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Nº 3029 du vendredi 27 novembre 2015

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Malaise au sein du 8 et du 14 mars. La présidentielle bouge… sans résultat concret!

Pour la deuxième année, le Liban fête l’Indépendance sans président. Pour marquer d’ailleurs cette anomalie, les festivités officielles ont été annulées. Mais la population, à travers plusieurs ONG, s’est approprié la fête, en multipliant les activités et les manifestations nationales. En même temps, des rumeurs font état de contacts discrets pour parvenir à un compromis global qui porterait sur l’élection d’un président, la formation d’un gouvernement et l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Trop beau pour être vrai?

Les rumeurs sur la possibilité d’une entente entre les différentes parties au sujet de l’élection d’un président de la République ont commencé à se préciser depuis l’appel lancé par le secrétaire général du Hezbollah pour la conclusion d’un compromis global. Les personnalités du 14 mars ont diversement accueilli cette offre, mais l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, s’est empressé de la considérer positive. D’autres personnalités ont estimé qu’elle devait encore se concrétiser. Mais en général, cette offre a contribué à faire régner un climat positif d’autant qu’elle a été suivie d’un élan de solidarité à la suite du double attentat de Bourj el-Barajné. Immédiatement, les candidats à la présidence, considérés consensuels, ont recommencé à croire à leurs chances et les noms ont circulé dans les médias. Pour le 14 mars, sayyed Hassan Nasrallah avait donc ouvert une opportunité d’entente en évoquant un compromis global, qui devrait porter sur l’élection d’un candidat accepté de toutes les parties et relancer, ainsi, la vie politique et institutionnelle dans le pays. Bien entendu, le 14 mars ne considère pas le général Michel Aoun comme un candidat consensuel. Pour ce camp, Nasrallah avait fait une concession énorme en acceptant de discuter d’un autre candidat que le chef du Courant patriotique libre (CPL). C’est sur cette base que les espoirs de ce camp ont commencé à prendre forme. Bien entendu, les interprétations de la nouvelle proposition du sayyed ont été différentes. Pour certains, il serait en train de perdre en Syrie et voudrait donc se replier sur le Liban. Pour d’autres, l’attentat de Bourj el-Barajné a été un coup dur, surtout pour ses partisans, et le Hezbollah ne peut plus continuer à refuser tout dialogue sérieux sur la présidence. Pour d’autres encore, le Hezbollah a compris qu’il avait besoin des autres Libanais pour assurer sa propre stabilité et celle de sa région. C’est pourquoi il se propose de conclure un compromis global.
 

La surprise de Paris
Quelles que soient les raisons de sayyed Nasrallah, sa proposition a, quand même, fait son chemin dans les esprits. Mais la grande surprise est venue de l’annonce d’une rencontre qui aurait eu lieu à Paris entre le leader des Marada, le député Sleiman Frangié, et le chef du Courant du futur, Saad Hariri. L’information n’a certes été confirmée par aucune des deux parties, mais le député Ahmad Fatfat a affirmé que la rencontre a bel et bien eu lieu et si elle n’a pas été confirmée, c’est uniquement pour des raisons de sécurité.
A peine la nouvelle connue, les médias s’en sont emparés et ont considéré qu’elle confirmait la tendance à un compromis présidentiel puisqu’elle montre que le Courant du futur pourrait accepter Frangié à la présidence à la place du général Aoun. D’autant que cette rencontre entre Frangié et Hariri à Paris a été immédiatement suivie de la visite de plusieurs personnalités libanaises dans la capitale française: le chef druze Walid Joumblatt, mais aussi le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, ainsi que le chef du cabinet de Saad Hariri, Nader Hariri. De là à affirmer que le compromis est en train de se conclure, il n’y a qu’un pas que certains ont déjà franchi.
A Beyrouth, les milieux politiques se veulent toutefois plus prudents. Au sein de chaque camp, la confusion est grande et aussi bien chez le 8 mars que chez le 14 mars, des voix discordantes se font entendre. Chez le 14 mars, c’est le ministre de la Justice, Achraf Rifi, qui a ouvert le feu sur Sleiman Frangié, en affirmant qu’il est totalement inacceptable qu’un allié du président syrien Bachar el-Assad arrive à la présidence au Liban. Ahmad Fatfat a quelque peu relayé cette position, tout en restant plus nuancé. Mais en même temps, Nadim Koteiche, journaliste proche du Courant du futur, a publié un article dans lequel il précise que l’arrivée de Frangié à Baabda pourrait justement être une compensation aux minorités dans la région après la décision de pousser le président syrien vers le départ… Les Forces libanaises (FL) se sont bien gardées de commenter la rencontre Saad Hariri – Sleiman Frangié mais, selon leurs sources, elles ne voient pas d’un bon œil le rapprochement entre les deux hommes, considérant que Sleiman Frangié est un rival plus redoutable que le chef du CPL, surtout après la conclusion d’un accord minimal avec ce dernier.

