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Nº 2979 du vendredi 12 décembre 2014

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Au bonheur de Yaya de Zahi Haddad. D’immigration et d’origine

Publié aux éditions Tamyras, Au bonheur de Yaya est le premier livre du Libano-Suisse, Zahi Haddad. L’écriture comme moyen de retrouver ses racines.
 

Pourquoi avoir voulu écrire ce livre?
Je pense que j’en avais besoin. Cela fait plus de dix ans que je pensais à ce besoin de revenir à mes origines libanaises pour comprendre d’où je venais, pour me replacer un petit peu. Mettre les choses par écrit, les poser et pouvoir les regarder. Grandir en Suisse, s’appeler Zahi Haddad… c’est compliqué. Alors je me suis dit qu’il faut aller voir le Liban. Ce qui m’intéressait vraiment était de comprendre d’où venaient mes parents, mes grands-parents, mes aïeux. Donc, je suis remonté à 1870 et, de là, j’ai déroulé l’histoire jusqu’en 2011, année durant laquelle j’ai écrit ce livre.

Vous n’aviez pas de liens avec le pays?
Jusqu’en 1977, on y passait nos vacances d’été. Puis plus rien jusqu’en 1992 où je suis revenu avec ma mère qui m’a donné les quelques clés. Deux ans plus tard, je m’y suis installé pour une durée de trois ans. C’est là que j’ai vraiment eu mon premier bain libanais.
L’empreinte libanaise qui s’est développée au fil de mes vacances scolaires s’est en quelque sorte réenclenchée durant ce séjour. Depuis, je reviens très souvent, deux à trois fois par an. Et pour garder le contact, j’organise beaucoup de manifestations culturelles à Genève, des concerts, des projections de films, des rencontres avec des auteurs… Le Liban a toujours été présent en moi, mais pas forcément de façon évidente, ce n’était pas clair. Et je suis revenu en 2011, toute une année, pour écrire ce livre.

Vous avez évoqué tout à l’heure un besoin de comprendre vos racines libanaises, est-ce que ce besoin a été assouvi à travers votre livre?
Je pense que oui. En grandissant en Suisse, on est coupé de sa propre histoire. Ce qui était important pour moi, c’était de comprendre l’histoire de ma famille, de comprendre aussi que le Liban a été ottoman, français, que mon grand-père était… sous le mandat britannique… Tout cela était complètement abstrait, et ce n’est qu’en venant ici, que je l’ai vraiment réalisé, que je l’ai incorporé. Les gens croient que le problème de l’immigration est de grandir en Suisse. Mais pour moi, le problème a été de voir si je pouvais revenir au Liban, si je pouvais y trouver ma place. Et ce qui est étonnant c’est qu’on trouve sa place très vite. En tout cas, ça l’a été pour moi. Il y a certes des différences phénoménales et effrayantes, mais on y arrive. Parce que je crois que, d’une part, le Liban est un pays facile d’accès, c’est-à-dire si j’ai envie de me lancer dans une carrière d’écrivain ou d’ouvrir un restaurant, c’est plus facile qu’ailleurs. D’autre part, je sens que quand j’arrive ici je suis à la maison, alors qu’effectivement, je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants du pays, que mon arabe est précaire. Malgré tout, c’est «home sweet home». Je ne peux pas l’expliquer, je n’ai pas encore réussi à mettre des mots dessus.

Le livre est écrit presque comme un journal, un espace personnel, intime…
C’était vraiment une démarche personnelle. J’ai démissionné, j’ai pris une année sabbatique, j’ai tout quitté et je suis venu ici pour écrire ce livre. A la base, je voulais en faire quelques photocopies et les donner à la famille. Mais il y a eu des salons du livre, des rencontres avec des écrivains, des journalistes, des gens qui aiment lire, écrire. On m’a encouragé à le développer. Puis j’ai eu la chance de rencontrer un éditeur qui y croit, qui aime l’histoire. Ce n’est pas né à la base d’une envie d’écriture, même si j’adore écrire et que je fais des piges en Suisse pour différents journaux. Et, un jour, je me suis dit que ce serait bien d’arriver à faire quelque chose de plus grand qu’un article. En fait, les parties étaient présentes, mais il fallait raccrocher les wagons, entre l’hier, l’aujourd’hui et le demain. Le livre entre dans un cadre de partage, je n’ai pas écrit pour vendre, ou quoi que ce soit d’autre. Je l’ai écrit pour moi, mais le fait que le livre se vend, qu’il y a des gens qui m’envoient des messages de plusieurs pays, montre bien qu’au-delà de l’histoire personnelle, il y a l’universalité du sujet; cette histoire d’immigration au Liban est éternelle.
 

Propos recueillis par Nayla Rached

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