Le 2 mai 1974, l’affaire Grégoire Haddad, métropolite grec-catholique de Beyrouth, provoque un choc dans l’Eglise melkite. Des articles parus sous sa signature suscitent un large émoi. Ils étaient en effet inhabituels.
Les articles portant sur la vie ecclésiastique avaient paru dans la revue Afaq sous la signature de Mgr Grégoire Haddad. Ils développaient sa vision de la vie chrétienne. Le dernier, paru sous le titre Libérer le Christ, provoque de sérieuses réactions et de vives critiques. Le saint-synode grec-catholique décide alors de réagir. Il se réunit sous la présidence du patriarche de l’époque, Mgr Maximos V Hakim, et se penche sur la question. La revue en cause est jugée non ecclésiastique. Le synode écoute les arguments de Mgr Haddad qui, ayant assuré sa foi et ses croyances chrétiennes, annonce sa disposition à corriger tout ce qui pouvait être erroné dans ses écritures. Il affirme ne jamais avoir voulu être une cause de division au sein de l’Eglise melkite. Une commission théologique, formée de quatre membres, est chargée d’étudier les articles et de se prononcer sur leur teneur et sur leur conformité avec la doctrine de l’Eglise.
Trois mois plus tard, la commission rend son verdict. Trois de ses quatre membres n’avaient rien trouvé de contradictoire avec la doctrine ecclésiastique. Pourtant, le 23 août 1974, le dossier est transmis au Vatican. Mgr Haddad est alors sommé de démissionner sous peine de destitution. Il refuse. Le synode grec-catholique, réuni à Aïn-Trez, renvoie le dossier au Saint-Siège, afin qu’une décision soit prise.
Le 16 septembre, Mgr Haddad reçoit une lettre signée par le patriarche Maximos V Hakim, par l’intermédiaire du nonce apostolique, dans laquelle il le suspend de ses fonctions pour une période de deux mois susceptible d’être prorogée. Entre-temps, le vicaire épiscopal est chargé des affaires de l’archevêché de Beyrouth. Une manifestation de fidèles apporte son soutien à Mgr Haddad, mais ce dernier, tout en exprimant ses remerciements à la foule assemblée dans la cour de l’archevêché, déclare se soumettre à la décision du patriarche Hakim.
Congé volontaire
Trois mois plus tard, en décembre 1974, le patriarcat melkite publie un communiqué dans lequel il explique que Mgr Haddad a accepté un congé volontaire de deux mois. C’était la meilleure solution pour clore cette affaire. Ce communiqué souligne que cette période de deux mois lui permettra de mettre au point une déclaration de foi qui sera soumise au synode. Mgr Haddad profitera également de ce congé pour assurer son autorité et trouver le moyen de mettre un terme à cette affaire qui a défrayé la chronique.
Pour les sympathisants de Mgr Haddad, c’est surtout la façon de vivre de ce dernier qui lui aurait valu des critiques. Il vivait simplement et modestement, et plusieurs évêques de l’Eglise melkite critiquaient sa façon d’agir avec les fidèles, notamment depuis la création d’un Mouvement social qui a groupé des centaines de volontaires et qui prenait beaucoup d’envergure.
Le synode grec-catholique, réuni à Damas en janvier 1975, révise la question. Mais le 20 août 1975, il prend, à partir de Aïn-Trez, la décision finale de démettre Mgr Haddad de ses fonctions en tant qu’évêque de Beyrouth. Il est remplacé par Mgr Habib Bacha. Les fidèles envahissent l’enceinte de l’archevêché et manifestent leur colère, mais Mgr Haddad déclare se soumettre à la décision du saint-synode. L’affaire est classée.
Arlette Kassas
N.B: Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban: le mandat Sleiman Frangié, de Joseph Chami.
Bio en bref
Mgr Grégoire Haddad est né en 1924. En 1956, il devient assistant de Mgr Nabaa, avant de devenir vicaire patriarcal en 1967 et métropolite de Beyrouth en 1968. Docteur en théologie, Mgr Haddad avait une vision particulière de la façon de vivre au sein de l’Eglise. Il a créé le Mouvement social qui s’occupe d’une large frange de la population, ce qui lui vaut bien des critiques et le surnom d’évêque communiste.