Magazine Le Mensuel

Nº 2948 du vendredi 9 mai 2014

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Sommes-nous prêts? Le coronavirus aux portes du Liban

En l’absence de vaccins contre le coronavirus, la population libanaise s’inquiète de plus en plus quant à la propagation de ce virus mortel au Liban. Des dizaines de personnes dans différents pays, notamment en Arabie saoudite, en sont déjà mortes, d’autres, atteintes, en souffrent énormément. Que fait le gouvernement libanais pour lutter contre ce virus à la veille de la saison estivale, qui voit le retour au pays de dizaines de milliers d’expatriés du Golfe et de touristes arabes? Quelles sont les mesures et les précautions prises et à prendre? Magazine enquête.

L’été est aux portes. Le virus s’emporte. L’exportation du coronavirus depuis l’Arabie saoudite au Liban n’a rien d’impossible. Compte tenu de l’arrivée de la saison estivale, des déplacements fréquents des Libanais de et vers l’Arabie et d’autres pays arabes, de la venue des touristes au Liban, le risque de propagation du coronavirus dans notre pays est une menace sérieuse. Mercredi, des rumeurs ont circulé sur la détection d’un premier cas à l’Hôtel-Dieu. Mais la direction de l’hôpital a rapidement démenti l’information.
 

L’OMS réagit
Depuis son identification en Arabie saoudite et au Qatar en septembre 2012 chez des patients présentant des pneumonies sévères, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’European Center for Disease Prevention and Control (ECDC) «ont mis en place une surveillance active en vue de détecter les cas possibles et d’approfondir leur connaissance du virus». 138 cas ont été identifiés entre le 11 et le 26 avril 2014 en Arabie saoudite seulement. L’OMS invite aujourd’hui les Etats à surveiller les infections respiratoires aiguës sévères (Iras) et «à examiner avec soin toute présentation inhabituelle». Prendre les mesures nécessaires à la prévention et à la lutte contre ce virus est indispensable pour empêcher la propagation des infections, surtout dans les centres de soins et dans les hôpitaux. Cela est primordial dans la mesure où le Liban pourrait commencer à «accueillir» les premiers cas de patients atteints du coronavirus. En termes pratiques, les établissements soignant des patients chez lesquels une infection à MERS-CoV est suspectée ou confirmée devront prendre des mesures appropriées pour réduire le risque de transmission du virus à d’autres patients, au personnel médical ou aux visiteurs. Les soignants devraient pour cela bénéficier d’une éducation et d’une formation à la prévention et à la lutte contre les infections.

 

Des mesures préventives
Le Dr Walid Ammar, directeur général au ministère de la Santé, explique à Magazine que le ministère a commencé, il y a plus d’un an, à renforcer son système de surveillance épidémiologique, précisant que des vaccins contre la méningite sont en train de se faire gratuitement pour les pèlerins.
Le risque est présent, certes. D’où la nécessité d’établir des diagnostics. «Au Liban, nous avons le matériel et l’équipement nécessaires à la détection du virus», ajoute le Dr Ammar. Le Dr Atika Berry, chef de département des maladies transmissibles au ministère de la Santé, précise que celui-ci a effectivement mis en place un système de surveillance depuis plusieurs années (avec l’apparition du Sars) au sein de l’ICU (Intensive Care Unit – centre de soins intensifs): «Il est impérativement nécessaire que tous les hôpitaux nous signalent les cas de patients qui présentent des symptômes fulminants, surtout si le patient rentre d’un voyage».
Le Dr Gebraël Saliba, infectiologue à l’Hôtel-Dieu de France et ancien chef de clinique des hôpitaux de Paris, déclare que les personnes atteintes de coronavirus doivent être placées dans des chambres d’isolement à pression négative (dans les hôpitaux). Ces chambres d’isolement sont créées en pression négative pour protéger essentiellement le personnel contre les patients contagieux, en établissant des barrières à la transmission des micro-organismes. Ce qui fait la différence avec une chambre à pression positive, c’est que dans la chambre à pression négative, le flux d’air se fait depuis l’extérieur de la chambre vers l’intérieur. L’air de la chambre du patient est aussi filtré. La plupart des hôpitaux du Liban disposent de telles chambres d’isolement. Quant au personnel, celui-ci va devoir porter des lunettes spéciales, un masque N95, une blouse et des gants.
Le masque N95 est un appareil de protection respiratoire à filtres à particules. Sa fonction est de bloquer le passage des contaminants de l’air sous forme de particules et de filtrer ainsi l’air avant qu’il ne soit inspiré. Lorsque correctement ajusté au visage, il offre une protection au personnel contre les risques d’inhalation d’agents infectieux.
«Nous ne pouvons pas créer un effet de panique à l’aéroport puisqu’en trois ans, et sur 12 millions de personnes en Arabie saoudite, «seules» 370 sont mortes de ce virus», indique le Dr Berry. Nous ne pouvons donc pas vraiment parler d’ampleur de propagation du coronavirus. La polémique autour de cette épidémie aurait tellement enflé, selon le Dr Berry, parce que d’une part, le virus a commencé en Arabie (région du Moyen-Orient proche du Liban), et d’autre part, parce que les pèlerins se préparent au Hajj et à la Omra. A noter que les personnes qui ont été en contact avec des patients atteints de coronavirus en Arabie saoudite et qui sont rentrées dans leur pays d’origine n’ont pas vraiment assuré la continuité de la transmission du virus.
«Nous ne pouvons donc pas arrêter les personnes et les pèlerins à l’aéroport et les faire attendre pendant des heures en l’absence d’indication concrète», poursuit le chef de département des maladies transmissibles.
Il a été proposé au ministère de la Santé aussi de faire activer les caméras thermiques que ce dernier avait utilisées lors de la grippe aviaire. Avec ces caméras, la thermographie infrarouge peut contribuer à la détection d’une température corporelle élevée, qui peut indiquer un état fiévreux. Son utilisation comme outil complémentaire de diagnostic, pour aider à détecter les personnes fiévreuses, peut limiter la contagion des maladies virales. Or, d’après le Dr Berry, ces caméras ne servent pas réellement à grand-chose puisqu’il peut y avoir des personnes venant des régions de pèlerinage et présentant de simples symptômes grippaux.

