Magazine Le Mensuel

Nº 2925 du vendredi 29 novembre 2013

Culture

March. Un mouvement civil contre la censure

Protéger la liberté d’expression, dénoncer toute censure dans le domaine de l’art et de la culture, faire pression pour que la loi sur la censure soit réformée… Tels sont les principaux objectifs de March qui a organisé une table ronde sur le sujet.
 

Passionnée et profondément engagée dans ce projet contre la censure, la cofondatrice et coordinatrice générale de March, Léa Baroudi, affirme à Magazine qu’il est fondamental d’«apprendre comment se mettre d’accord sur un désaccord», le droit à la liberté d’expression étant, selon elle, le fondement d’une coexistence pacifique. «Nous avons réalisé que la liberté d’expression est le droit qui accompagne tous les droits civiques et avons donc décidé de commencer par la base, explique-t-elle, d’autant plus qu’il n’existe aucune référence officielle au Liban qui précise ce qui est passible d’être censuré». «La Sûreté générale, le ministère de l’Information et celui de l’Intérieur ont, tous, leur mot à dire quant à ce qu’il convient de publier, poursuit Léa Baroudi. Des autorités officieuses, tels les chefs religieux, les partis politiques et les ambassades étrangères peuvent aussi faire pression».
Modérateur de la table ronde, l’ancien ministre, Ziad Baroud, précise qu’il est temps de modifier les lois sur ce sujet, d’autant plus que, grâce aux réseaux sociaux, les citoyens peuvent désormais avoir accès à toutes sortes d’informations. Le père Georges Massouh, directeur du centre des études islamo-chrétiennes à l’Université de Balamand, dénonce les ingérences des religieux qui demandent aux autorités concernées de censurer tout avis qui diverge du leur, réclamant au passage l’instauration d’un Etat civil et la séparation entre la religion et l’Etat. Gino Raidy, auteur du Gino’s Blog explique comment il essaie de mettre en lumière les importantes violations dont il a connaissance, que ce soit des livres, des films ou autres. Joumana Haddad, journaliste, dénonce les décisions arbitraires prises à ce sujet alors qu’Antoine Zakhia, membre de la commission de la «rakaba», soutient le projet de la modification de la loi tout en défendant timidement certaines censures qui, à son avis, sont inévitables pour ne pas contribuer aux scissions entre Libanais.
La table ronde est suivie d’un tour au musée virtuel de la censure. Ce musée est un site qui répertorie tout ce qui a été censuré par les autorités libanaises de 1943 à ce jour. Films, pièces de théâtre, livres, journaux, albums de musique… On y retrouve, par exemple, le film de Charlie Chaplin The great dictator, sorti en 1940, interdit au Liban pour son contenu à caractère «juif» et «antinazi», indique le site. Trente-six œuvres censurées par la Sûreté générale pour la même raison, dont les films Ben-Hur (1959), Something’s got to give (1962), Les aventures de Rabbi Jacob (1973), Schindler’s list (1993), The pianist (2002). La Sûreté générale aurait également interdit les ouvrages de l’auteur américain Philip Roth pour «l’image favorable» qu’il donne du «peuple juif», ainsi que les albums du chanteur franco-algérien Enrico Macias − à part son disque Best Of − en raison de ses positions pro-israéliennes. La catégorie «Israël» recense, quant à elle, plus de quarante entrées. On y retrouve des livres et des films produits pas des Israéliens, mais aussi des artistes américains accusés de soutenir l’Etat hébreu comme le chanteur Frank Sinatra ou l’actrice Jane Fonda. Le musée comprend également une large collection d’albums de musique rock bannis dans les années 90 pour leur caractère «satanique». Parmi eux figurent les groupes Iron Maiden, Kiss, White Zombie, Def Leppard, Megadeth et Nirvana. Une trentaine d’œuvres ont également été censurées pour «érotisme», dont la comédie musicale mythique Hair (1979), le film de Marc Abi Rached, Help (2009), et la pièce de théâtre de Lina Khoury, Haki neswéne, inspirée des Vagina Monologues d’Eve Ensler.

Danièle Gerges
 

www.marchlebanon.org
Page Facebook «March Lebanon»
Compte Twitter @MARCHLEBANON.

 

Campagne auprès des jeunes
March n’a pas hésité à mener campagne à l’Université Saint-Joseph, à l’Université 
américaine de Beyrouth, à l’Université libano-américaine et à l’Université Notre-Dame de Louaizé. En y ouvrant de nouveaux clubs, cette organisation cherche à élargir son cercle de citoyens engagés. Le but: pousser la société civile à une entente malgré ses différences et promouvoir le respect entre ses groupes variés à travers la liberté d’expression.

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