Désormais, les Syriens ont besoin d’un visa d’entrée au Liban. Cette mesure, adoptée pour la première fois dans l’histoire des deux pays, vise à réguler l’afflux des réfugiés. Les résultats concrets se font déjà sentir: le nombre de Syriens se rendant au Pays du Cèdre a déjà nettement reculé.
Les Syriens ont désormais besoin d’un visa pour pouvoir entrer sur le territoire libanais. Les nouvelles règles mises en place depuis le lundi 5 janvier sont publiées dans un document sur le site Internet de la Sûreté générale libanaise. Chaque Syrien qui se présente à la frontière doit spécifier le but de sa visite et la durée de son séjour. Les visas sont répartis en six catégories et les séjours en deux, octroyés à la frontière et non à l’ambassade du Liban à Damas.
Mesures sans précédent
Ces nouvelles règles ont été adoptées après une série de décisions prises par les autorités libanaises pour tenter de contrôler l’afflux des Syriens fuyant la guerre dans leur pays. Dès le mois de septembre, vu le nombre exorbitant de réfugiés − depuis le déclenchement de la guerre en Syrie, le Liban compte, avec 1,2 million de personnes, la plus forte concentration de réfugiés au monde par tête d’habitants − et les répercussions de cet afflux sur le Liban tant sur le plan social, que sécuritaire, économique, logistique et sanitaire, le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, a annoncé que le Liban ne recevrait plus de réfugiés syriens, sauf exceptions pour des raisons humanitaires. Il a demandé également aux autorités internationales, mais aussi libano-syriennes, de faciliter leur retour dans les zones relativement calmes. Ce changement dans la politique libanaise vis-à-vis des réfugiés syriens a fait sensiblement chuter le nombre de réfugiés enregistrés auprès de l’agence onusienne entre septembre et novembre.
C’est la première fois dans l’histoire des deux pays que le Liban demande aux Syriens de préciser le motif de leur entrée et la durée de leurs séjours. Plusieurs types de visas sont octroyés: visas touristiques, médicaux, d’étudiants, de transit, pour consultation d’une ambassade étrangère ou pour les personnes qui bénéficient d’une prise en charge par un Libanais. Des séjours temporaires sont accordés aux hommes d’affaires et propriétaires d’un bien immobilier. Le visa touristique, quant à lui, exige que l’on présente une réservation d’hôtel, une pièce d’identité valide, la preuve que l’on possède 1000 dollars.
Cette initiative a été bien accueillie par l’ensemble des partis libanais, mais aussi par l’opinion publique. Le citoyen libanais arrive, en effet, à peine à s’en sortir du fait de la crise économique qu’il subit, d’une criminalité qui a augmenté de manière notoire. De plus, la plupart des réfugiés sont démunis et vivent dans des conditions très dures. C’est essentiellement sur les réseaux sociaux que les Libanais expriment leur satisfaction et c’est sur ces mêmes réseaux sociaux que les Syriens présents au Liban ou vivant toujours en Syrie font part de leur malaise à la suite de cette mesure. On peut ainsi lire sur Twitter et Facebook des commentaires irrespectueux à l’égard des autorités libanaises qui, parfois, dégénèrent en propos irrévérencieux et en menaces.
Le porte-parole du Haut-commissariat pour les réfugiés, Ron Edmond, a déclaré comprendre les raisons avancées par le gouvernement pour introduire ces règlements, mais il a déclaré qu’il était «de la responsabilité internationale du HCR de s’assurer que les réfugiés ne sont pas forcés à revenir à des situations où leur vie est en danger». Les Etats-Unis se sont dits «inquiets» de ces mesures et ont demandé aux autorités libanaises de collaborer avec les Nations unies. Reste à savoir ce que sera le sort des ressortissants syriens déjà installés au Liban et dont le nombre est estimé à plus d’un million. Le ministère des Réfugiés n’a pas encore de réponses claires sur ce sujet.
Danièle Gerges
Les règles du passé
Libanais et Syriens ont toujours voyagé librement à travers la frontière depuis l’indépendance de leurs pays dans les années 1940. Les ressortissants des deux pays devaient produire uniquement une pièce d’identité sans aucun autre document.