 

Froid entre les FL et le Futur
En réalité, depuis quelque temps déjà, il existe un froid et une certaine tension entre les Forces libanaises et le Courant du futur et, en particulier, entre cheikh Saad Hariri et le Dr Samir Geagea. Cette tension s’est accentuée avec la visite spectaculaire de ce dernier en Arabie saoudite où il a été reçu par le roi et le prince héritier, alors que Saad Hariri n’a toujours pas réussi à obtenir de telles audiences bien qu’il soit pratiquement installé à Riyad. Cela lui vaut d’ailleurs des remarques plus ou moins sarcastiques de milieux FL, qui laissent entendre que quand on ne peut pas être reçu par les dirigeants saoudiens, comment pourrait-on conclure des accords fondamentaux portant sur la présidence de la République…?

 

Pointage parlementaire
Du côté du 8 mars, l’ambiance n’est pas moins perturbée par cette information. Le duo chiite, le Hezbollah et Amal, n’a pas fait, pour l’instant, le moindre commentaire, mais le chef du CPL, le ministre Gebran Bassil, a déclaré, lundi, qu’il ne comprenait pas pourquoi on cherchait à placer un représentant au lieu d’aller directement vers le principal, dans une allusion claire à l’idée de choisir l’ancien ministre Sleiman Frangié à la place du général Michel Aoun. Dans le même ordre d’idées, la chaîne OTV appartenant au CPL a aussi fait des critiques à l’égard du chef des Marada. Il a fallu attendre une déclaration directe du général Michel Aoun pour que la tension se calme un peu. Aoun a, en effet, déclaré que si Frangié était élu à la présidence, il serait le premier à le féliciter, puisqu’il s’agirait de la victoire d’un courant et d’une ligne politiques.
Dans les milieux parlementaires, on procède déjà à un pointage des voix et certains affirment que, si les députés se rendent au Parlement pour l’élection d’un président, Sleiman Frangié pourrait la remporter avec les voix du 8 mars, celles de l’ancien Premier ministre, Najib Mikati, et d’Ahmad Karamé, ainsi que celles du bloc de Joumblatt et du bloc Kataëb. Il n’aurait même pas besoin des voix du Courant du futur. Mais cela repose sur une décision politique d’assurer le quorum des deux tiers pour l’ouverture de la séance. Quoi qu’il en soit, depuis le début de la vacance au niveau de la présidence, le 25 mai 2014, c’est la première fois qu’il y a une telle activité autour du dossier présidentiel. Malgré tout, des milieux bien informés continuent à croire que l’heure de l’élection présidentielle n’a pas encore sonné. Selon ces milieux, ce qui se passe n’est qu’une tempête dans un verre d’eau et les contacts, en réalité, sont le fruit d’un malaise au sein du 14 mars et du 8 mars, rien de plus. L’élection présidentielle serait donc liée aux développements syriens et, plus particulièrement, à la bataille qui se joue dans le nord de la Syrie. Ce ne sont donc pas les protagonistes libanais qui décident de l’issue de l’impasse présidentielle, mais bien les développements en Syrie, dans lesquels le seul acteur libanais est le Hezbollah…

Joëlle Seif
 

Des réunions mais pas de décision!
Une onzième réunion du dialogue et une première réunion de la sous-Commission parlementaire, chargée de l’examen d’une nouvelle loi électorale, les rencontres se multiplient au Liban, mais aucune convocation du Conseil des ministres n’est prévue. Selon un ministre, c’est bien la preuve que toutes les négociations actuelles ne servent qu’à remplir un temps mort en donnant l’illusion d’avoir des initiatives. Les Libanais doivent donc patienter encore pour que les dossiers en suspens soient réglés. Mais au moins, les services de sécurité et les forces armées font leur travail.

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