 

Pas de traitement
Le coronavirus est un virus. Ce n’est ni une bactérie, ni un parasite. «Il faut donc faire attention de ne pas donner d’antibiotiques. Pour beaucoup de gens, la notion de virus reste encore floue», avertit le Dr Berry. Le coronavirus se manifeste par des difficultés respiratoires aiguës, de la fièvre, de la toux, une dyspnée… «C’est une maladie grave, mais le risque de propagation du virus est minime parce qu’il n’y a pas de preuves de transmission d’homme à homme», dit-elle.
Le Dr Gebraël Saliba explique que la transmission du coronavirus se fait dans l’air à condition qu’il y ait proximité entre le malade et la personne non atteinte. Le virus aurait pu être transmis aussi de l’animal (dromadaire, chauve-souris – les origines sont incertaines) à l’homme par un phénomène de mutation (modification de l’information génétique dans le génome − ensemble du matériel génétique − du virus). Lorsque cette mutation est importante, un nouveau virus est créé, et le système immunitaire de l’homme réagit parfois de manière à provoquer sa mort.
Il n’existe pas de traitement pour le coronavirus. Il s’agit plutôt d’un traitement symptomatique. «Nous nous inquiétons pour les personnes qui sont déjà atteintes de maladies chroniques (comme le cancer, les immunodéprimés, les diabétiques, etc.) qui attrapent le coronavirus, beaucoup plus que celles qui sont en bonne santé», affirme le Dr Berry, formulant l’hypothèse selon laquelle l’Arabie saoudite cherche à interdire l’octroi des visas aux personnes de plus de 60 ans et aux enfants.

Précautions à prendre
Le ministère de la Santé recommande fortement une lecture minutieuse des brochures distribuées aux voyageurs, mais surtout aux pèlerins visitant les lieux saints en Arabie saoudite. Ces derniers doivent aussi se conformer à l’itinéraire de leur pèlerinage et éviter de se rendre dans les hôpitaux (pour rendre visite aux malades par exemple) puisqu’il a été démontré que la contagiosité s’est faite en pourcentage élevé dans les hôpitaux. Il est conseillé de même que les pèlerins se munissent de masques chirurgicaux.
Selon l’OMS, les précautions sanitaires générales à prendre par les voyageurs, pouvant diminuer ainsi le risque d’infection en général, et notamment le risque de contracter une grippe ou une diarrhée du voyageur, sont les suivantes:
Le lavage fréquent des mains à l’eau et au savon. Lorsque les mains ne sont pas visiblement sales, il est possible d’utiliser une solution hydroalcoolique.
Le respect des bonnes pratiques de sécurité sanitaire des aliments, en évitant notamment de consommer de la viande insuffisamment cuite ou des aliments préparés dans des conditions non hygiéniques, ainsi que le lavage approprié des fruits et des légumes avant leur consommation.
Le maintien d’une bonne hygiène personnelle.
Eviter tout contact non indispensable avec des animaux de ferme, domestiques ou sauvages.

Flashs infos
L’an dernier, les cas de coronavirus étaient seulement limités à Riyad, région éloignée de La Mecque. Aujourd’hui, il est dit que le coronavirus s’est répandu jusqu’à atteindre la ville de Jeddah, proche de La Mecque. «Le problème réside dans le fait que l’Arabie saoudite reste plus ou moins silencieuse à ce propos, ne déclarant pas tout ce qui se passe, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives», lance 
le Dr Berry.
En application du Règlement sanitaire international (RSI), «les pays devront s’assurer que des mesures de routine sont en place pour évaluer les voyageurs malades repérés à bord des moyens de transport (avions et bateaux) et aux points d’entrée, tout comme des mesures pour transférer sans risque les voyageurs symptomatiques vers des hôpitaux ou des établissements désignés en vue de les évaluer cliniquement et de les traiter.
Si un voyageur malade est présent à bord d’un avion, on pourra recourir au formulaire de localisation de passager. Ce formulaire est utile pour recueillir des informations sur les contacts des passagers, lesquelles seront utilisées pour le suivi si nécessaire».
Des anticorps humains efficaces contre le coronavirus ont été identifiés par des chercheurs américains, ouvrant ainsi la voie «à des traitements potentiels contre cette maladie infectieuse souvent mortelle. Les anticorps sont des protéines produites par le système immunitaire capables de reconnaître des virus et des bactéries étrangers à l’organisme. Certains sont capables de neutraliser des agents pathogènes spécifiques et d’empêcher qu’ils infectent les cellules humaines. Ces chercheurs ont trouvé sept anticorps capables de bloquer le MERS-CoV. Ils en ont sélectionné un comme étant le plus prometteur pour des recherches supplémentaires et qui a été produit en quantité suffisante pour commencer à être testé chez des primates et des souris».
Ce n’est que lorsque les premiers cas de coronavirus ont atteint l’Europe et les Etats-Unis que ces deux continents se sont mobilisés pour effectuer des enquêtes au sujet de cette maladie.

Natasha Metni

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