Magazine Le Mensuel

Nº 2942 du vendredi 28 mars 2014

Presse étrangère

Le Liban, pays éponge

Unanimement, les analystes s’inquiètent grandement de la porosité du territoire libanais et de ses frontières, selon eux, sources des problèmes auxquels le pays fait face en ce moment.

Al-Quds el-Arabi
L’Armée aliène les sunnites
C’est la thèse que développe le journal panarabe al-Quds al-Arabi édité à Londres, et, avec lui, une grande partie des médias du Golfe.
A Tripoli, Nasser Maamari, un étudiant de 26 ans qui travaille dans un hôpital accueillant des réfugiés syriens, et ses amis, parlent de l’arrestation d’un habitant de Beddaoui, soupçonné d’activités terroristes. «Il y a un sentiment d’injustice. L’armée arrête tous ceux qui portent la barbe. Ils agissent comme en 1975, c’est comme ça que la guerre civile a éclaté», dit Maamari. «Les musulmans ne croient pas que les soldats sont leurs ennemis. Ils sont nos frères et ils sont musulmans. Mais nous comprenons la colère. 40% de la population croit que l’armée est contre eux».
La colère monte dans la communauté sunnite du Liban face à ce qu’elle considère comme la collusion entre l’Armée libanaise et le Hezbollah. L’Armée libanaise a du pain sur la planche. Déjà en manque d’hommes, sous-équipée, sous-financée et éclipsée par le Hezbollah, l’armée doit ajouter à la défense de la frontière israélo-libanaise la mission de sécuriser la frontière syro-libanaise et l’ensemble du territoire. «Après la formation du nouveau gouvernement, nous avons commencé à entendre parler de l’arrestation de nombreuses personnes, y compris les cheikhs, accusées de terrorisme. «Cela rend les gens très en colère, d’autant que le Hezbollah est toujours en Syrie», dit Maamari. «Arrêtez le Hezbollah avant d’arrêter les terroristes».

The Times of Israël
Le Hezbollah, voisin d’Israël… au Golan

Le site Internet The Times of Israël analyse les derniers événements à la frontière entre le Liban et Israël.
Les récents développements qui ont agité les hauteurs du Golan constituent un chapitre important dans les livres d’histoire sur le nouveau visage du Moyen-Orient. La remise en cause du calme relatif observé entre Israël et la Syrie ces quarante dernières années, n’est pas le seul élément en question. C’est surtout l’évolution du tissu complexe des relations entre le Hezbollah et Damas, qui est notable.
Si, par le passé, la Syrie percevait le Liban comme son terrain de jeu favori, c’est au tour du Hezbollah de traiter avec frivolité son voisin. Par ailleurs, si Damas a utilisé le Hezbollah au cours des dix dernières années pour faire couler le sang israélien, c’est désormais la milice chiite qui tire profit de Bachar el-Assad pour enflammer le plateau du Golan. La dépendance de la Syrie au Hezbollah oblige Damas à payer au parti de Hassan Nasrallah le prix coûtant. Si la milice décide alors de stationner ses troupes en Syrie, elle pourrait chercher à prendre sa revanche contre Israël, comme elle tente de le faire aujourd’hui. Assad pourrait également décider d’infliger à l’Etat hébreu une punition pour ses frappes visant des cibles syriennes ou à l’encontre du Hezbollah. Pourtant, des représailles israéliennes contre des positions militaires syriennes, dans le Golan, sont bien plus graves pour le régime de Damas que pour le Hezbollah.

