (Fahd Rafic Hariri Investment holding sal), 9,65% d’actions directes au sein de Bank Audi et 2,3% d’actions indirectes via des GDR. Ses profits, par rapport à son taux de participation au sein de Bank Audi – près de 13% au total – dépassent ceux engrangés par Ayman, qui détient pourtant 42,22% des actions de Bankmed.
Ayman Hariri avait d’ailleurs commencé à réduire ses investissements au Liban dès 2012, en cédant tour à tour des parcelles de terrain situées à Ras Beyrouth et Ramlet al-Bayda, qui correspondent à sa part d’héritage de son père.
Qui est Alaa al-Khawaja? Contrairement aux rumeurs qui ont circulé, Alaa al-Khawaja a plus de 25 ans d’expérience en tant qu’investisseur stratégique et financier couvrant des groupes appartenant à des domaines divers implantés en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. L’homme d’affaires jordanien est connu pour avoir accompli des transactions réussies d’achat d’actions au sein de la Société Générale (Egypte), Bank Audi (Liban), EFG Hermes (Egypte) et Egyptian American Bank (Egypte). Ses investissements se sont étendus au secteur des télécoms, avec des placements au sein de Global Telecom Holding (Egypte), Orascom Telecom Media et Technology, une société cotée à la bourse du Caire, qui investit dans des entités opérant dans le GSM, les médias, la technologie et les câbles, notamment en Egypte, au Liban et au Pakistan. Il détient également des institutions aux Emirats arabes unis, qui fournissent des services de recherches et développement ainsi que des conseils en finance. Dans le secteur du tourisme, Alaa al-Khawaja, qui est le Pdg d’InterContinental Hotels Co, propriétaire de l’hôtel Movenpick en Egypte et d’autres établissements de plaisance sur la côte égyptienne de la mer Rouge, a étendu ses investissements à l’hôtel Four Seasons à Amman. L’homme d’affaires a également investi dans les programmes de privatisation entrepris en Egypte entre 1996 et 2003. Il est actionnaire majoritaire au sein d’al-Arabia Cinema, une société de production et de distribution de films gérant une centaine de salles de cinéma. Il est aussi propriétaire de biens immobiliers commerciaux et résidentiels au Liban, en Jordanie, en Egypte, en Angleterre et en France.
Une banque solide
Fin décembre 2016, Bankmed et ses filiales de services financiers employaient 2 658 personnes. Selon les résultats financiers audités, le total des avoirs de la banque ont représenté 16 milliards $, alors que les prêts et les dépôts bancaires se sont élevés respectivement à 5,1 mil-liards $ et 12,1 milliards $. Bankmed a enregistré un record en termes d’adéquation du ratio de capitalisation, qui était de 15,4% fin 2016, et le ratio de liquidités en devises étrangères de l’ordre de 31,2%, dépassant ainsi les exigences de la BDL.
Liliane Mokbel