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Nº 3029 du vendredi 27 novembre 2015

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ECONOMIE

Des Libanais fondateurs de start-up. Ils ont tout quitté pour investir au liban

Ils faisaient partie de cette diaspora libanaise qui a réussi à l’étranger. Tous avaient un emploi confortable que ce soit à Los Angeles, Paris ou Dublin. Malgré les risques, ils ont décidé de tout quitter pour revenir au Liban et lancer leurs propres business, bravant l’instabilité ambiante. Rencontre avec Oliver Ojeil, fondateur de Cliche VFX, Farid Chéhab, fondateur de Kitchen Central et Zadi Hobeika, fondateur de Game Theory.
 

Oliver Ojeil
Faire de Beyrouth le Hollywood de la région

Difficile d’imaginer qu’à seulement 33 ans, Oliver Ojeil dirige déjà sa propre entreprise depuis presque dix ans. Rien ne prédestinait cet artiste dans l’âme à une carrière dans le milieu des affaires. Depuis toujours, Oliver nourrit le rêve de réaliser un film à Hollywood.
C’est ainsi qu’à l’âge de 17 ans, le jeune lycéen quitte son Liban natal pour s’envoler outre-Atlantique suivre des études cinématographiques à la prestigieuse Temple University de Philadelphie.
Très vite, il enchaîne les réussites. Récompensé et nommé meilleur réalisateur pour une de ses vidéos, Oliver décroche son premier emploi à seulement 19 ans. Il investit alors, immédiatement, dans du matériel pour tourner ses propres films et embauche ses camarades d’université pour travailler avec lui.
A 22 ans, il lance son entreprise de post-production Cliche VFX à Los Angeles. De retour au Liban pour les vacances, le jeune entrepreneur flaire les opportunités grandissantes sur le marché publicitaire libanais et celle de l’industrie des clips musicaux. «J’ai senti qu’avec mon expérience, je pouvais apporter quelque chose de nouveau au marché libanais», explique-t-il. Le jeune homme commence alors à revenir au Liban pour y tourner des vidéos. «A Los Angeles, il était plus difficile de se démarquer. La compétition y a toujours été féroce. A seulement 22 ans, j’ai senti qu’il était plus facile pour moi de me démarquer au Liban». D’autant qu’en tournant ses vidéos, le jeune peine à trouver des maisons de post-production à la hauteur des standards américains. «Je me suis alors demandé: pourquoi ne pas le faire moi-même?».
C’est ainsi qu’en 2007, Oliver Ojeil développe sa société américaine en lançant la filiale libanaise de Cliche VFX à Beyrouth pour un investissement initial de 50 000 dollars. Incubé par Berytech, le jeune homme d’affaires avoue que l’écosystème est aujourd’hui beaucoup plus favorable à la création de start-up qu’il ne l’était en 2007.
Cela n’a pas empêché le réalisateur de travailler avec les plus grands. En 2008, il réalise au Liban le clip du chanteur américain Akon avec la Libanaise Melissa, Yalli nasseeni. Depuis, il se consacre à la publicité. Parmi ses clients, Cliche VFX compte des annonceurs tels que Porsche, Pepsi, HSBC ou encore Mini Cooper pour des budgets pouvant aller de 20 000 dollars à 1 million de dollars.
«L’instabilité politique a, bien sûr, affecté notre activité comme toute l’industrie, concède-t-il. Nos clients étant dans la grande majorité des Arabes du Golfe, nous tournons moins localement». La crise se fait aussi sentir au niveau des investissements publicitaires qui ont diminué d’environ 25% depuis le début de la guerre en Syrie.
Un contexte qui ne fait pas peur au réalisateur. Oliver Ojeil lance, l’année dernière, son second business Chiatoscuto, spécialisé dans la production de films publicitaires. «Après neuf ans en post-production, cette nouvelle entreprise était un développement naturel», considère-t-il. Des projets qui ne font que commencer. Oliver est à deux doigts de réaliser son rêve d’enfant. Il tournera bientôt deux films américains au Liban.