The Independent
Robert Fisk en Syrie

Le correspondant du quotidien britannique The Independent, Robert Fisk, a passé quelques jours en Syrie. Il y a rencontré un jeune général de l’armée régulière. Carnet de voyage, Tamer, le garde du corps géant du général Youssef Soueidan, en tenue de camouflage, kalachnikov dans ses bras, scrute les ruelles avoisinantes et les toits. Dans la vie civile, Tamer est berger à Deir ezzor. Aujourd’hui, il surveille un autre troupeau. Le général ne se débine pas. «Qui sait si les terroristes n’ont pas laissé quelques personnes derrière eux avant de partir? Il pourrait y avoir des espions. Si nous continuons sur cette route, vous pourriez être pris en otage. Ici, votre vie dépend d’un simple coup de téléphone. Qui sait ce qu’il y a dans le cœur des gens?».
Sage conseil. Le général de 45 ans a une tâche difficile. En tant que commandant de troupe à Daraya, il est, comme d’autres généraux syriens près de Damas, en train de reprendre langue avec les habitants qui avaient pris le parti des rebelles, au moyen de «comités de réconciliation» composés de médecins, de commerçants et de cheikhs religieux, qui ont vécu sous la coupe de Jabhat al-Nosra et d’autres groupes islamistes. «Les combattants syriens qui déposent leurs armes verront leur casier judiciaire purgé», me dit-il. «Les étrangers qui sont ici doivent s’en aller, sinon, ils seront enterrés en Syrie».

The National
Au Liban, une certaine idée de l’économie

Le quotidien émirati The National s’intéresse aux mœurs financières de l’Etat.
Le ministre libanais des Finances, Ali Hassan Khalil, a décidé que sa priorité était de trouver les moyens de payer les employés du secteur public, dont des milliers ne font littéralement rien – des enseignants sans élèves, des cheminots sans train et des ouvriers du pétrole sans pétrole. Il va probablement le faire en augmentant les taux d’intérêt et les impôts sur les bénéfices des transactions immobilières. Tout cela est très brut et, en aucun cas, ne peut relancer l’économie du pays.
Nous avons attendu un an pour cela. La situation a empiré. Malgré un sureffectif chronique, l’Etat sent toujours le besoin d’embaucher plus de fonctionnaires (qui seront sans aucun doute recrutés par quota sectaire, histoire d’assurer la continuité d’une grande tradition de clientélisme politique) et devra, du coup, trouver des moyens de recueillir des fonds nécessaires pour payer leurs salaires. La seule concession faite au secteur privé était une promesse de stimuler le tourisme. Comprendre, comme l’explique son nouveau ministre Michel Pharaon, stimuler le tourisme médical et accueillir de plus en plus d’Arabes, riches et malades, dans les hôpitaux libanais.

Gulf News
L’environnement hostile des banques

Dans ses pages économiques, le quotidien anglophone de Dubaï, Gulf News, s’inquiète de l’impact des incertitudes politiques sur la bonne santé des banques libanaises.
L’exposition élevée et croissante des banques libanaises à la dette souveraine du pays et la solidité incertaine des bons du Trésor pourraient tarir les sources de crédit, disent les analystes et les agences de notation. «Les perspectives du système bancaire libanais restent négatives, ce qui laisse aux banques de modestes réserves de fonds propres des institutions bancaires susceptibles de couvrir les risques liés à la faiblesse de la croissance économique, aux besoins élevés de provisionnement et à l’absence d’une économie nouvelle génération», explique Alexis Philippides, analyste pour l’agence Moody’s.
La capacité des autorités libanaises à soutenir les banques est sous pression en raison de l’affaiblissement de la situation financière du gouvernement, qui souffre notamment du manque de rentrées fiscales. Moody’s s’attend à ce que l’environnement économique du pays reste difficile pour les banques libanaises. Le PIB réel devrait croître de 2% en 2014, bien en dessous des 8% de la période 2007-2010. L’incertitude politique, liée au conflit en Syrie qui pèse aussi bien sur le tourisme et l’immobilier, se traduira également par une réduction des investissements privés et l’incapacité du gouvernement à adopter des réformes structurelles.

Julien Abi Ramia

Top Thèmes
Avec Yabroud, Tripoli et le Golan en tête de gondole cette semaine, les dépêches d’agence faisant état des violences qui ont émaillé la frontière sud avec Israël, la frontière est avec la Syrie et la frontière nord près de Tripoli trustent incontestablement le podium des dossiers libanais les plus massivement traités par la presse étrangère.

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