Magazine Le Mensuel

Nº 2911 du vendredi 23 août 2013

Presse étrangère

Le spectre de l’affrontement

Cette semaine, la presse internationale s’inquiète grandement de la situation au Liban, où se met en place une véritable guerre d’usure entre deux camps extrêmement déterminés.

Le Temps
Le quotidien suisse Le Temps propose un reportage à Baalbeck, où le Hezbollah est roi.
Nabil vient tout juste de l’apprendre: un de ses copains de longue date, Ahmad, a longtemps été un combattant du Hezbollah. Du jour au lendemain, son portrait est apparu sur des murs de la ville, barbe impeccable, fusil à la main, visage entouré de fleurs multicolores et de slogans guerriers. Impossible d’aller le féliciter: Ahmad est devenu un «martyr» de plus pour la petite ville libanaise de Baalbeck, dans l’est du Liban. Il vient de laisser sa vie en Syrie où le Parti de Dieu l’avait envoyé prêter main-forte à l’armée de Bachar el-Assad.
«Depuis plusieurs années, il ne faisait pas mystère de son rapprochement avec le Hezbollah, on ne se fréquentait plus vraiment, commente son ancien ami. Mais quand on se croisait, il ne faisait jamais allusion à son statut de combattant. Ça a été un choc de le voir tout d’un coup célébré en héros dans la rue». Le jeune homme siffle, admiratif: «Nous savions que le Parti de Dieu était secret, mais là, ces gars prouvent à quel point ils sont vraiment brillants».

The New York Times
The New York Times interroge le mythe sécuritaire du Hezbollah.
Le Hezbollah est-il noyauté? A-t-il perdu de sa capacité à protéger son périmètre ou son étendue géographique, qualifiée à plusieurs reprises d’infranchissable? Replacés dans une perspective historique, les deux derniers attentats marquent en tout cas un réel tournant dans l’historique sécuritaire du parti. Depuis sa création en 1982, le Hezbollah n’avait jamais été atteint de si près. L’Etat hébreu – malgré un réseau d’agents et une puissance de feu des plus redoutables dans la région – n’avait pas réussi à percer le cercle réduit du parti. La popularité du Hezbollah avait pourtant battu des records au lendemain de la guerre de juillet 2006, dans une région qui compte plus de 300 millions d’habitants, certains allant jusqu’à établir un parallèle entre le charismatique chef du parti et l’ancien leader panarabe Gamal Abdel Nasser.
La question est de savoir si le Hezbollah va infléchir sa politique et réviser le niveau de son engagement en Syrie ou s’il va, au contraire, adopter une attitude jusqu’au-boutiste, au risque de s’exposer à de nouvelles agressions. Les partisans du leader Hassan Nasrallah vont-ils continuer à cautionner la politique du parti ou des voix internes vont-elles commencer à s’élever pour réclamer un certain ajustement? Pour l’instant, rien n’est moins sûr.
Mais, en passant d’une «armée» nationale arabe à une milice cherchant exclusivement à préserver le cordon chiite qui relie l’Iran au Liban – réduisant considérablement son rôle et son envergure politique à l’échelle régionale, après avoir été longtemps le principal outil de bataille contre Israël – le Hezbollah a sans doute perdu de son standing.

 

El Watan
Le quotidien algérien el Watan titre sans fioriture, Le Liban dans la tourmente.
Dans cette spirale, c’est l’affrontement entre pro-et anti-régime syrien. Le message du Conseil de sécurité des Nations unies ne manque pas, quant à lui, de pertinence pour avoir demandé aux Libanais de «s’abstenir de toute implication dans la crise syrienne», comme pour bien accréditer un tel risque, au demeurant mis en avant par les différents médiateurs onusiens dès l’été 2011 quand les armes avaient fait leur apparition dans la crise syrienne. Et dans le même temps, donner tort aux dirigeants libanais, eux qui avaient privilégié la piste israélienne. Quelle est la vérité, la seule chose qui soit connue jusqu’à présent, c’est qu’il y a danger? Le contexte libanais n’a jamais été simple. C’est ce qui justement renforce la crainte des Libanais de voir leur pays sombrer dans une autre guerre. Une guerre pour les autres? Qui alors?

