Magazine Le Mensuel

Nº 3036 du vendredi 15 janvier 2016

POLITIQUE

Soutien des FL à Aoun. Une idée qui ne se concrétisera pas

Les milieux politiques sont entièrement pris par la possibilité pour le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, de proposer la candidature du général Michel Aoun à la présidence. Quels sont les enjeux d’un tel scénario?
 

Des responsables des Forces libanaises, comme le vice-président, le député Georges Adwan, ou le secrétaire général, Wehbé Katicha, ont  multiplié les déclarations alimentant l’hypothèse d’un soutien de la candidature de Michel Aoun. Au point qu’un scénario circule, de plus en plus, portant sur l’ouverture du Parlement pour une séance d’élection présidentielle qui serait couronnée par l’arrivée de Sleiman Frangié à Baabda. Ce scénario repose sur le fait que si Geagea appuie la candidature de Michel Aoun, face à celle de Frangié soutenue par le Courant du futur, tous les blocs parlementaires seraient contraints d’aller au Parlement si une date pour l’élection est fixée. Le quorum serait ainsi assuré et, au final, Frangié serait élu avec les voix des blocs du Futur, de Walid Joumblatt et de Nabih Berry, ainsi que de Najib Mikati et d’autres, face à la nouvelle alliance entre les FL et une partie du Bloc du Changement et de la Réforme, en plus peut-être du Hezbollah. En prévision d’une telle éventualité, chaque camp fourbit ses armes et se prépare à une véritable bataille électorale. Le Liban serait-il donc à la veille d’une redistribution totale des cartes politiques et des alliances, un peu dans le genre de l’élection de Sleiman Frangié en 1970?
 

Scénario irréaliste
Une fois le premier choc passé, les protagonistes politiques expriment, toutefois, leurs réserves sur ce scénario qui, selon eux, a besoin de nombreuses mises au point pour devenir réaliste.
Un fait est toutefois incontestable: le froid dans les relations entre Saad Hariri et Samir Geagea. Depuis quelque temps déjà, et surtout depuis la formation du gouvernement de Tammam Salam, dont les FL se sont elles-mêmes exclues − par respect pour le slogan du 14 mars d’alors qui disait qu’il n’est pas question de s’asseoir à la même table que le Hezbollah tant qu’il n’a pas retiré ses troupes de Syrie −, les divergences se sont aggravées entre les deux hommes. Au point que Geagea avait décidé d’ouvrir une ligne de contact direct avec les dirigeants saoudiens, sans plus passer par Hariri. Il pensait qu’ainsi, il n’avait plus qu’à respecter les lignes générales de la politique saoudienne pour rester dans les bonnes grâces des dirigeants de Riyad. De fait, il était toujours le premier, et parfois le seul, à critiquer ouvertement et à la moindre occasion, le Hezbollah et l’Iran, croyant ainsi être devenu incontournable et indispensable pour les dirigeants saoudiens dont il est devenu le principal défenseur. Mais le coup n’a pas tardé à venir de Saad Hariri lui-même qui a soudain lancé l’idée d’élire Frangié à la tête de la République. Pour Geagea, c’est le pire scénario possible, d’autant qu’il a l’aval des Américains et des Saoudiens, qui considèrent que le fait de donner la présidence à un candidat du 8 mars, fut-il Frangié, est un moindre mal pour préserver le système actuel et leur influence au Liban.
Poussé dans ses derniers retranchements, le leader des FL a commencé à réfléchir à une initiative qui lui permettrait de rendre la pareille à Hariri, sans pour autant perdre ses relations avec Riyad. Il a donc évoqué, par la voix de ses seconds, la possibilité d’appuyer la candidature du général Aoun, son ennemi d’hier, pour contrer celle de Frangié. En lançant cette possibilité, Geagea a voulu rendre la pareille à Hariri, en lui rappelant que lorsqu’il avait entamé une entente avec Aoun, il avait lui-même posé comme condition l’aval des composantes chrétiennes du 14 mars. S’il passe donc outre la décision des Forces libanaises et du Courant patriotique libre (CPL), il serait en train de balayer ses propres positions, tout en alimentant les accusations portées contre son courant d’ignorer les chrétiens.
Mais des sources informées assurent que la manœuvre de Geagea ne peut pas aller jusqu’à se concrétiser par un vote présidentiel au Parlement. Pour la simple raison que l’heure des compromis régionaux du Yémen à la Syrie, en passant par le Liban, n’a pas encore sonné. Cette initiative, qui n’est d’ailleurs pas encore officielle, est donc une idée sur le long terme, plus qu’une manœuvre ou une contre-manœuvre interne, mais elle n’ira pas jusqu’à produire des solutions.

Joëlle Seif
 

Hariri contre-attaque
Ayant saisi l’attaque directe de Samir Geagea contre lui, Saad Hariri s’est empressé de resserrer les liens avec les autres composantes chrétiennes du 14 mars, qu’il s’agisse de l’ancien président Michel Sleiman ou même des Kataëb. Il espère ainsi obtenir l’adhésion de ces composantes à son initiative et, surtout, isoler Geagea, sachant que ce dernier, en dépit de son ouverture sur Michel Aoun, ne peut pas aller avec lui jusqu’à l’alliance en raison du Hezbollah et de sa propre volonté de ménager les Saoudiens.

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