Magazine Le Mensuel

Nº 3043 du vendredi 4 mars 2016

Semaine politique

Saad Hariri à Beyrouth. Retour temporaire ou définitif?

A la lumière des nouveaux défis et des différends à l’intérieur du 14 mars et du Courant du futur, le retour de l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, est devenu non seulement nécessaire, mais vital aussi, aux yeux de ses partisans et de ses alliés.
 

Le premier à encourager le retour de Saad Hariri à Beyrouth fut le leader druze Walid Joumblatt, qui avait dépêché le ministre de la Santé, Waël Abou Faour, à Riyad. La mission d’Abou Faour était d’appuyer la thèse du retour de l’ancien chef du gouvernement et de montrer ses avantages. Les avis concernant son retour étaient partagés. Certains y étaient favorables et d’autres estimaient qu’il fallait faire preuve de patience, tant que Hariri n’apportait pas avec lui une solution à ses problèmes financiers, alors que les salaires impayés dans ses médias et ses entreprises sont évalués à au moins 100 millions de dollars.
 

Isoler les frondeurs
Selon les milieux du 8 mars, Saad Hariri serait rentré au Liban pour affirmer sa présence, son rôle et son leadership sur une scène où se succèdent les événements et où ses rivaux ont le champ libre. Mais la question principale que se posent ces milieux serait de savoir s’il était rentré pour récupérer un espace qui se réduit de plus en plus ou est-il revenu précisément en ce moment pour être le fer de lance d’un projet de conflit régional?
Saad Hariri n’est pas en mesure d’accompagner une escalade exercée par son allié régional, selon les milieux du 8 mars. Ceux-ci partagent la conclusion à laquelle serait parvenu le Bloc du Changement et de la Réforme durant sa dernière réunion selon laquelle Hariri ne détient ni initiative ni solution. La raison principale de son retour est de torpiller les résultats de la réconciliation de Maarab.
Quant à la seconde raison, elle consiste à remettre de l’ordre chez les bleus, surtout à la veille des élections municipales. Ces milieux ajoutent que Hariri a décidé de contenir d’abord les problèmes et les oppositions et ensuite d’être ferme, surtout à l’encontre des frondeurs. Cette règle s’applique à l’intérieur du Courant du futur et s’étend à l’ensemble du 14 mars. L’ancien Premier ministre renforcera les liens et la coordination avec les Kataëb, ainsi qu’avec les autres personnalités chrétiennes, sans pour autant couper les ponts avec Samir Geagea.
La troisième raison du retour de Saad Hariri est son désir de réaffirmer son rôle politique à travers son initiative concernant la candidature de Sleiman Frangié. Pourtant, il réalise parfaitement qu’il ne fait que tourner dans un cercle vicieux tant que le Hezbollah continue à appuyer la candidature du général Michel Aoun. Son action pourrait rapprocher les points de vue sur quelques dossiers, notamment économique et sécuritaire, mais elle ne peut, en aucun cas, faire avancer le dossier de l’élection présidentielle, car celui-ci est désormais l’otage de la guerre froide qui a lieu sur le plan régional et international.
A part les raisons énumérées, le retour de Saad Hariri aurait également pour but d’affirmer qu’il est, en premier et dernier lieu, l’homme de Riyad au Liban. La véritable bataille qu’il mène n’est pas celle de la présidence de la République, mais celle de son retour à la tête du gouvernement. Dans les deux dossiers, lui et son équipe politique ne détiennent pas de pouvoir décisif. Le maximum qu’il puisse faire est de reprendre en main son courant politique et rassembler autour de lui les mécontents. Il pourrait éventuellement régler le différend avec Samir Geagea, mais si les élections municipales ont lieu comme prévu, elles feront apparaître l’étendue des dégâts subis par les deux parties. Quant aux deux échéances principales, Hariri ne détient aucune carte lui permettant d’obtenir les résultats escomptés.
L’ancien chef du gouvernement a désespérément besoin de retrouver la présidence du gouvernement qui représente pour lui une bouée de sauvetage, car elle lui permettrait de reprendre une activité politique sérieuse. Cette position officielle lui procurera une influence politique et financière qui lui fait grandement défaut aujourd’hui. Son retour à la tête du Conseil des ministres l’aiderait aussi à affronter ses adversaires en Arabie saoudite.

Joëlle Seif
 

Le choix de Hariri
Pour revenir à la tête du gouvernement, Hariri a une alternative, amère dans les deux sens. Il devrait obtenir l’autorisation de l’Arabie, pour tâter le terrain auprès du Hezbollah, en vue d’une rencontre avec sayyed Hassan Nasrallah en prévision d’un futur compromis, lorsque l’heure de celui-ci aurait sonné. Sans cette rencontre, dont on ne sait pas si elle serait acceptée par le secrétaire général du Hezbollah, son retour à Beyrouth n’a aucune valeur. La seconde option qu’il détient est celle de retrouver son exil volontaire, se préjugeant encore une fois des conditions sécuritaires, pour prendre la fuite de nouveau…

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