Al-Hayat
Al-Hayat pose une véritable question politique. «Aurait-il été possible pour le Liban d’éviter les répercussions politiques sécuritaires que l’intervention du Hezbollah en Syrie allait inévitablement entraîner?».
Même sayyed Hassan Nasrallah lui-même, quand il a annoncé pour la première fois la participation de membres du Hezbollah dans les combats à Qoussair, n’a pas caché le fait qu’il était prêt à payer le prix et les conséquences de cette décision. Ces menaces du Hezbollah occultent le fait que le désaccord profond et la division qui existent dans le pays concernent précisément la question syrienne. Toute tentative d’ignorer cette réalité ou de décrire le conflit en utilisant des termes orientés, comme patriotisme ou takfiristes, comme l’appareil médiatique du Hezbollah tente de le faire, ne change pas la réalité de la question de toute façon. En effet, la réalité est que l’intervention du Hezbollah à l’appui du régime dans cette guerre a conduit à susciter l’hostilité de la majorité des Syriens, des partisans de l’opposition et des citoyens ordinaires, qui estiment que l’avenir de leur pays ne peut être assuré par la modification de ce régime. En outre, et en raison de la nature confessionnelle de la guerre qui se déroule en Syrie, l’intervention du Hezbollah s’est transformée en soutien à une communauté contre une autre.
Il y a une façon de faire face aux «takfiris», c’est en tendant la main aux modérés qui rejettent aussi ce genre de réflexion dans toutes les communautés, et notamment au sein de la communauté sunnite.

Atlantico
Atlantico s’intéresse à «la réalité d’une crise humanitaire qui ne peut que durer». Depuis la guerre, les Syriens émigrent la plupart du temps en familles. C’est une situation extrêmement urgente d’un point de vue humanitaire, et d’ailleurs, quand bien même le conflit syrien se terminerait demain, elle ne serait que partiellement résolue. En effet, beaucoup des Syriens ayant fuit leur pays ont perdu leurs logements. Il semble donc que cette situation nécessite un soutien humanitaire conséquent à destination des pays qui accueillent les réfugiés syriens.
Kfar Selouane, petit village de quelques milliers d’habitants perché dans les hauteurs du Mont-Liban. Les travailleurs syriens ont l’habitude de venir ici chaque année depuis des générations, travailler la terre, ou faire la cueillette des fruits. Jusqu’à présent, seuls les hommes venaient. Ils louaient des petites chambres dans le village où ils s’entassaient à six ou sept, restaient quelques mois et repartaient. Aujourd’hui, quelques dizaines de familles résident dans le hameau pour une durée indéterminée.
A quelques maisons de là, Hassan rentre du travail. Lui aussi est ouvrier agricole. Il vient travailler à Kfar Selouane depuis maintenant onze ans. Avant la guerre, il partageait une chambre avec six autres ouvriers moyennant 50000 livres libanaises par mois. Voilà sept mois que sa femme et ses deux enfants l’ont rejoint. Sa situation socioéconomique s’est détériorée puisqu’il doit désormais nourrir sa famille et payer un loyer mensuel de 150000 livres libanaises.

Julien Abi Ramia
 

Vanity Fair
La Mecque de la chirurgie esthétique
Le magazine américain Vanity Fair décrit le Liban comme La Mecque de la chirurgie esthétique.
Autant les Libanais que les étrangers profitent des prix compétitifs qu’offre le Pays du Cèdre pour faire quelques «retouches» à leur visage ou à leur corps. Depuis quelques années, une banque libanaise octroie même des prêts à taux avantageux spécifiquement pour ce type de dépenses. Plusieurs facteurs expliquent la popularité du Liban pour ces opérations: l’accessibilité, la qualité des soins et la situation géographique du pays. De nombreux expatriés et touristes des pays du Golfe profitent des vacances pour passer sous le bistouri.
Pourquoi la chirurgie esthétique est-elle si populaire au Liban? La démographie y serait pour quelque chose, avance Sarah Mallat. L’étudiante à la maîtrise en sociologie à l’Université américaine de Beyrouth s’est penchée pour sa thèse sur l’intérêt des Libanaises pour la chirurgie. «Au Liban, il y a un important exode de cerveaux des jeunes hommes. Les jeunes femmes restent derrière. Certaines études disent qu’il y a un homme pour cinq femmes, mais je crois que c’est un peu exagéré. Ce serait plutôt dix femmes pour sept hommes. Et les jeunes femmes croient vraiment qu’elles auront une plus grande chance de se marier si elles sont belles».

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