Magazine Le Mensuel

Nº 2946 du vendredi 25 avril 2014

Affaire Déclassée

Un consul trafiquant d’armes. Massacre de douaniers à Masnaa

La sécurité au Liban se dégrade dès le début de 1958. Au début de l’été de la même année, le pays connaît des événements particulièrement meurtriers. Les incidents se multiplient sur la scène libanaise avec la proclamation de la République arabe unie (la RAU) au début de février 1958. Les répercussions sur la scène libanaise n’ont pas manqué d’entraîner de graves perturbations.
 

Le 12 mai 1958, cinq douaniers sont massacrés à Masnaa. L’affaire prend de graves dimensions, car elle arrive quelques heures à peine après la saisie d’armes dans la voiture du consul belge à Damas, Louis de San. Ce dernier était arrivé au poste frontalier, le 11 mai 1958, à bord d’une voiture officielle, espérant entrer au Liban sans contrôle, lorsqu’un douanier lui demande d’ouvrir son coffre. Il refuse d’obtempérer alléguant de son droit à l’immunité diplomatique. Averti, le Sérail maintient l’ordre de fouiller le véhicule. Le diplomate décide alors de rebrousser chemin, lorsqu’un douanier s’agrippe au volant. La voiture heurte un mur et s’immobilise. Les douaniers procèdent à l’ouverture du coffre et y découvrent les armes: 33 fusils-mitrailleurs Beretta avec 35 chargeurs, 28 revolvers Beretta avec 31 chargeurs, 1 500 balles de revolvers, 18 000 cartouches de fusils-mitrailleurs et une bombe à retardement en forme de stylo.
Outre les armes, ils trouvent un document dans lequel sont indiqués les secteurs où les attentats doivent être perpétrés. L’affaire se corse, le consul est arrêté et conduit à Beyrouth. L’interrogatoire se déroule en présence de représentants de la délégation belge. L’enquête démontre que le diplomate avait des accointances avec des courants politiques de l’extrême gauche.
Quelques heures après cette découverte, la région de Masnaa est le théâtre d’une attaque dans laquelle trois personnes trouvent la mort.  
Des automobilistes de passage alertent les douaniers du poste de Masnaa sur des mouvements d’hommes en armes. Six des douaniers n’étaient pas armés. Ils restèrent sur place refusant de se réfugier dans un lieu plus sûr. Des agents de la Sûreté, armés, se trouvaient dans un hangar plus loin.
Deux-cents éléments armés prennent d’assaut Masnaa. Les agents de la Sûreté ripostent. Des renforts arrivent vers minuit, soit quatre heures après l’attaque. Trop tard. Les hommes armés avaient agressé les douaniers désarmés, cinq sont abattus et leurs cadavres mutilés. Les cinq victimes sont: Habib Corm, Victor Aouad, Chafic Ghazal, Alfred Abou Dib et Habib Abboud. Corm devait se marier en juin. Aucune trace du sixième douanier, du nom de Darghous, pourtant présent avec ses cinq camarades. Les parents des victimes ne sont pas autorisés à ouvrir les cercueils, les corps étant dans un état indescriptible.
L’enquête conclut au massacre des cinq douaniers par une bande de partisans de Chébli el-Aryan et de ses complices venus de Syrie.
Après cette dégradation interne de la sécurité, surtout en l’absence des forces de l’ordre sur l’ensemble du territoire, le ministre de la Défense, Rachid Beydoun, présente sa démission, il est remplacé par Sami el-Solh, alors président du Cabinet. L’armée est chargée du maintien de l’ordre. La voie est ouverte à des volontaires civils armés placés sous les ordres de la gendarmerie. Cette dernière se voit confier la mission de défendre les villes, alors que l’armée était chargée de contrôler les infiltrations à travers les frontières et d’arrêter l’afflux d’insurgés vers les localités.
Le dossier est rapidement clos. La situation dans le pays et les armes en provenance de Syrie plaçaient l’affaire dans un cadre purement politique, d’autant que l’insurrection de 1958 était sur la voie.

Arlette Kassas

Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Camille Chamoun de Joseph Chami, et d’articles sur Internet.

Vers Moukhtara
Depuis 1957, les armes affluaient de Syrie vers les opposants du régime du président Camille Chamoun. Le député Chébli el-Aryan formait le lien entre la Syrie et le leader druze Kamal Joumblatt. Les armes arrivaient massivement à Deir el-Achayer pour les opposants et étaient transférées vers Moukhtara à dos de mulets. Joumblatt prenait toujours contact avec Aryan pour assurer les armes qui passaient tous les jours de Syrie et dont le transfert vers Moukhtara prenait douze jours.

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