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Nº 2892 du vendredi 12 avril 2013

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Le Parlement suspend les délais jusqu’au 19 mai. Les élections ne tiennent plus qu’à un fil

En l’absence du PSP, mais avec ceux du Courant du futur, le Parlement a adopté en séance plénière la suspension des délais relatifs à la loi de 1960 jusqu’au 19 mai, le temps pour les forces politiques de s’entendre sur une nouvelle loi électorale, au cours d’une séance prévue au milieu du mois prochain. Récit d’une très longue semaine.

Le 3 avril, les leaders chrétiens, réunis à Bkerké sous l’égide du patriarche Raï, se sont entendus sur trois points. En convenant de ne présenter aucun candidat aux prochaines législatives si elles sont organisées sur la base de la loi électorale de 1960 – position transmise au ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel – les leaders se sont engagés à suspendre leur soutien indéfectible à la proposition orthodoxe pendant un mois, ouvrant ainsi la possibilité à un accord sur une autre loi. Une façon aussi d’augmenter la marge de manœuvre de Nabih Berry.
Mais samedi dernier, la situation s’inverse. Le président Michel Sleiman signe le décret visant à repousser du 9 au 16 juin la date des élections législatives. En vertu de ce projet de décret, soumis la veille par le ministre de l’Intérieur démissionnaire Marwan Charbel, le délai limite du dépôt des candidatures aux élections, sur base de la loi électorale de 1960 en vigueur, est repoussé du 10 au 17 avril. Soumis aux impératifs constitutionnels, le chef de l’Etat persiste sur la voie de la loi 1960. Ce débat n’a pas pris fin mercredi.

Berry joue son atout-maître
Le président du Parlement a enfin convoqué à la séance plénière. Lorsqu’il était question d’adopter la proposition orthodoxe, il avait dit non. Les sunnites et les druzes y étaient fermement opposés. Mais en ce début de semaine, Nabih Berry a franchi le pas et c’est la loi de 1960 qui lui aura permis de jouer cette carte qui le démangeait. C’est, à la dernière réunion à Aïn-el-Tiné des représentants du Hezbollah et de ses alliés, que le leader du mouvement Amal a esquissé son idée: convoquer à une séance plénière avec un seul point à l’ordre du jour, l’adoption d’une loi qui suspend tous les délais afférents à la loi en vigueur: dépôt et retrait de candidature puis date du scrutin. Une solution évidemment plébiscitée par le Hezbollah et ses alliés.
Les opposants à la loi de 1960 ont abandonné l’idée d’une loi d’annulation, car si aucune autre alternative n’était adoptée, on reviendrait à la loi promulguée avant 2009, c’est-à-dire celle de 2000 dite de «Ghazi Kanaan». Le président du Parlement pense alors que les Forces libanaises et les Kataëb prendraient part à cette séance et avec eux, leur allié le Courant du futur. Mais lundi, l’affaire se complique.
Le bureau du Parlement, présidé par Berry et formé des députés Farid Makari, Marwan Hamadé, Ahmad Fatfat, Serge Toursarkissian, Michel Moussa et du secrétaire général Adnan Daher, reporte sa réunion au lendemain. Point légal: il est impossible sur le plan constitutionnel de modifier les dates prévues par la loi en vigueur. Les législateurs ne peuvent agir que sur les délais annexes. Au cours de la réunion, à Berry qui a exposé son idée de suspension des délais, se sont opposés les députés Fatfat et Hamadé favorables à une prorogation de ces mêmes délais.

