Andy Warhol, ambassadeur emblématique du pop art, le premier à avoir concilié art et marketing, fait l’objet d’une exposition inédite au Musée des beaux-arts de Montréal-MBAM. Jusqu’au 15 mars prochain, on peut admirer les affiches publicitaires et les illustrations pour magazine du fameux illustrateur super médiatisé des années 60.
On se souviendra des images de Marilyn Monroe en plusieurs couleurs, de ses publicités de Levi’s, des couvertures dessinées de magazines représentant les Beatles, Elvis Presley, Michael Jackson… Ses affiches, véritables portraits de société et d’une époque (les années 60-70), fascinent encore aujourd’hui. A l’instar de celles de Toulouse-Lautrec et Chéret (celles archi-connues de Paris, du Moulin-Rouge…), cette icône du pop art a saisi, dans toutes leurs subtilités, les qualités esthétiques des objets les plus courants. Ses sérigraphies de célébrités ont fait le tour du monde, tout comme ses reproductions des produits de consommation.
«L’art des affaires est bien plus intéressant que l’art de l’art». Andy Warhol avait tout compris de la société de consommation au service de laquelle il a mis ses talents. Né en 1928, diplômé en beaux-arts, spécialisé en conception picturale du Carnegie Institute of Technology de Pittsburg, Warhol est vite devenu l’adulé des directeurs artistiques. Il a travaillé pour Glamour, Harper’s Bazaar, Vogue, Time, Vanity Fair, Playboy, Forbes et même Le Nouvel Observateur et Libération…
Plus tard, dans sa boîte, La Factory, l’auteur, designer et illustrateur américain côtoie toutes les personnalités qu’il dessine et avec qui il s’entretient dans sa revue Interview. Les annonceurs misaient sur sa notoriété pour lancer divers produits: produits de consommation, stars de la musique et événements culturels.
Concilier l’art et le marketing
Warhol a aboli les frontières entre le graphisme et les beaux-arts. D’où sa notoriété. La sérialisation qu’il a adoptée par exemple va à l’encontre de l’art classique où l’unicité, la rareté et l’édition limitée d’une œuvre lui confèrent sa valeur élevée. Cette technique, faite d’images comportant de légères variations de poses de modèles ou de couleurs, représentait pour lui la répétition quotidienne de nos actions et de nos pensées, dans le contexte changeant du quotidien. Ses affiches, puisées dans l’imaginaire populaire, bien qu’identiques, étaient destinées à des lieux différents, ce qui a fait leur énorme succès. Succès obtenu aussi grâce au fort impact visuel que transmettent leurs messages et que l’artiste obtient en utilisant un nombre limité de couleurs saturées. Ses préférences allant aux tonalités de mauve, rouge et violet, ainsi que l’orange et le jaune (choisies instinctivement, alors que des études en psychologie ont prouvé, plusieurs années plus tard, que ce sont celles qu’on retient le plus aisément). A sa grande versatilité, à son pouvoir d’adaptation, à la multiplicité de ses techniques et de ses versions, se sont ajoutés un lettrage original, minimaliste (pour laisser la place à l’image), un talent inné pour la suggestion au détriment de la représentation, un style dépouillé et le judicieux usage de la photographie associée à la calligraphie… Andy Warhol saura en somme déceler les caractéristiques visuelles qui susciteront la convoitise des consommateurs et deviendront objets de désir dans les magazines. Concilier l’art et le marketing était sa plus grande force.
Un grand créateur
Lancé par la série de boîtes de soupe Campbell’s en 1960, il est aussi à l’origine de l’une des plus célèbres campagnes publicitaires de la fin du XXe siècle, celle de la vodka Absolut qui perdure depuis 1985 et se décline en 350 versions différentes. En 39 ans, il aura créé des emballages de parfums, des couvertures de livres (45), des pochettes de disques (65), des peintures, des estampes et des affiches (52). Ses œuvres (jusqu’à sa mort en 1987) seront publiées dans plus de 400 numéros de divers magazines, 1 000 illustrations dont une cinquantaine en page couverture. Mais, malgré leur importance, peu de ces illustrations parviendront jusqu’à nous. Plus de 90% ne seront jamais rendues à l’artiste, elles étaient détruites. Puisque le produit fini, le magazine était considéré comme l’original, le dessin ne représentant plus qu’une simple étape de création.
Montréal, de Gisèle Kayata Eid