Zadi Hobeika
Google n’est qu’un début

Sa réussite prouve la véracité de sa devise: «Les opportunités ne se présentent pas, on les crée». Pour Zadi Hobeika, 29 ans, l’instabilité économique a été source d’opportunités économiques. Le jeune entrepreneur de 29 ans a surfé sur la baisse des investissements publicitaires dans la région pour créer, en 2013, Game Theory, une agence de publicité digitale basée à Beyrouth.
«Depuis le début de la crise syrienne, les budgets publicitaires ont connu une baisse sur les médias traditionnels, explique le geek. Le secteur digital a, lui, récupéré une partie de ces budgets car moins onéreux que la télévision ou l’affichage». Le secteur a ainsi grimpé de 1,5 million de dollars en 2011 à quelque 12 millions de dollars aujourd’hui, selon ses chiffres. C’est sur cette croissance exponentielle du marché digital dans la région que Zadi a décidé de tout miser.
Après des études de business à l’Université américaine de Beyrouth et un master à l’Essec à Paris, Zadi travaille notamment pour Hewlett Packard (HP) et Nestlé, avant d’être embauché par Google à Dublin pour travailler sur des solutions digitales pour le marché français.
Un an plus tard, lorsque Google charge Zadi de gérer le marché du Levant, le jeune homme identifie, immédiatement, une opportunité en or. «Je me suis rendu compte du gouffre qui existait entre la France et le Liban en matière de solutions digitales. Le marché de la publicité en ligne n’étant encore pas mature au Liban, c’était le moment d’investir!».
C’est ainsi que Zadi quitte Google et Dublin en 2013 pour revenir au Liban et se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Au départ, consultant indépendant, il réussit à travailler avec plus d’une dizaine de clients en moins de six mois. «J’ai alors décidé de lancer ma boîte, Game Theory, en janvier 2014». Six mois plus tard, il compte 25 clients à son actif et gère des budgets allant entre 800 000 et un million de dollars sur un marché de 10 millions de dollars. Fin juillet 2015, il est repéré par l’agence UM, qui lui rachète son portefeuille client et le nomme alors directeur digital général pour le Levant. «Il faut savoir prendre des risques dans le monde des affaires, conclut-il, c’est ce qui fait la différence entre ceux qui réussissent et les autres».

Farid Chéhab
Réussir au Liban, c’est réussir partout

Après des études de finances à l’Université américaine de Beyrouth et un master à l’Essec à Paris, il ne fut pas difficile pour Farid Chéhab, 31 ans, de décrocher un poste à responsabilité dans le milieu bancaire parisien. Pendant six ans, le jeune diplômé se construit une belle carrière dans la banque d’investissement. Après avoir notamment travaillé pour BNP Paribas, il monte rapidement les échelons pour terminer sa carrière en collaborant étroitement avec le conseil d’administration d’une société du CAC 40.
Tout semble alors sourire au jeune Libanais. Tout ou presque. Après ce beau parcours, Farid rêve de se consacrer à sa passion: la gastronomie. «J’ai décidé de suivre une formation aux côtés du grand chef français Alain Ducasse, raconte-t-il. En même temps, j’avais une folle envie d’investir mes quelques économies. En tant que Libanais, j’ai forcément pensé à mon pays».
En 2012, Farid décide de rentrer au Liban afin de réaliser son rêve. «J’étais conscient des challenges que j’allais devoir surmonter. La guerre en Syrie venait de commencer, les routes étaient régulièrement coupées, l’électricité rationnée et les années qui ont suivi n’ont guère été plus faciles».
Même s’il avoue avoir eu une once d’hésitation quant au choix du pays où investir, Farid ne regrette pas un instant sa décision. «Le Liban est une excellente porte d’entrée vers les pays arabes. Réussir au Liban, c’est réussir partout».
Pour l’homme d’affaires, les concepts libanais sont encore ceux qui s’exportent le mieux. Car hors de question pour lui de se limiter au marché libanais. «Mon objectif est bien de développer mon concept à l’international». Pour un investissement initial de 250 000 dollars, Chéhab lance alors le traiteur Kitchen Central en 2013 et vit son rêve d’entrepreneur dans son propre pays.
La situation politique a, sans aucun doute, été mon plus grand challenge. «Les gens vivent en plein marasme économique. Il est beaucoup plus difficile de les convaincre de consommer, il faut souvent casser les prix».
Aujourd’hui, l’ancien banquier a fait du chemin. Il confie que son chiffre d’affaires a bondi de 300% entre septembre 2014 et septembre 2015. Des projets plein la tête, il réfléchit déjà à de nouveaux projets d’investissement et compte bientôt exporter Kitchen Central au-delà des frontières libanaises. De nouveaux associés pourraient bien rejoindre l’équipe. Pour Farid, l’aventure ne fait que commencer.

Soraya Hamdan

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