Joumblatt persiste, le Futur concède
Lundi, le leader du PSP prévient, «non aux manœuvres contre la loi de 1960 en vigueur avant l’élection d’un nouveau Parlement». Ces «manœuvres» ont non seulement eu lieu mais elles ont été acceptées par l’ensemble des parties.
Comme l’a expliqué Farid Makari, «chaque option a ses avantages, ses inconvénients et ses implications». Légales et politiques, serait-on tenté d’ajouter. La suspension des délais signifie la suspension de facto de la loi de 1960, laissant le temps à l’ensemble des forces politiques de se mettre d’accord sur une nouvelle loi électorale. Mais le Courant du futur craint que le Hezbollah et ses alliés se servent de cette suspension pour faire traîner les négociations et empêcher la tenue d’élections, conduisant le pays à un vide institutionnel. La prorogation des délais donnerait le temps de rédiger une nouvelle loi tout en gardant la loi de 1960 comme recours constitutionnel. Mais les opposants à la loi en vigueur craignent, eux aussi, que le Courant du futur et le PSP ne profitent de cette prorogation pour faire traîner les négociations et contraindre la tenue des élections sous le régime de la loi de 1960.
A l’issue de la deuxième réunion du bureau du Parlement, Berry a compris qu’une réunion élargie était nécessaire. En présence du Premier ministre sortant, Najib Mikati, et du ministre Marwan Charbel, étaient notamment réunis Mohammad Raad, Mohammad Fneich, Hassan Fadlallah et Ali Fayyad pour le Hezbollah, Alain Aoun, Ibrahim Kanaan et Simon Abi Ramia pour le CPL, Ali Hassan Khalil et Ali Bazzi pour Amal, Farid Makari, Serge Toursarkissian et Ahmad Fatfat pour le Futur, Sami Gemayel pour les Kataëb, Georges Adwan pour les FL et Akram Chéhayeb pour le PSP. Ils se sont donné 24 heures de plus pour décider. Après avoir présenté des signes contradictoires, le PSP et le Courant du futur n’ont arrêté leurs décisions qu’à quelques minutes du début de la séance.

Quelle loi mixte?
Mercredi, Nabih Berry arrive au Parlement aux environs de 11 heures. Il aura reçu ou contacté auparavant les députés Sami Gemayel, Georges Adwan, Marwan Hamadé, Ibrahim Kanaan, Ali Fayyad et le ministre du PSP Waël Abou Faour. A la suite de ces contacts, le CPL et ses alliés puis le Courant du futur et les alliés chrétiens se sont mis d’accord sur deux points: la suspension des candidatures jusqu’au 19 mai ce qui, de facto, réduit à trois semaines le délai de leur dépôt et à deux semaines, celui de leur retrait. Et la tenue d’une séance plénière autour du 15 mai prochain qui sera consacrée à l’adoption d’une nouvelle loi électorale.
A l’ouverture de la séance, Nabih Berry a été on ne peut plus clair: «Nous avons un mois pour nous entendre sur une nouvelle loi avant le 15 mai même si nous devons dormir au Parlement».
Est virtuellement actée l’obligation d’adopter une nouvelle loi électorale qui satisfasse tout le monde. Dimanche dernier, quelques heures avant son départ pour la France, le chef de l’Eglise maronite recevait l’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, accompagné du député FL Georges Adwan et du conseiller de Saad Hariri, Mohammad Chatah. Il était question de la loi électorale mixte, sur laquelle le Courant du futur et le PSP travaillent depuis plusieurs semaines.
En suspendant leur soutien à la proposition orthodoxe, les partis chrétiens donnent une chance à la loi mixte. Ils restent toutefois attentifs car rien n’est fait. Il y a aujourd’hui quatre propositions de loi mixte sur la table: celle de Fouad Boutros dont pourrait se servir le président Sleiman, la proposition élaborée par le Futur et le PSP, celle des Forces libanaises et celle déposée par le député Ali Bazzi, au nom du président de la Chambre.

Julien Abi Ramia
 

Le non de Joumblatt
Par la voix du ministre Waël Abou Faour, le Bloc parlementaire du Front de lutte nationale a expliqué les raisons qui l’ont conduit à ne pas participer à la séance de mercredi. «Nous nous opposons à l’idée d’une suspension et au processus avenant, car nous craignons qu’il s’agisse, sous des plis constitutionnels, légaux et politiques, de supprimer la loi électorale en vigueur sans qu’une alternative n’ait été adoptée. Nous craignons également que le pays soit conduit soit vers le vide constitutionnel, soit vers des lois auxquelles nous nous sommes déjà opposés, comme la loi orthodoxe ou autre».

 

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